La troisième conférence internationale sur le financement du développement a débuté ce lundi matin à Addis Abeba, capitale de l’Ethiopie, pays qui arrivait au neuvième rang des pays les plus pauvres du monde en 2014. Elle fait suite aux réunions de Monterrey, au Mexique, en 2002, et de Doha, au Qatar, en 2008, et tend, comme elles, à trouver les moyens de favoriser le développement durable afin d’éliminer l’extrême pauvreté d’ici 2030. Pendant quatre jours, la capitale éthiopienne accueille donc une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement, ainsi que les plus hauts représentants des Nations unies, organisateur de l’événement, et de multiples organisations de la société civile.
« Lancer un partenariat mondial renouvelé et renforcé pour financer un développement durable centré sur les êtres humains », tel est l’intitulé officiel, et bien sûr l’objectif, de cette nouvelle conférence internationale sur le financement du développement.
La conférence d’Addis-Abeba entend lutter contre l’extrême pauvreté
En clair, supprimer l’extrême pauvreté : l’ambition est louable, mais demande assurément à être précisée, tant elle paraît irréalisable – pour ne pas dire irréaliste. Et, de fait, dimanche, à la veille de l’ouverture de la conférence, les Nations unies annonçaient n’avoir pas réussi à terminer le document de travail sur lequel les pays qui y participent devaient travailler. Car certains points, qui touchent notamment aux questions fiscales, demeurent conflictuels, et on le comprendra aisément. Nombre de multinationales rechignent à voir disparaître les constructions subtiles échafaudées pour passer entre les mailles du filet des percepteurs. L’idée de se trouver désormais face à un fisc mondialisé, par ailleurs bras armé d’une vision politique planétaire, ne les enchante que fort peu. Or, en face, l’idée d’éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 2030, comme s’il s’agissait d’une maladie, à l’égal de la variole, demande des moyens d’autant plus prodigieux que la pauvreté, au lieu d’être « calculée », si l’on peut dire, en fonctions des nécessités humaines locales, l’est dorénavant sur la base de considérations économiques mondiales. Pour prendre le cas de l’Ethiopie, où se déroule ladite conférence, plus de 94,7 % de la population, selon l’association humanitaire pour les droits de l’enfant « Humanium », vit avec moins de deux dollars par jour. Ce qui ne signifie quasiment rien pour les habitants des pays dits civilisés ou riches, où, avec moins de deux dollars par jour, on ne vit pas, on meurt…
Un nouveau plan mondial aux couleurs de l’humanitaire
En bref, ce sont évidemment les pays riches qui sont invités à équilibrer les richesses – leurs richesses – à un niveau mondial. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon a ainsi exhorté « les dirigeants mondiaux et les ministres réunis ici cette semaine (…) à faire preuve de flexibilité et de compromis » : « Laissons de côté ce qui nous divise et nos intérêts particuliers pour travailler ensemble au bien-être commun de l’humanité. »
Le premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, a été plus précis : « J’espère que ce sommet verra les pays développés s’engager à consacrer au moins 50 % de leur aide publique au développement aux pays les moins développés. »
Vers un monde pauvre ?
On comprend que lesdits pays développés tiquent à voir la gestion des opérations pécuniaires risquer de leur échapper. D’autant que la conception de pays « riche » est sans doute à revoir. Lorsque la Chine est toujours qualifié de pays émergent alors qu’elle achète ce qu’elle veut (ou presque) en France, connue pour être un pays « riche » même si sa dette se chiffre aujourd’hui en milliers de milliards, et qui en outre va être appelée à mettre encore au pot mondial, il y a nécessairement quelque chose qui échappe au simple citoyen français, qui peut, au passage, croiser la pauvreté dans presque toutes les rues des grandes (et même moyennes) villes françaises. Evidemment, aider un pauvre qui habite à des milliers de kilomètres est plus facile : on glisse une (pas trop grosse) pièce dans une corbeille anonyme, et l’on rentre tranquillement chez soi… sans s’inquiéter davantage ni du pauvre qui traîne au coin de la rue, ni de son homologue malawite à 10.000 kilomètres de là. Ni surtout de cette politique mondiale qui, petit à petit, en douceur, va faire de lui, bientôt, un autre pauvre…