Mgr Salvatore Cordileone rend hommage aux martyrs modernes du communisme

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Mgr Salvatore Cordileone, archevêque de San Francisco en Californie, célébrera le vendredi 15 mars à Miami, en Floride, une messe en mémoire des martyrs du communisme, qui sera accompagnée de la première mondiale du Requiem for the Forgotten (« Requiem pour les oubliés ») du compositeur de musique sacrée catholique Frank La Rocca. En vue de cet événement, Mgr Cordileone a publié sur First Things une tribune sur l’oubli actuel des « Martyrs modernes du communisme », dont nous vous proposons ci-dessous d’importants extraits.

Le texte s’ouvre sur un rappel au sujet de la situation actuelle au Nicaragua où le clergé catholique est persécuté, emprisonné, exilé à cause de sa foi. « Le Nicaragua suit le chemin balisé par les totalitaires de Russie, de Cuba, de la Chine et d’ailleurs : faites fermer l’Eglise, car sinon, les oubliés et les persécutés auront une voix. »

 

Mgr Salvatore Cordileone déplore l’oubli des martyrs du communisme

Mais avant tout, Mgr Cordileone veut mettre en garde contre l’oubli des horreurs du communisme et contre les conséquences de cet oubli au sein de générations qui peuvent se laisser séduire par les sirènes du marxisme.

Dans le même temps, il se pose en défenseur et promoteur de la création contemporaine selon les véritables normes de l’art sacré, pour la restauration du sacré dans la liturgie à travers le Benedict XVI Institute dont il est le membre le plus éminent du bureau.

Cet Institut commande notamment des œuvres à Frank La Rocca, son compositeur attitré, auteur d’une Messe des Amériques en espagnol, latin, anglais et nahuatl, en l’honneur de Notre Dame de Guadalupe, patronne des Amériques, et de l’Immaculée Conception, patronne des Etats-Unis. On peut la découvrir ici interprétée dans le cadre d’une messe tridentine célébrée au maître-autel de la basilique du National Shrine (Sanctuaire national) de l’Immaculée Conception à Washington, il y a quatre ans, par Mgr Cordileone. Saisissant…

Voici donc ses propos sur les martyrs du communisme – ce communisme dont on comprend à travers ses mots qu’il n’est pas mort, mais transformé en « idéologie mondiale ». – J.S.

 

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Les martyrs modernes du communisme, par Mgr Salvatore Cordileone

 

Pourquoi si peu d’Américains prêtent-ils attention aux horreurs des régimes marxistes ? Pour moi, une question encore plus troublante se pose : pourquoi les catholiques connaissent-ils si peu les martyrs et les victimes des brutalités du communisme ?

L’une des raisons, moins évidente, est peut-être que l’Eglise catholique a traditionnellement classé les martyrs en fonction de leur identité nationale – par exemple, les « martyrs de Chine ». Cette catégorisation, bien que logique, tend à occulter ce que ces martyrs ont en commun : ces hommes et ces femmes sont des héros de la foi qui se sont dressés face à des idéologies impies, meurtrières et totalitaires qui se sont répandues à travers le monde au cours des XXe et XXIe siècles. Auparavant, les martyrs souffraient surtout de la part de leurs autorités locales ; aujourd’hui, c’est une idéologie mondiale, manifestée sous différentes formes, qui mène la persécution.

Une autre raison, plus évidente, de l’oubli par les catholiques de leurs martyrs héroïques est que nous sommes devenus trop dépendants des médias et des artistes laïques pour raconter notre propre histoire. Pour les catholiques, cette situation est historiquement inhabituelle : pendant des siècles, l’Eglise catholique, avec l’aide de mécènes, a commandé de grandes œuvres d’art – peinture, sculpture et musique sacrée pour la liturgie – qui ont traversé les siècles et continuent d’enseigner et d’élever les âmes aujourd’hui. Mais depuis une cinquantaine d’années, comme l’a souligné le poète Dana Gioia dans son essai fondateur The Catholic Writer Today, ce flot massif de production créative s’est ralenti jusqu’à n’être plus qu’un filet d’eau. Dans son dernier livre, Christianity and Poetry, Gioia explique pourquoi cela est important pour les chrétiens : « La poésie n’est pas simplement importante pour le christianisme. Elle constitue un aspect essentiel, indissociable et nécessaire de la foi et de la pratique religieuses. » Dans la Bible, Dieu nous parle à travers la poésie. La liturgie elle-même est une forme de poésie, au sens profondément condensé. Le catholicisme a jadis compris que les arguments cognitifs ne suffisent pas à saisir ou à transmettre la réalité spirituelle, une compréhension qu’elle partage avec nos églises sœurs de l’orthodoxie orientale.

Alors que la culture laïque se montre de plus en plus hostile, ou simplement indifférente, à la religion, il est temps de redécouvrir les arts en tant que centre d’évangélisation. Nous devons à nouveau chanter nos propres chants et raconter nos propres histoires, afin de partager avec le monde la vérité, la bonté et la beauté de la foi.

C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai demandé à l’Institut Benoît XVI de lancer un nouveau projet pluriannuel racontant l’histoire de ces martyrs héroïques du communisme, dans la liturgie et les hymnes, mais aussi dans les peintures, la poésie, les pièces de théâtre, les vidéos et les essais, en partenariat avec le musée des victimes du communisme à Washington, D.C., entre autres.

La manière classique catholique de se souvenir du témoignage héroïque des martyrs est la liturgie et la prière. C’est pourquoi, le 15 mars, je serai à l’église de l’Epiphanie à South Miami pour célébrer la première mondiale d’une nouvelle messe que j’ai commandée à Frank La Rocca : le Requiem pour les oubliés. Cette messe, conçue à l’origine pour les sans-abri, a été réadaptée pour les réfugiés d’Ukraine. Nous avons demandé à notre Poète attitré James Matthew Wilson de composer une nouvelle hymne, un Offertoire pour l’Ukraine, qui rend hommage aux vénérables catholiques qui ont résisté à la persécution du communisme soviétique. Miami, où vivent aujourd’hui de nombreux Nicaraguayens exilés, ainsi que des Cubains et d’innombrables autres personnes exilées de force, est un lieu naturel pour lancer ce projet.

Je suis sûr d’une chose : notre incapacité à nous souvenir de nos héros et martyrs du communisme a un effet dangereux sur les connaissances de la nouvelle génération. En 2022, la Fondation des victimes du communisme a publié un rapport sur les attitudes des Américains à l’égard du socialisme, du communisme et du collectivisme, synthétisant les données de 2.100 Américains interrogés, âgés de 16 ans et plus : 30 % des membres de la génération Z ont une opinion favorable du marxisme, soit une augmentation de 6 points de pourcentage par rapport à 2019. Seuls 63 % de la génération Z et des Millennials (contre 95 % de la génération plus âgée) pensent que la Déclaration d’indépendance garantit mieux la liberté et l’égalité que le Manifeste communiste.

Lorsque j’entends parler de Mgr Alvarez et des autres évêques nicaraguayens qui ont refusé de quitter leur pays bien-aimé jusqu’à ce que le pape François leur demande de partir, je pense au grand cardinal Ignatius Kung Pin-Mei, nommé cardinal in pectore par le pape Jean-Paul II. Lui aussi a refusé de quitter son peuple. En 1955, il avait été arrêté par les autorités de la Chine communiste et amené devant une foule nombreuse pour confesser ses « crimes ». Il s’écria alors : « Vive le Christ Roi ! Vive le pape ! »

Le 24 janvier 2024, le pape François a reconnu un martyr de plus du communisme : le prêtre polonais Michal Rapacz, qui a survécu à l’occupation nazie avant d’être traîné dans la forêt et abattu en 1946 par les communistes polonais parce qu’il refusait de leur remettre les biens de sa paroisse.

L’arc du communisme peut être long et se déguiser sous différents noms, mais il commence par la fausse promesse selon laquelle un gouvernement sans Dieu peut instaurer l’utopie et se termine par la persécution de l’Eglise pour avoir osé s’élever contre l’oppression au nom des oubliés.

 

+ Salvatore J. Cordileone, 6 mars 2024

 

Commentaires et traduction par Jeanne Smits