L’hydrogène blanc, l’énergie « propre » de l’avenir ?

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Pendant que les puissances qui nous gouvernent nous poussent vers un « tout électrique » dont l’alimentation tomberait du ciel (en cas de soleil ou de vent) par le truchement de vilains panneaux solaires et éoliennes, coûteux à faire fonctionner, incertains dans leur production et gourmands en substances polluantes, une nouvelle révolution énergétique pourrait bien se profiler à travers la ruée vers « l’hydrogène blanc » : l’énergie renouvelable qu’on extrait comme du vulgaire pétrole.

Ambrose Evans-Pritchard du Telegraph de Londres consacrait jeudi dernier une chronique à ce carburant « propre » dont l’extraction a l’avantage de pouvoir se faire avec des moyens existants et à un coût raisonnable. Cerise sur le gâteau, les réserves seraient considérables, assurant des centaines d’années d’énergie à la population humaine, et contrairement aux « fossiles », c’est une ressource qui se reconstitue au fil du temps.

Attention, il s’agit bien de l’hydrogène blanc : l’hydrogène vert, lui, qui s’obtient à partir de l’eau (et a les faveurs de l’Union européenne notamment), requiert le traitement de cette dernière par électrolyse et engloutit 70 % de l’énergie utilisée à cette fin par rapport au produit final. Pour un kilogramme de ce produit, il faut investir aujourd’hui 3 à 4 dollars, sans compter l’utilisation d’électricité « verte » pour faire fonctionner l’extraction.

 

L’hydrogène blanc, beaucoup plus efficace mais nettement moins subventionné que l’hydrogène vert

L’hydrogène blanc, lui, se trouve dans des gisements naturels dont le nombre pourrait dépasser, et de loin, ce que l’on imaginait jusqu’à une date récente. On connaît ainsi des sortes de « brûleurs » naturels aux Philippines, en Turquie et une petite vingtaines d’autres pays où un gaz naturel résultant d’une réaction chimique entre les roches souterraines et l’eau provoque des flammes qui semblent éternelles. A Chimaera en Turquie, le gaz en question est chargé à 11,3 % d’hydrogène. Ailleurs on trouve des gisements qui ne brûlent pas forcément mais n’attendent qu’à être utilisés : ainsi à Bourakébougou au Mali, une nappe souterraine d’hydrogène quasi pur (à 98 %) a été découverte lorsqu’un homme faisant un forage pour trouver de l’eau a fumé une cigarette pendant sa pause, provoquant une explosion de ce gaz dont il ne soupçonnait pas la présence, puisqu’il est inodore et sans couleur.

Selon le Pr Alain Prinzhofer de l’Institut de Physique de Paris, ce gisement produit en continu, car sa pression demeure constante, voire augmente au fil du temps, confirmant semble-t-il l’hypothèse que l’hydrogène se renouvelle en continu à travers une réaction chimique qui se poursuit dans le sous-sol.

On connaît ces phénomènes depuis longtemps ; la nouveauté, c’est que les chercheurs estiment aujourd’hui que les gisements sont extrêmement nombreux et que l’on pourrait atteindre à long terme un coût d’extraction d’environ 1 dollar par kg, pour une puissance de base disponible en continu et stockable sous forme comprimée dans des conteneurs d’acier, selon le géologue ukrainien Vyacheslav Zgonnik.

 

Une énergie qui se reconstitue au fur et à mesure

S’il a raison, note Ambrose Evans-Pritchard, il est urgent de demander des comptes à ceux qui subventionnement lourdement l’hydrogène vert et l’hydrogène bleu (capturé à partir du gaz naturel ou du charbon avec une capture plus ou moins efficace du carbone). Et aussi, en ce qui concerne l’Europe, si l’UE n’est pas en train de marquer un but écologique dans son propre camp avec la nouvelle mode d’interdire les forages. Zgonnik, notant qu’il faut simplement adapter le matériel et les méthodes existants dans la mesure où l’hydrogène attaque les tuyauteries en métal, et mieux se prémunir contre les fuites, souligne qu’on ferait bien mieux de soutenir cette nouvelle activité qui s’annonce vraiment comme une industrie du futur, plutôt que de canaliser toutes les subventions européennes vers l’hydrogène vert : « Il faut corriger cela rapidement. »

En France, un gros gisement a été trouvé dans le bassin minier de Lorrain en mai par la société Française de l’Energie, le plus gros d’Europe, même, avec de l’hydrogène à 15 % à 1.100 mètres de profondeur, sans contamination de gaz corrosifs ; on s’attend à trouver de l’hydrogène à 90 % de pureté en forant à 3.000 mètres.

En Australie, en Mongolie ou encore au Nebraska, les explorations commencent ou se poursuivent ; l’Australie, justement, s’est déjà dotée d’un appareil réglementaire pour le forage et l’exploitation – le plus « avancé » au monde.

« Nous ne trouvions guère d’hydrogène auparavant car nous n’en cherchions pas », commente pour sa part le Pr Jon Gluyas, expert mondial en la matière qui enseigne à Durham University, rapporte le Telegraph. Seule l’Union soviétique avait une avance en ce domaine car on y cherchait l’hydrogène qu’on pensait être un marqueur de la présence de pétrole ou de gaz naturel : ce n’est pas le gaz, mais voici l’hydrogène géologique doté de sa valeur propre.

 

Rentabilité, intérêt pour les investisseurs : le pas devrait être franchi d’ici à deux ans

Pour le Pr Zgonnik, la percée critique pourrait se produire d’ici à un ou deux ans : c’est le moment où les sociétés spécialisées dans la recherche de pétrole et de gaz estimeront rentable d’investir dans le dispositif de repérage de gisements exploitables à un coût raisonnable compte tenu de la pureté du produit et des difficultés d’extraction – on estime que la limite se situe probablement vers les 3.000 mètres de profondeur.

Mais une fois le gisement trouvé, on n’aura plus qu’à le laisser produire sans avoir à reforer ni à craindre l’épuisement.

La prochaine étape consiste à trouver les meilleures utilisations de l’hydrogène, à la fois comme composant dans l’industrie, combustible et autres. Le jour où l’on fera la « découverte commerciale » d’un produit prêt à vendre sur le marché, « il y aura une véritable ruée », annonce le Pr Gluyas.

Mais en arrivera-t-on à ce stade ? L’hydrogène blanc menace le discours sur l’énergie « rare » et le devoir de « protéger la planète » en ne touchant pas à ses ressources. Le plus gros obstacle à son possible essor sera sans doute politique.

 

Jeanne Smits