Possible crise constitutionnelle aux Etats-Unis : le Texas assigne le gouvernement fédéral en justice sur la question de l’accueil de réfugiés syriens imposé par Washington

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Ken Paxton, Texas procureur général d’Etat.

 
La Commission des services humanitaires et de santé de l’Etat du Texas vient de déposer une plainte auprès du tribunal de Dallas à l’encontre du Secrétaire d’Etat John Kerry, du Département d’Etat et du Comité international de secours des Etats-Unis entre autres, pour motif de violation de loi fédérale au titre de l’obligation faite au Texas d’accueillir deux familles de réfugiés syriens. La plainte est assortie d’une demande d’injonction immédiate et d’une demande d’audition d’ici au 9 décembre.
 

Le gouvernement fédéral impose l’accueil de réfugiés syriens au Texas

 
Le procureur général, Ken Paxton, qui a porté la plainte auprès du tribunal a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une action intentée contre les familles de réfugiés elles-mêmes, mais qu’il s’agissait de protéger les habitants du Texas en s’assurant que le gouvernement fédéral satisfait à ses obligations en matière d’enquête sur les réfugiés, de coopération avec et de consultation de l’Etat du Texas. »
 
En effet, selon le journal Texas Tribune, cette action en justice repose sur la violation de la loi sur les réfugiés de 1980 qui impose une consultation régulière de l’Etat qui accueille. L’Etat du Texas reproche également au Comité international de secours de ne pas avoir satisfait à cette obligation de coopération et de consultation prévue dans les clauses annexes de cette loi.
 

Le Texas contre Washington

 
Dans les jours qui ont suivi les attentats de Paris du 13 novembre dernier, le gouverneur du Texas, Greg Abbott, ainsi que cinq autres gouverneurs, se sont ralliés à Rick Snyder (Michigan) et à Robert Bentley (Alabama) qui ont fait clairement savoir à Washington qu’ils s’opposaient à l’accueil de réfugiés imposé par l’administration Obama.
 
Depuis l’audience du directeur du FBI devant le Congrès, lequel a déclaré qu’il n’avait pas les moyens de renseignement nécessaires pour filtrer les réfugiés syriens, nombre de gouverneurs se sont ralliés à l’opposition en exigeant de Washington l’arrêt de l’accueil des syriens.
 
Toutefois, cette posture est remise en cause par les défenseurs du gouvernement fédéral, dont Terri Burke, directeur exécutif de l’Union américaine des libertés civiles, qui déclare : « […] la question de l’accueil des réfugiés est du ressort de l’Etat fédéral, reflétant en cela les valeurs de notre nation. Le Texas et les autres Etats ne disposent pas de droit de veto en la matière. »
 

L’accueil des réfugiés syriens au cœur d’une possible crise Constitutionnelle

 
En revanche, les tenants d’une interprétation plus stricte de la Constitution arguent de la possibilité des Etats de faire valoir leur opposition au titre de leur « pouvoir d’annulation ». Ce pouvoir leur est conféré non seulement pour statuer sur le sujet de l’accueil des réfugiés, mais aussi sur toute autre question pour laquelle le gouvernement fédéral tenterait d’usurper l’autorité des Etats, autorité qui ne lui est pas spécifiquement accordée par la Constitution.
 
Joe Wolverton, avocat constitutionnaliste, apporte un éclairage favorable à la légitimation de l’action intenté par l’Etat du Texas. D’une part, la « clause de suprématie » de l’article VI de la Constitution ne signifie pas que toutes les lois votées par le gouvernement fédéral constituent la loi suprême de la nation, mais seulement des « lois des Etats-Unis édictées conformément » à la Constitution.
 
D’autre part, il fait remarquer que nul part dans la Constitution n’est écrit que « les Etats sont obligés de demander au gouvernement fédéral la permission d’exercer un pouvoir qu’ils détiennent de la Déclaration des Droits de Etats-Unis, à savoir le pouvoir d’accorder ou de refuser le droit à tout immigrant d’entrer sur le territoire dont ils sont souverains, quel que soit la qualification de cet immigrant attribuée par le gouvernement fédéral ».
 

Ce que dit la Constitution des Etats-Unis

 
Le 10ème amendement de la Constitution américaine est également sans équivoque sur ce point : « Les pouvoirs non délégués aux Etats-Unis par la Constitution, ni prohibés aux Etats, sont réservés aux Etats respectivement, ou au peuple. »
 

 
Quod erat demonstrandum : puisque la Constitution américaine n’accorde pas le pouvoir de réguler l’immigration au gouvernement fédéral, ce pouvoir revient aux Etats. Par ailleurs, le procureur général Paxton peut s’appuyer sur les écrits des Pères fondateurs des Etat-Unis pour défendre le droit d’annulation des Etats quant à l’usurpation anticonstitutionnel de pouvoir de fait du gouvernement fédéral.
 

 
Si Washington continue à faire fi de l’opposition des Etats quant à l’accueil des réfugiés, il se pourrait bien qu’Obama déclenche une crise constitutionnelle avant son départ.
 

Nicklas Pélès de Saint Phalle