La crise financière de 2008 associée à une forte surmortalité des malades du cancer

crise financière 2008 surmortalité malades cancer
 
Selon une étude publiée par The Lancet, la crise financière globale de 2008 à 2010 n’a pas seulement causé une montée du chômage mais aussi la surmortalité : elle est associée à plus de 260.000 morts supplémentaires de patients malades du cancer, pour beaucoup atteints de types de cancer jugés susceptibles de répondre aux traitements. A ce constat s’ajoute un jugement politique : cet effet mortel de la crise a été moindre dans les pays bénéficiant d’une assurance maladie universelle, et dans ceux où les dépenses de santé ont augmenté pendant la période considérée.
 
C’est même, si l’on veut bien lire entre les lignes, l’objectif numéro un de ce papier publié dans une revue scientifique de premier plan.
 

La surmortalité toujours associée aux crises financières

 
D’ailleurs le responsable de l’étude, Rifat Atun, est professeur de systèmes de santé globaux à l’Ecole de santé publique T.H. Chan à Harvard, et son angle d’attaque est celui de la couverture maladie universelle. « L’augmentation du chômage dû à la crise économique ainsi que les mesures d’austérité sont associées avec un plus grand nombre de morts du cancer », constate-t-il.
 
En soi, le constat n’est pas étonnant. Des études plus anciennes ont montré le lien entre les périodes de crise économique et l’augmentation du nombre de suicides, de la prévalence des maladies cardiaques et du nombre total des décès. La nouveauté, c’est la focalisation sur le cancer, une maladie dont le traitement s’avère coûteux.
 
Atun et ses collègues ont analysé les données relatives aux morts par cancer entre 1990 et 2010 dans 70 pays à revenu élevé ou moyen, d’une population totale de quelque 2 milliards de personnes. Les chercheurs ont pris en compte les morts associées à des cancers jugés traitables (avec un taux de survie dépassant en moyenne les 50 %), avec notamment le cancer du sein pour les femmes, le cancer de la prostate pour les hommes, et le cancer du côlon pour tous. Une part de l’étude a porté sur des cancers jugés « non traitables » dont le taux de survie à cinq ans est inférieur à 5 % : cancer du poumon et cancer du pancréas notamment.
 

La crise de 2008 a provoqué chômage et surmortalité

 
L’étude a montré que la montée du chômage est corrélée avec une augmentation des décès liés à tous les types de cancer pris en compte par l’étude, avec un lien plus fort pour les cancers traitables, dont les chercheurs affirment qu’il s’explique par une plus grande difficulté d’accès aux soins médicaux en période de difficulté économique. Là où la couverture maladie universelle est imposée par la loi, la corrélation disparaît purement et simplement. Le niveau des dépenses de santé a également joué un rôle important, ce qui fait dire à un auteur de l’étude que les coupes dans ce domaine se paient en vies humaines.
 
Dans un éditorial accompagnant l’étude, on souligne que les Etats-Unis gagneraient à mettre en place une véritable assurance maladie universelle obligatoire, un « investissement sociétal important » dont le pays bénéficierait autant que les individus. Du pain bénit pour l’Obamacare !
 

Les malades du cancer protégés par l’assurance universelle

 
Arguer des morts du cancer pour exiger un système socialisé de la médecine, est-ce bien honnête ? On sait la gabegie, le bureaucratisme, le risque de fraude et la possibilité de dirigisme tyrannique liés au système de sécurité sociale. En cas de crise économique, lorsque les revenus baissent, les assurances obligatoires ne sont d’ailleurs pas assurées d’être indéfiniment financées à hauteur des besoins, et leur poids même à des effets pervers sur la relance économique. Elles ne constituent d’ailleurs pas la seule solution. Nombre de partisans de la sortie de ces systèmes soviétoïdes ne manquent pas de souligner qu’il faut éviter les effets pervers d’une libéralisation à outrance qui laisserait pour compte les plus faibles, mais qu’ils peuvent être compensés par un cahier des charges public qui n’empêche ni la liberté de choix des assurés, ni la liberté d’entreprendre des assureurs, ni la solidarité qui s’impose à l’égard des plus fragiles.
 

Anne Dolhein