Consultations : Jupiter Macron se prendra-t-il les pieds dans le chaos ?

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Emmanuel Macron consulte. Lui qui a expédié les présidents de l’Assemblée et du Sénat en un quart d’heure avant de décider la dissolution, multiplie maintenant les consultations depuis tantôt deux mois avant de décider de ce qui est la conséquence la plus urgente de sa décision hyper rapide : la formation d’un nouveau gouvernement. Ces tergiversations font jaser. Marine Le Pen martèle le mot chaos, un qui ne laisserait place à nulle solution. La gauche furibarde, tout en se divisant, se retrouve d’accord pour condamner le président. Celui qu’on surnomma Jupiter dans les débuts de son premier quinquennat pour caricaturer sa hauteur et ses prétentions à l’altitude est-il en train de se faire des nœuds dans ses manœuvres compliquées ou réussit-il au contraire d’une manière étonnante à remplir la mission qu’il s’est assignée ?

 

L’union des frustrés contre Macron et ses consultations

Quand Jean-Luc Mélenchon a parlé de « destitution » et de lancer une procédure devant l’Assemblée, les gens sérieux à gauche ont haussé les épaules, cela n’avait aucune chance d’aboutir, cela desservait la candidature d’union de Lucie Castets à Matignon. Aujourd’hui cependant, la rage saisit de plus en plus de monde dans le camp progressiste. Depuis que Macron a exclu de choisir son Premier ministre dans le Nouveau Front populaire, les noms d’oiseau volent. Fabien Roussel, dont le parti atteint péniblement 2 %, fidèle aux méthodes communistes, appelle à la mobilisation populaire, tandis que la verte Marine Tondelier juge que Macron « nage en pleine dérive illibérale ». Lucie Castets, la fonctionnaire qui s’occupe des finances de la ville de Paris et qui s’est prise quelques semaines pour un futur Premier ministre dénonce un « déni de démocratie » et le premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure, qui partage son dépit, refuse désormais de participer à toute nouvelle consultation organisée par Macron, bien qu’il y soit convié.

 

Jupiter provoque le chaos en méprisant les usages républicains

Macron n’a pas invité non plus Mélenchon, ni Ciotti, ni Marine Le Pen. C’est bien évidemment la logique du groupe central qu’il prétend réunir, dans la continuité à la fois des troisième et quatrième Républiques et de beaucoup de gouvernements en Europe depuis 1945. Cela n’a donc rien de scandaleux. C’est même conforme à la Constitution, qui lui impose seulement de nommer le Premier ministre, en lui laissant le choix des moyens et des délais. Mais, dans le camp des démocrates chatouilleux, on invoque les « usages républicains » pour condamner les retards du président. C’est fou ce que la gauche est à cheval sur les convenances, on se croirait chez la duchesse d’Uzès, et le bon Louis Boyard, le panda rageur de LFI, n’est pas le dernier dans le mouvement. Mais, derrière ces mômeries et ces colères feintes ou ressenties, quelle est la situation réelle, et qu’est-ce qui est en jeu ?

 

Les deux missions de Jupiter Macron

Emmanuel Macron est l’un des préfets européens importants de l’arc-en-ciel. De sorte qu’il a pour double mission d’accompagner la réduction de la souveraineté française d’une part et d’empêcher les révoltes populaires de déboucher sur une solution nationale : les nations, si elles retrouvent leur identité et leur souveraineté, sont l’ennemi mortel de la révolution mondialiste en cours. Il a fort intelligemment, par la dissolution du 9 juin, et le chaos qu’elle a provoqué, privé le RN des fruits de sa victoire aux européennes : aujourd’hui ce mouvement, qui a recueilli le plus de voix, et de loin, tant aux européennes qu’aux législatives, et qui dispose du groupe le plus nombreux à l’Assemblée, n’y occupe aucun poste de responsabilité et se trouve exclu des tractations pour le pouvoir. Dans l’immédiat, la stratégie du chaos lancé par Macron avec l’aide de Mélenchon a parfaitement fonctionné. Devant ses commanditaires, Macron peut présenter un bilan impeccable, et cela explique qu’il continue à s’exprimer devant la communauté internationale comme s’il était Jupiter dans l’Olympe, notamment à propos de l’arrestation du fondateur de Telegram, Pavel Durov.

 

Grâce au chaos Jupiter en l’Olympe a réussi les deux missions de Macron

D’un autre côté, ses retards soigneusement accumulés, trêve olympique, trains de consultations accumulés suivant la foucade apparente de la dissolution, changement de tactique entre le tout contre LFI de juin et le tout contre le RN de début juillet, suivi du ni l’un ni l’autre depuis, ont réussi non seulement à semer un formidable chaos, mais à discréditer un peu plus la fonction présidentielle : les Français en ont assez de voir le grand dictateur Jupiter jouer dans son bureau de l’Elysée avec le globe terrestre et leurs angoisses, les calculs électoraux, les ambitions des unes et des autres. Ils crient, mais, pas plus qu’Olivier Faure, ils n’ont de poids sur l’événement, et Macron triomphe donc. Grâce au chaos, il a éloigné le spectre de la révolte nationale (il essaie en plus d’ériger Mélenchon en premier représentant du peuple en le rejetant par système hors de l’arc constitutionnel), et en même temps effrité un peu plus la souveraineté nationale. Missions accomplies !

 

Attention : un chaos peut en cacher un autre

Si j’étais Jupiter, je me méfierais toutefois. Les dieux de l’Olympe étaient soumis comme les mortels à des lois qui leur préexistaient et les dépassaient, exactement comme la caste arc-en-ciel toute puissante se compose d’humains dont la nature ne diffère pas de celle des sans-dents de Hollande. Et je méditerais au destin du mot chaos. On sait quel puissant et déterministe organisateur d’imprévisible en ont fait les mathématiciens, et quelques-uns se rappellent ce qu’il était du temps d’Hésiode : un vide, un inconnu plein de possibles qui engendra avec la Nuit tout l’univers. De cet abîme sans forme, après bien des combats incertains (et les titans de la gigantomachie avaient plus de grandeur qu’Olivier Faure et plus de hargne que Mélenchon), Zeus, dont les Latins firent Jupiter, tira le Cosmos, le monde où toute puissance a sa fonction. Mais il ne faut pas confondre autour avec alentour, ni Macron avec Jupiter, la corne d’abondance avec la pâtisserie Trogneux : l’imprévisible chaos que l’apprenti-Jupiter a organisé peut lui revenir dans le nez, il peut devenir la grande confusion qu’il signifie aujourd’hui pour nous. Alors tout peut arriver, y compris le pire aux yeux de l’arc-en-ciel. Du désordre peut naître demain une victoire de la révolte populaire. Alors notre démiurge maladroit n’aurait d’autre ressource que de se jeter de l’Olympe.

 

Pauline Mille