Tribune dans le JDD : En plein congrès, Arnaud Montebourg recadre le PS

Congres PS Tribune Arnaud Montebourg
 
La tribune publiée dimanche, en plein congrès socialiste, par Arnaud Montebourg et co-signée par Matthieu Pigasse, banquier et homme d’affaires proche du PS, plutôt version DSK, n’aura laissé personne indifférent, consternant les uns, réjouissant les autres. Il faut dire que l’ancien ministre n’y fait pas dans la demi-mesure, accusant ni plus ni moins ses camarades, et notamment ceux qui participent au gouvernement de Manuel Valls, de faire sinon le jeu, du moins le lit du FN. Une analyse qui ne serait pas complète si on ne se posait, comme le font certaines mauvaises langues, la question de la réciprocité…
 
Le constat posé par l’ancien ministre de l’Economie est simple, et suffit à agacer l’Elysée et Matignon ; c’est celui de l’actuel désastre français. Avec, pour corolaire, la question de la capacité des actuelles autorités françaises à corriger le tir. « Est-il encore possible de sauver le quinquennat ? », lance-t-il tout bonnement.
 

Une pierre dans le jardin du congrès socialiste

 
La question, à l’heure où François Hollande et Manuel Valls promettent que les mauvais chiffres actuels ne sont que les signes avant-coureurs de résultats meilleurs, a fait l’effet d’une bombe au sein du PS réuni en congrès, prouvant par là qu’il y avait quelque légitimité à la poser.
 
D’emblée, les signataires de cette tribune font effectivement exploser la vision politique – si c’en est une… – du président de la République. « Hébétés, écrivent-ils, nous marchons droit vers le désastre. » Un désastre dont ils précisent aussitôt la nature : « C’est la démocratie qui est cette fois menacée, car les progrès du Front national dans le pays sont aussi graves que spectaculaires et son accession possible au pouvoir est désormais dans toutes les têtes. Prenant la mesure de la gravité de la situation, peut-être serait-il nécessaire que nos dirigeants cessent de commenter ce que fait ou dit le FN ou que cesse encore cette culpabilisation inutile des électeurs dans cette “lutte” purement verbale et artificielle “contre” le Front national. Faire semblant de combattre le FN pour se donner bonne conscience n’a aucun effet. On serait, au contraire, bien avisé d’agir sur les causes réelles et profondes qui jettent des millions de Français dans ses bras : l’explosion du chômage, la hausse de la pauvreté et la montée du sentiment de vulnérabilité dans presque toutes les couches de la société française. »
 
De fait, le constat posé – et commenté – par Arnaud Montebourg et Matthieu Pigasse, celui de l’austérité, est on ne peut plus réel. Des millions, des dizaines de millions de Français en subissent, chaque jour, la triste réalité.
 

Tribune accusatrice : Arnaud Montebourg face au PS

 
De fait, l’inefficacité du gouvernement à agir pour inverser la tendance est criante. Parce que, sous la houlette de Manuel Valls comme sous celle de ses prédécesseurs, il se trompe de politique. « Agir, affirment Montebourg et Pigasse, cela veut dire ne pas faire payer la facture des déficits publics créés par les errements de la finance privée dans la crise, par les classes moyennes. Cela veut dire se battre pour la croissance en interrompant les politiques absurdes, inefficaces et anti-économiques de Bruxelles, et rendre sous forme de baisses d’impôts ce qui a été lourdement prélevé sur les ménages (plusieurs dizaines de milliards d’euros). Cela veut dire ne plus se laisser faire par Berlin et Bruxelles et changer la politique économique nationale et européenne. »
 
De fait, cette contre-politique a profité au Front national, accumulant dans les urnes les voix des électeurs se portant sur ses candidats. Et les élections qui passent semblent confirmer ce mouvement.
 
Cela dit, les signataires de cette étonnante – et intéressante à plus d’un titre – tribune se trompent lorsqu’ils croient voir dans le FN l’inquiétante incarnation d’une droite de combat. Le FN des années 2010 a lâché trop de lest, sur des sujets fondamentaux, pour que nous n’en soyons pas convaincus. Et même plutôt inquiets. En réalité, la fameuse « lepénisation des esprits » a tourné court, abandonnant les idées pour n’être qu’essentiellement nominale.
 
Marine Le Pen en a encore dernièrement donné un signe en allant affirmer, au Caire ses « nombreuses convergences de vues » avec le Grand Imam d’Al-Azhar, qui relativise quelque peu sa « très vive inquiétude pour les chrétiens d’Egypte, de Syrie et d’Irak » exprimée, au cours du même voyage, auprès du patriarche copte Théodore II. Jacques Attali considérait d’ailleurs récemment qu’il n’y avait pas grand chose à attendre, aujourd’hui, des partis qui constituaient ce qu’il appelle le FNUMPS…
 

L’inefficacité institutionnelle du socialisme

 
Cette formule d’un homme qui, pour être fondamentalement de gauche, n’en a pas pour autant sa langue dans sa poche, pourrait sans doute servir de réponse à la question posée par Arnaud Montebourg et Matthieu Pigasse : « Est-il encore possible de sauver ce quinquennat et de le rendre enfin utile à notre pays ? »
 
Cela dit, il n’est pas sûr, pour intéressante que soit leur réflexion sur la crise actuelle et sur les moyens de tenter de s’en sortir, pour galvanisantes que soit leurs considérations sur le courage et la fierté d’être français, que tout cela suffise à nous en sortir effectivement.
 
Après tout, il y a fort à parier que, fondamentalement, Arnaud Montebourg demeure un homme de système, et en l’occurrence du système socialiste, qui, jusqu’ici, et depuis les quelques décennies où il s’essaye au pouvoir, n’a jamais réussi à faire quelque bien que ce soit à la France.
 
Quant à Matthieu Pigasse, il est, en tant que patron de la banque franco-américaine Lazard, l’un des conseillers du premier ministre grec. Or, si les coups portés par Alexis Tsipras contre le sectarisme européen peuvent apporter quelque réjouissante satisfaction à tous ceux qui en subissent le carcan, cela n’induit nullement que sa politique, d’un socialisme plus échevelé encore que le nôtre, soit appréciable. Bien au contraire…
 
François le Luc