Coronavirus : André Bonnet plaide aujourd’hui devant le Conseil d’Etat pour l’autorisation d’utiliser la chloroquine chez les porteurs du COVID-19

Coronavirus Conseil Etat autorisation chloroquine COVID 19 André Bonnet

André Bonnet vient d’engager un référé-liberté devant le Conseil d’Etat pour obtenir qu’on revienne en arrière sur l’interdiction d’utiliser la chloroquine pour contrer les complications du coronavirus chinois, son usage dans ce cadre ayant été réservé à des essais cliniques et aux personnes déjà gravement atteintes par l’infection pulmonaire liée au COVID-19. L’affaire devait être plaidée ce jeudi 26 mars à 16 heures.
C’est une procédure capitale, qui s’appuie notamment sur le droit de la santé – rien ne s’oppose à une autorisation au moins temporaire de ce seul espoir pour de nombreux patients – et sur le respect du principe de précaution, à l’heure où le confinement est en train de détruire l’économie française.
André Bonnet, avocat, fondateur de l’association « Promouvoir », a bien voulu répondre à mes questions à propos de cette procédure qui vise à faire cesser une situation aussi étrange qu’aberrante : alors que l’hydroxychloroquine associée à plusieurs antibiotiques débarrasse les porteurs du COVID-19 de leur charge virale dans les 6 jours – au lieu de 20 sans traitement, et que l’efficacité du traitement est précisément la meilleure lorsqu’il est pris de bonne heure, le gouvernement fait tout pour qu’il ne soit pas utilisé, ou alors dans les pires conditions.
Les arguments avancés sont juridiques. Ils montrent que rien ne s’oppose à l’utilisation de ce traitement pour le coronavirus du point de vue juridique. En cela, ils apportent un complément important aux arguments médicaux et moraux du Pr Didier Raoult. – J.S.


 

André Bonnet, vous avez engagé mercredi matin avec plusieurs autres personnes un référé liberté devant le Conseil d’Etat à propos de ce qui est devenu l’affaire de la chloroquine. Qu’est-ce qui a déclenché votre décision de mettre ainsi l’Etat devant ses responsabilités ?

 
C’est une décision personnelle. Il m’est aussi apparu utile que d’autres personnes se joignent à cette requête, mais en tenant compte de cette difficulté : il fallait aller vite, et le temps manquait compte tenu de l’actualité. C’est une initiative purement personnelle, et j’en ai d’ailleurs fait informer le professeur Raoult plus tard dans la matinée. Lui-même ne savait pas que cette affaire était portée devant le Conseil d’Etat.
 

Mais pourquoi vous, pourquoi maintenant ?

 
Peut-être parce que je fais partie des gens qui ressentent des symptômes, même s’ils ne sont pas graves, et à qui on dit de rester chez eux après leur avoir tout de même demandé d’appeler le 15…. Mais c’est surtout parce que je ressens une révolte intérieure compte tenu de la façon dont se passent les choses, et de la manière dont on interdit désormais purement et simplement aux médecins de prescrire une molécule avec de mauvaises raisons, sans tenir compte de ce que les trois, quatre, voire parfois six semaines dont on nous parle pour l’accomplissement des tests qui auraient été lancés au niveau européen, cela représente des milliers et des milliers de morts qu’on aurait peut-être pu éviter. C’est absolument ahurissant, et cela vient s’ajouter à l’impréparation en matière de masques, en matière de tenues… Et à l’impossibilité de se faire dépister, puisque rien n’a été préparé en ce qui concerne les tests. C’est une raison un peu personnelle, mais essentiellement, elle traduit une révolte intérieure face à une atteinte au bien commun qui est d’une gravite extrême.
 

Vous-même n’avez pas pu bénéficier du test, j’imagine ?

Non, bien sûr que non. Tant que vous n’avez pas de symptômes suffisamment graves pour qu’on vous hospitalise, vous n’êtes pas testé.
 

Qu’est-ce qui vous a amené à penser que le traitement proposé par le professeur Raoult – hydroxychloroquine, azithromycine un autre antibiotique à large spectre – puisse être réellement une bonne solution dans cette crise sanitaire ?

 
Une constatation. Je ne suis pas médecin moi-même, mais je suis en mesure, avec ma formation juridique, d’analyser tous les éléments d’un dossier. Beaucoup d’éléments vont dans le sens d’une reconnaissance de son efficacité. Je ne vois pas comment elle pourrait être niée compte tenu de ce qui est disponible. Certes le lot de patients qui a été testé dans des conditions cliniques classiques était faible lorsque la première étude est sortie, puisqu’il s’agissait de 24 patients, avec deux ensembles de patients, l’un à Avignon et l’autre à Nice, pour faire la comparaison avec ceux de Marseille, mais ensuite les témoignages se sont multipliés.
 
Ces témoignages affirmaient : « J’avais les symptômes, je me suis fait soigner après avoir été dépisté, et je m’estime complètement guéri maintenant. » C’est un premier point.
 
Le deuxième point, c’est que les arguments s’opposant à l’usage de la chloroquine sont d’une telle mauvaise foi qu’on se dit, tôt ou tard, qu’il y a quelque chose qui ne va pas, qu’il y a anguille sous roche.
 
Pourquoi sont-ils selon moi de mauvaise foi ? Parce qu’il y a une sorte d’argument d’autorité qui est souvent mis en avant, à savoir que le médicament ne disposerait pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM), et que dès lors aucun médecin ne peut le prescrire sans porter atteinte à l’éthique médicale et à ses obligations en matière légale.
 

Cet argument ne tient donc pas et vous le dénoncez dans votre référé liberté ?

 
Il faut que les gens comprennent bien. Il existe en effet évidemment une autorisation de mise sur le marché pour cette molécule, et depuis longtemps, puisqu’elle est utilisée depuis des dizaines d’années. Simplement, quand on prend le document officiel qui la répertorie, on y voit certes listées un certain nombre d’infections – une quinzaine – mais celle du COVID-19 n’y figure pas, par définition, puisque ce virus est apparu récemment.
 
Mais ce qui est important, c’est que la famille à laquelle appartient le COVID-19, c’est exactement et justement celle que vise l’autorisation de mise sur le marché pour la chloroquine. Il ne s’agit pas d’un médicament applicable, par exemple, aux infections en matière d’ostéoporose pour traiter des malades atteints d’une infection virale, mais d’un médicament classiquement utilisé pour les infections virales, qui a fait ses preuves pour un certain nombre d’entre elles, alors que nous sommes justement confrontés à une nouvelle infection virale et que l’on on se dit que, peut-être, ce médicament pourrait avoir un spectre permettant de la traiter. C’est la même famille, ce sont les mêmes principes qui vont être appliqués.
 
Et donc si on ne dispose pas d’une autorisation de mise sur le marché pour la nouvelle infection, il en existe bel et bien une pour la molécule en cause, dont on connaît tous les effets secondaires possibles, dont on connaît tous les éléments qui pourraient amener à prendre des précautions. Et c’est bien pour cela qu’on parle de précautions à prendre, dans certains cas, pour les personnes cardiaques.
 
Sur le plan technique, l’argument essentiel mis en avant parmi les adversaires du Pr Raoult est celle-ci : l’AMM qui a été donnée précédemment à ce médicament ne vise pas le COVID-19.
 
Or cette objection est illogique et arbitraire, car la seule chose que l’on pourrait raisonnablement dire, si la famille n’était pas la même, ce serait qu’une présomption défavorable, nécessitant de nombreux et longs tests préalables, doit être assumée. Il se trouve au contraire que la famille d’infection est la même. Et donc la présomption doit jouer en sens inverse ! C’est un premier point.
 
Deuxième point, une étude a déjà été faite en France, une autre en Chine, une autre en Australie, sur des patients réels et pas seulement in vitro. Et on voit concrètement, depuis maintenant plusieurs dizaines de jours, que ce qui se passe à Marseille donne des résultats positifs, et qu’on n’a aucune personne qui soit tombée gravement malade par suite d’ingestion du traitement. Or nous sommes par ailleurs, cela n’aura pas échappé au Gouvernement, en « état de guerre », selon l’expression du président de la République lui-même. Dire à des gens qui sont sans doute en train de mourir, ou qu’on va condamner à la mort à brève échéance : « Ecoutez, a priori, la présomption, c’est que ce médicament va vous rendre service, mais comme on ne l’a pas testé sur 3.000 ou 5.000 ou 10.000 personnes, on ne veut pas vous le donner », c’est absurde. C’est intenable sur le plan éthique.
 
Troisième point, des voix très nombreuses se sont élevées, je pense notamment au Pr Perronne, qui est un responsable de réputation internationale. Il a déclaré ne pas comprendre que l’on n’aille pas dans le sens de l’administration de la chloroquine. C’est un argument qui me semble extrêmement important, et on comprend d’autant moins, du coup, les raisons pour lesquelles l’interdiction de prescrire l’hydroxychloroquine est, depuis le 23 mars, encore plus forte qu’elle ne l’était dans le passé, puisque désormais c’est non seulement une prescription médicale qu’il faut, mais que s’y est ajoutée l’obligation de ne donner cette chloroquine que dans des cas d’infection sévère… quand il est déjà trop tard.
 
Même « l’OMS » – on ne sait pas qui a pris cette décision, cela a été dit à la télévision sans aucune référence technique – aurait déclaré qu’il ne faut donner en aucun cas la chloroquine à quelque patient du COVID-19 que ce soit. Quand les arguments sont d’une telle mauvaise foi d’un côté, vous vous dites que la vérité est vraisemblablement de l’autre.
 

On connaît la molécule qui sert à la fabrication du médicament Cytotec : elle est donnée pour certaines affections du système digestif, mais on la recommande aux femmes pour son effet abortif dans les pays où l’avortement n’est pas légal. Cela ne suscite pas du tout ce même genre de réaction : au contraire, les recommandations sont qu’elles puissent accéder à ce médicament pour un but qui ne correspond pas à son indication thérapeutique.

 
Oui, cela montre encore d’avantage le caractère absurde et ahurissant de l’interdiction d’aujourd’hui. Franchement, la question qu’on peut être amené à se poser, c’est la suivante : la motivation de ce refus de la chloroquine n’est-elle pas tout simplement qu’un certain nombre de personnes sont très intéressées par la conception d’un vaccin qui tarde à venir ou qui était prévu pour venir plus tôt, et que le manque à gagner risque d’être gigantesque ? On a une sorte de présomption qui est en train de naître : la raison de cet obstacle que l’on met devant l’utilisation qui est tombé dans le domaine public, que tout le monde connaît, qui ne coûte rien, n’est-elle pas une raison cachée, liée à des intérêts financiers énormes ?
 

Cette motivation possible, même si on ne sait pas si c’est celle-là qui est en cause, fera-t-elle partie de votre argumentation ? Et quelle sera votre argumentation ? Portera-t-elle surtout sur l’utilité du médicament ? La liberté de prescrire ?

 
Aucunement. J’en reste à des arguments de type juridique.
 
Le premier argument juridique, c’est celui que j’évoquais à l’instant à propos de l’autorisation de mise sur le marché, que je complète en disant que le texte du code de la santé publique applicable prévoit que, si nécessaire, l’agence nationale de la santé et du médicament (ANSM) puisse prendre une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), voire même une ATU (autorisation temporaire), dans des cas qu’on appelle les cas « de cohorte » : des cas dans lesquels beaucoup de patients ont besoin en urgence du traitement.
 
Dans le cas présent, il fait tenir compte du fait que déjà maintenant depuis 15 jours, voire 3 semaines, on ne voit personne, à quelque endroit que se soit, venir se plaindre d’avoir été tué par la chloroquine, parmi ceux qui ont été traités à Marseille.
 
Dans le cas présent, rien ne s’oppose donc, et c’est le premier argument que nous faisons valoir devant le Conseil d’Etat, à ce que, en urgence, l’Agence nationale de la santé et du médicament prenne, à la demande du ministère de la santé, une autorisation ou une recommandation temporaire d’utilisation. Cela permettrait, en attendant que les fameux tests européens débouchent, de donner aux patients qui le demandent la molécule qui leur est indispensable.
 
Le deuxième argument, c’est que, en matière médicale, la difficulté essentielle, lorsqu’il y a un traitement qui peut poser problème, c’est celle de l’information du patient. Lorsqu’on n’a rien à proposer d’autre au patient qu’un traitement qui serait susceptible de poser problème, on a quand même l’obligation – c’est ce à quoi contraint le texte même du code de la santé publique (article L. 1110-1 du code de la santé publique, en vertu duquel « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne »), – de proposer ce traitement au patient, en lui demandant, après l’avoir complètement informé, s’il est d’accord pour prendre le risque.
 
En agissant ainsi la question pourrait être résolue très simplement. Y-a-t-il oui ou non possibilité de dépister ? Non. Y-a-t-il oui ou non un traitement connu autre que la chloroquine ? Non. On pourrait dire dès lors dire à tous les patients : « Vous avez des symptômes qui sont de nature à devenir très graves, voulez-vous prendre le risque de traiter à la chloroquine ? » Et le patient répond oui ou non. Et c’est terminé. Le patient doit toujours être, lui ou sa famille, ou les deux ensemble, en mesure de décider s’il prend le risque ou pas lorsqu’un seul traitement est disponible, et que, paraît-il, il pourrait y avoir un risque. C’est très classique, en matière chirurgicale particulièrement.
 
Enfin, il y a un troisième argument qui est important, c’est la double violation du principe de précaution, et nous présentons cette violation sous deux aspects.
 
Il y a d’abord violation du principe de précaution pour les personnes, prises à titre individuel. S’il existe un traitement qui, possiblement, peut leur éviter de mourir, la précaution exige de le leur proposer. Dès lors, une interdiction absolue, générale, comme celle qui aujourd’hui est proférée, à savoir : vous ne donnez la chloroquine qu’en cas d’infections sévères pour les malades en réanimation à l’hôpital, cette interdiction, donc, est contraire au principe de précaution, lequel est pourtant inscrit en lettres d’or dans la Constitution de la République française.
 
La violation du principe de précaution, ensuite, est manifeste également sur le plan macro-économique, sur le plan macro-social. En effet, si la voie de la chloroquine, associée avec un antibiotique, permet de guérir les patients comme cela semble être le cas, on pourra plus rapidement mettre fin au confinement, avec de vraies guérisons. On aurait peut-être même pu l’éviter. Or ce confinement risque de détruire durablement l’économie française. Donc le principe de précaution imposait là encore d’explorer toutes les voies possibles permettant d’éviter ce confinement. Et parmi ces voies, le traitement à la chloroquine associée à un antibiotique, selon les préconisations du Pr Raoult.
 
Tant que le gouvernement n’a pas exploré de façon absolue cette voie-là, il n’a pas le droit juridiquement de confiner l’ensemble de la France et de détruire son économie ! Une illégalité existe donc à cet égard, du fait de la violation du principe de précaution protégé par la constitution elle-même.
 

Que risquent ceux qui prennent ce type de décisions ? Des poursuites de la part des gens qui ont perdu un membre de la famille, des gens qui ont perdu leur emploi ? Peut-on envisager que tout cela donne lieu par la suite à des procédures contre l’Etat ?

 
Dans le principe non. Je vois mal des procédures pénales, car dans le principe, une faute administrative n’est pas forcément une faute pénale. Là où cela devient pénal, c’est lorsque les autorités, ou des personnes qui gèrent l’administration publique, ont sciemment refusé de tenir compte d’indications qu’ils connaissaient, ont sciemment négligé de faire leur devoir. Et là oui, il peut y avoir éventuellement engagement de la responsabilité pénale, y compris pour des fautes involontaires, il suffit que la faute existe.
 
Dans le cas présent, ce que nous faisons devant le Conseil d’Etat, ne se situe pas du tout sur ce plan-là. Nous sommes vraiment uniquement dans une démarche visant à sauver des vies. C’est-à-dire qu’il faut obtenir si possible que le Conseil d’Etat, après avoir étudié la question, réponde : eh bien écoutez, oui, dans ce cas, rien ne s’oppose au moins à une autorisation temporaire, donc prescription possible par les médecins dès le premier constat sérieux des symptômes. Et à partir de là on sauvera peut-être des milliers et des milliers de vies. C’est le but essentiel de ce que nous avons entrepris.
 

Aurez-vous le soutien scientifique du professeur Raoult ou présentez-vous des arguments uniquement juridiques ?

 
Sur le plan scientifique, c’est nous qui écoutons.
 

Et donc vous traduirez simplement en arguments juridiques ce que l’on peut identifier par ailleurs sur ce plan scientifique ?

 
Oui. Bien sûr. Nous écoutons attentivement les praticiens de Marseille, le Pr Raoult en premier lieu, bien sûr, ainsi que les autres praticiens favorables à cette solution de l’hydroxychloroquine, nous examinons leurs arguments, quels sont les arguments adverses, les arguments de ceux qui d’abord étaient hostiles à sa pratique et qui maintenant s’y sont entièrement ralliés etc… Et, à ce jour, on peut en déduire sur le plan scientifique au moins une forte probabilité, qui explique notre démarche. Mais pour autant, encore une fois, notre apport vise uniquement des points juridiques, à savoir l’importance du recours à l’information des patients, la constatation qu’il existe déjà une AMM et que la seule question est celle de la nouvelle indication proposée, et enfin la constatation d’une violation du principe de précaution, principe dont on nous rebat les oreilles dans d’autres domaines, mais qu’on semble avoir oublié tant au sommet de l’Etat que dans les grands médias.
 

Ce qui se passe dans les autres pays qui sont en train d’adopter la chloroquine, comme le Maroc ou les Etats-Unis, cela vient-il aussi au secours de votre dossier, ou sera-ce un dossier franco-français ?

 
Non, non, je pense que la question posée l’est au plan international. On risque d’ailleurs de se trouver dans une situation où la France pourrait manquer de certaines matières premières, et ne pourrait pas produire à temps le nécessaire, et notamment l’hydroxychloroquine, alors que d’autres pays, partis bien avant nous, auront commencé à traiter en masse leur population. C’est le risque que nous courons. Donc surtout ne pas faire du franco-français ! Je considère que, sauf à être absurdement orgueilleux, il ne faut jamais partir du principe que l’ensemble des autres pays font n’importe quoi et que nous sommes les seuls à savoir ce qu’il faut faire. Y compris s’agissant des Etats-Unis et des décisions prises par Donald Trump… On sait que l’Agence fédérale américaine (FDA) des produits médicaux est extrêmement exigeante. Ce n’est certainement pas à la légère qu’elle a donné son feu vert à ce qui en France vient d’être interdit…
 

Pouvez-vous expliquer pourquoi vous allez directement devant le Conseil d’Etat ?

 
Toutes les mesures à caractère réglementaire relèvent directement du Conseil d’Etat et doivent être contestées directement devant cette juridiction, sans passer d’abord par un tribunal administratif. Il est vrai que, lorsque j’ai déposé ma requête, j’ai pensé un moment qu’il pouvait exister un risque que le Conseil d’Etat nous dise que nous faisions allusion à des situations individuelles, et qu’il fallait dès lors passer d’abord par le tribunal administratif de Paris. Mais je crois que tel ne sera pas le cas, parce que ce sont bien des mesures générales que nous mettons en cause, à savoir notamment l’interdiction faite aux médecins de prescrire la chloroquine autrement qu’en milieu hospitalier pour des infections déjà sévères.
 

Quels risques prendrait un médecin qui prescrirait quand même ?

Il pourrait se faire sanctionner disciplinairement par l’Ordre des médecins, mais cela ne va pas se faire, parce que ce serait tellement mal ressenti par l’opinion. Il faudrait qu’on prouve qu’il a causé des « dégâts », il faudrait qu’on prouve que sa prescription a tué quelqu’un qui ne serait pas mort sans cela. Il resterait certes la question de principe, mais même cette question de principe n’est pas évidente, compte-tenu du débat possible sur le périmètre de l’AMM, qui est loin d’être secondaire.
 
La question en effet, comme je l’ai expliqué à l’instant, n’est pas l’absence d’une autorisation de mise sur le marché, mais celle d’un médecin, qui dans le cadre de l’exercice de sa médecine et dans le cadre du serment d’Hippocrate, constate qu’un médicament parfaitement autorisé, qui bénéficie de toutes les autorisations requises, pourrait être efficace sur une infection de même famille pour laquelle on n’a pas encore eu le temps de mener à bien la totalité des études. Dès lors, en état de guerre, comme l’a dit le président de la République, je vois mal comment on pourrait retenir une faute disciplinaire à l’égard d’un tel médecin. Cela dit, hélas, tout est possible, et si l’on veut faire taire le Pr Raoult, on pourra essayer de le museler de cette façon-là. Mais je pense que, pour l’instant en tout cas, l’opinion ne le comprendrait pas.
 

Avez-vous des informations sur des hôpitaux ou des organismes de soins qui auraient déjà adopté l’utilisation de l’hydroxichloroquine et de l’azithromycine ?

 
Quelques-unes, car ceux qui vont de l’avant ne le crient pas sur les toits. Quelques CHU ont commencé à appliquer ce traitement, y compris à Nice, si l’on en croit M. Estrosi… Certains services ou EHPAD ont dit qu’ils commençaient à appliquer ces traitements. Vont-ils continuer à le faire ou pas ? Quand on voit la façon dont les Agences Régionales de Santé (ARS) sont montées au créneau depuis mardi pour interdire de prodiguer cette chloroquine autrement que dans les cas prescrits par le ministre, il est possible que certains se posent des questions.
 
Mais je crois que, malgré tout, les médecins sont un peu comme les philosophes, un peu comme certains juristes – pas tous ! –, et que demeure une véritable liberté intellectuelle. Et un médecin reste quelqu’un qui, à un moment donné, comme en attestent plusieurs témoignages, se dit : « Mon serment d’Hippocrate, la nécessité dans laquelle je suis de tout faire pour sauver des vies, est au-dessus des contingences administratives. On est en train de m’opposer des normes inférieures à celles qui justifient ce pour quoi je me suis engagé et ce pour quoi j’ai engagé toute ma vie. » Les médecins sont capables de cette réaction de liberté.
 

C’est une belle conclusion. Mais je voudrais aussi vous demander en combien de temps le Conseil d’Etat pourrait rendre sa décision ?

 
La requête a été déposée à minuit dix le 25 mars, elle a été enregistrée de façon définitive par le Conseil d’Etat à 9 h 40 le même jour, ouvrant un délai de 48 heures qui nous amène à jeudi ou vendredi. Mais le Conseil d’Etat peut toujours estimer qu’une mesure d’instruction est nécessaire. Il a pris un arrêt en 2014 dans lequel il a ajouté à la loi dans ce sens là et à juste titre. Je pense a priori que 48 heures suffisent, mais cela peut être insuffisant. Le Conseil d’Etat devrait donc rendre sa décision jeudi ou vendredi, mais il peut décider utile de mettre en place une mesure d’instruction supplémentaire qui l’amènerait à ne rendre sa décision que la semaine prochaine.
 

Si la décision du Conseil d’Etat était défavorable, cela changerait-il quelque chose à la situation ?

 
C’est une question que nous nous sommes posée, et que je me suis moi-même beaucoup posée. Si les juges n’estiment pas nécessaire de sanctionner le gouvernement sur ce point, ce serait gênant parce que tous ceux qui se sont opposés à la prescription pourront dire ensuite : « Les juges nous ont donné raison. » Et cela pourrait produire un effet pervers en bloquant peut-être des actes de prescription qui auraient pu sauver des vies en attendant. Mais finalement, compte tenu de la piste que nous offrons au Conseil d’Etat qui consiste au pire à dire au gouvernement : « Prenez une recommandation temporaire en attendant que vos tests aient débouché », le risque mérite d’être pris. Car cette piste-là est tellement raisonnable, tellement compatible avec les différents enjeux, qu’il y a de grandes chances qu’elle soit suivie. Ce serait étonnant qu’elle ne le soit pas. En revanche, si elle ne l’était pas, ce serait une très mauvaise nouvelle, parce qu’on pourra se poser la question de l’utilité des recours dont disposent les citoyens désormais.
 

Propos recueillis par Jeanne Smits

 
 
• Dernière minute. Sous la pression du Dr Raoult, visiblement, qui remercie le ministre de la santé Olivier Véran pour son « écoute », un décret vient de paraître autorisant la prescription de l’hydroxychloroquine par les médecins traitant des patients positifs COVID-19 dans les « établissements de santé ». Le décret est ici.
 
Bon sens, peur de l’opinion, menace de ce référé-liberté qui risquait de voir le gouvernement désavoué par le Conseil d’Etat ?
Les médecins de ville ne peuvent faire une première prescription d’hydroxychloroquine (sauf pour les affections qu’ils soignent déjà avec cette molécule : il s’agit des spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie).
Par ailleurs, l’exportation de l’hydroxychloroquine est interdite de manière à garantir l’approvisionnement sur le territoire français.
On notera que le décret date du 25 mars, fête de l’Annonciation et journée de prière nationale face à la l’épidémie.