La transition du contrôle d’internet se fera, sauf imprévu, samedi à 4 heures GMT : les USA l’abandonnent à la société de droit californien l’ICANN, où gouvernements, multinationales et ONG collaborent. L’Etat US préfère faire exercer la nécessaire censure du système par une sorte d’agora globale dont il contrôle la loi et l’esprit.
L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) est une société fondée en 1998, à l’instigation du vice président écologiste et mondialiste Al Gore, par le département du commerce extérieur américain. Cette société de droit californien attribue les noms de domaines et les numéros sur internet, elle administre les ressources numériques. N’entrons pas dans le détail : cela lui a permis, par exemple, de bloquer le site Wikileaks de Julian Assange. C’est une société à but non lucratif dont l’objet est clairement politique, et c’est par elle que passe la censure sur Internet.
ICANN, société créée par les USA pour le contrôle d’Internet
Depuis 2014, les USA ont décidé de couper leurs liens officiels avec l’ICANN. Ce sera donc fait samedi à 4 heures GMT. L’ICANN s’administrera toute seule. Christopher Mondini, son vice président pour l’économie globale salue « ce nouveau modèle de gouvernance » où ingénieurs, hommes d’affaires, ONG et représentants des gouvernements exercent leur contrôle les uns sur les autres pour éviter toute dérive et toute hégémonie, un système « multi-parties prenantes » capable, à la moindre dérive, de « lancer des procédures d’autocorrection ».
Certains Républicains conservateurs, le sénateur du Texas Ted Cruz en particulier, ne croient pas à la perfection de cette « structure byzantine » où régneront selon lui « les technocrates, les multinationales et les gouvernements, y compris les plus oppressifs, la Chine, l’Iran et la Russie ». Ils agitent le spectre de la censure d’Etat, opposée à la tradition de libre expression propre aux USA et aux démocraties de type anglo-saxon. Pour les appuyer, le site conservateur Breitbart donne une synthèse des manifestations de la censure sur Internet dans plusieurs Etats voyous ou assimilés.
Comment les USA gardent un contrôle sur Internet
A l’opposé, les partisans de cette transition du contrôle d’internet font valoir, comme Kathryn Brown, présidente de l’Internet Society, qu’elle résulte d’un « consensus préparé des deux côtés depuis vingt ans sous toutes les présidences ». Ou, comme six parlementaires démocrates dans un article sur Tech Crunch que, en cas d’échec ou de retard, « la Russie et ses alliés pourraient pousser à donner le contrôle d’Internet à l’ONU, où leur influence est plus forte ». Et même, comme il en existe plusieurs projets, à une scission d’internet en divers réseaux non interconnectés – la Chine travaille déjà dans cette voie. Dans la perspective globale qui est la sienne, Barack Obama a donc eu raison de hâter le plus possible la transition du contrôle d’internet.
Pour plusieurs raisons. Un, le réseau reste pour l’instant non morcelé et l’influence anglo-saxonne s’y maintient, qu’elle soit culturelle, commerciale ou politique. Malgré la censure d’Etat qu’exercent ici ou là les régimes montrés du doigt par les USA et leurs alliés. Deux, en cas de litige, les choses se règleront devant des tribunaux californiens. Trois, à travers la « liberté d’expression », même restreinte par endroits, la morale globale, antiraciste, LGBT, etc.… continuera à se diffuser.
Quand l’Etat juge plus appropriée une censure globale
Reste la question de la censure. C’est là qu’Obama se révèle un grand politique. La censure est inévitable sur Internet. On l’a vu dans l’affaire Snowden et l’affaire Assange – et le nombre de cas va croissant. Or l’amendement Numéro 1 des USA garantit en principe la liberté d’expression totale au citoyen américain et aux sites dont les serveurs sont installés sur le sol des USA. Bien sûr, des géants d’Internet, Facebook, Google, pratiquent déjà spontanément une censure technique plus ou moins discrète. Mais ce n’est pas suffisant. D’où, pour installer la censure nécessaire à la bonne diffusion de la morale globale (antiracisme, anti sexisme, anti spécisme, lutte contre le révisionnisme, demain contre la mise en doute de tout dogme politiquement correct), la nécessité de refiler le pouvoir de censure, le contrôle d’internet, à un consortium où l’on pourra mettre sur le dos d’un Etat hostile, ou d’une multinationale, ou d’ONG diverses, le coup de canif nécessaire à la sacrosainte liberté d’expression. Obama assure en douceur le passage de la censure d’Etat à la censure globale.