Coradia iLint d’Alstom : en Basse-Saxe, un nouveau train hydrogène-électricité au service des « petites lignes »

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N’en déplaise à SNCF Mobilités qui en France a érigé en dogme le sabotage des services voyageurs sur « petites » lignes – encore 800 km fermés ces sept dernières années –, le train a de l’avenir hors des mégapoles mondialisées et des lignes à grande vitesse qui les relient en ignorant tout des pays qu’elles traversent. Ironie, c’est Alstom, entreprise française pour quelques mois encore avant sa fusion-absorption par Siemens, qui vient de mettre en service le train hydrogène-électricité idoine pour améliorer encore l’économie des services ferroviaires régionaux en zone peu dense. Cela se passe en Basse-Saxe et il s’agit du Coradia iLint, un automoteur utilisant la pile à combustible, adapté aux lignes régionales non électrifiées, ici en version bi-caisse. Sa construction a été assurée par les usines Alstom de Salzgitter, en Allemagne.
 

Le réseau EVB de Basse-Saxe, soucieux de développer la desserte des « petites lignes » de train

 
Le réseau ferroviaire qui inaugurait ce dimanche n’a rien à voir avec le mastodonte centralisé qu’est le monopole SNCF. L’autorité organisatrice Landesnahverkehrsgesellschaft Niedersachsen (groupe de transport régional de proximité de Basse-Saxe, LNVG) et l’exploitant Eisenbahnen und Verkehrsbetriebe Elbe-Weser (Entreprise de chemin de fer et de transport Elbe-Weser, EVB), sont des organismes régionaux proches des préoccupations de leurs populations et connaissent l’utilité essentielle du train pour un transport sûr, capacitaire, régulier et structurant. Le ministre des Transports de Basse-Saxe et le ministre fédéral des Transports étaient présents pour cette mise en service, à Bremervörde, petite ville de 18.000 habitants desservie par une de ces « petites lignes » et qui, en France, ne serait probablement depuis longtemps plus desservie que par quelques autocars.
 
Dès lundi deux de ces Coradia iLint sont entrés en service commercial sur le réseau de l’EVB, circulant à une vitesse maximale de 140 km/h. Ils seront exploités, pour le compte de LNVG, sur le parcours de 100 km reliant Cuxhaven (48.000 habitants), Bremerhaven (113.000 habitants), Bremervörde et Buxtehude (40.000 habitants), et remplaceront l’actuelle flotte diesel d’EVB, une entreprise qui transporte quelque deux millions de voyageurs par rail chaque année. Le Coradia iLint dispose d’une autonomie de 1.000 km, soit l’équivalent des engins diesel de même capacité.
 

Au total, 16 Coradia iLint à Hydrogène d’Alstom vont rouler en Basse-Saxe

 
Carmen Schwabl, directrice de LNVG, autorité organisatrice qui verse 300 millions d’euros par an aux exploitants délégataires de service publics, le passage à la technologie des piles à hydrogène est une décision stratégique : « Avec les deux trains Coradia iLint et l’arrivée de 14 autres trains à hydrogène dès la fin 2021, nous sommes la première autorité de transport ferroviaire à remplacer des rames diesel par des rames à zéro émission, contribuant ainsi à un meilleur respect des objectifs de protection de l’environnement ». Outre l’absence d’émissions de particules et de gaz de combustion, cette technologie réduit fortement l’émission de bruit. Elle n’a pas recours à la consommation d’hydrocarbures importés, favorisant les producteurs européens de gaz industriels, tels Linde ou Air Liquide. En revanche, les rames à hydrogène coûtent plus cher que les diesels, soit 81 millions d’euros pour 16 rames, ce qui place la rame bi-caisse à quelque 5 millions d’euros. En revanche, son exploitation devrait être nettement « plus économique », a fait savoir Stefan Schrank directeur du projet chez Alstom.
 
La propulsion à hydrogène est particulièrement bien adaptée au ferroviaire, mode lourd, sécurisé, en site propre, évitant ainsi les risques de rupture du réservoir d’hydrogène inhérents au mode routier. Toutefois, des projets de moteurs de voitures individuelles à oxygène sont dans les cartons et pourraient supplanter le mode batteries. S’il est vrai qu’aujourd’hui la production d’hydrogène nécessite une assez grande quantité d’énergie, elle peut voir son « bilan carbone » fortement diminuer grâce à une production hors pointes via l’électricité en période de sous-consommation du réseau. Elle permet ainsi de lisser – voire de stocker – le flux électrique superflux, un atout dans le cadre d’une production électronucléaire, au pilotage assez lent.
 

Le Coradi iLint mélange hydrogène et oxygène pour créer l’électricité nécessaire à la propulsion

 
Le moteur du Coradia iLint mélange l’hydrogène à l’oxygène de l’air ambiant pour créer de l’électricité, utilisée ensuite pour la propulsion. Le moteur électrique affiche un rendement énergétique (rapport entre énergie utilisée pour la propulsion et énergie consommée) bien supérieur (jusqu’à 95 % en moteur synchrone) à celui du moteur à explosion (environ 42 % pour un diesel). La seule émission du moteur à hydrogène est celle de vapeur d’eau. L’énergie électrique inutilisée pour la propulsion est stockée dans des batteries ion-lithium à bord du train. L’hydrogène sous forme gazeuse est contenue dans un réservoir d’aluminium de la taille de celui d’un réservoir diesel, qui se ferme automatiquement en cas d’accident pour éviter les fuites. L’hydrogène sera fourni par une station d’approvisionnement dotée d’un réservoir de 12 mètres de hauteur en gare de Bremervörde.
 
D’autres pays sont candidats à l’achat de ce type d’engins. Selon Alstom, le Royaume-Uni, dont le réseau électrifié est assez limité, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, l’Italie et le Canada sont sur les rangs. En France, le gouvernement a déjà fait savoir qu’il souhaitait que les premiers trains à hydrogène circulent dès 2022. Il reste à souhaiter que d’ici là demeurent encore en France quelques « petites » lignes régionales en service.
 

Matthieu Lenoir