
Mette Frederiksen, Premier ministre social-démocrate du Danemark, a bien des raisons de ne pas apprécier Donald Trump et son administration – ne serait-ce qu’en raison des visées du président américain sur cette possession danoise qu’est le Groënland. Mais elle vient de dire à Politico, dans une importante interview, que le vice-président JD Vance a vu juste au sujet de l’immigration et de la nécessité de contrer l’arrivée massive d’étrangers. Pour elle, « migration clandestine » et « migration massive » sont des termes interchangeables.
« Je considère cette migration de masse vers l’Europe comme une menace pour la vie quotidienne en Europe », a-t-elle déclaré, faisant écho aux propos de Vance à la Conférence de Munich sur la sécurité, le 14 février dernier. Il avait assuré que la « migration de masse » est une menace plus importante que celle représentée par la Russie.
Mette Frederiksen met la Russie en première position, mais elle a souligné qu’il y a du vrai dans les avertissements de Vance quant à l’immigration de masse. Elle-même a mis en place des mesures politiques bien plus sévères pour empêcher les nouvelles arrivées de clandestins : elle a beau être socialiste, elle est à la tête d’un des pays les plus restrictifs au monde en la matière, passant par pertes et profits les critiques dont elle fait l’objet de la part des organisations danoises de défense des « droits de l’homme » qui l’accusent de « racisme » et de « discrimination ».
Le Premier ministre du Danemark voit la migration comme un sujet électoral de premier plan
Elle a déclaré à Politico : « Le message que nos populations dans la quasi-totalité des pays européens ont essayé d’envoyer aux responsables politiques au fil des ans est celui-ci : “Contrôlez nos frontières, prenez de vraies décisions en matière de migration.” »
Au Danemark, le principe est celui du « zéro réfugié », et le pays n’hésite pas à organiser des campagnes d’information dans les pays d’origine des demandeurs d’asile pour décourager ces derniers de tenter de rejoindre Copenhague. Ils sont avertis : s’ils parviennent à rejoindre le Danemark, leurs objets de valeur seront saisis afin de compenser les dépenses publiques liées à leur séjour, ils encourront une menace d’expulsion rapide, et se heurteront aux « lois anti-ghetto » visant à réduire la proportion de personnes nées à l’étranger dans les quartiers danois, rappelle Politico.
« Le pays a également adopté en 2021 une loi qui pourrait permettre de transférer des réfugiés vers des centres situés dans des pays partenaires en dehors de l’UE, comme le Rwanda, une proposition que la Commission européenne a par la suite critiquée », rappelle le média.
Mette Frederiksen a à la fois conservé les mesures prises en ce sens avant son accession au pouvoir, et elle maintient le cap de cette politique, à laquelle elle attribue le succès de son parti auprès des électeurs.
Elle a ainsi déclaré à Politico : « Qu’il s’agisse des statistiques sur la criminalité ou des problèmes sur le marché du travail, de l’insécurité dans les communautés locales, ce sont les plus vulnérables qui subissent les conséquences » de la migration incontrôlée.
Le Danemark oppose des menaces aux candidats au droit d’asile
Et ce ne sont pas seulement des paroles puisque le pourcentage d’immigrés au Danemark est inférieur à celui affiché par des pays voisins comme l’Allemagne ou la Suède. Le nombre de demandeurs d’asile a lui aussi chuté de 2019 à 2024 : seules 864 demandes y ont été approuvées en 2024.
Hélas, Mme Frederiksen demeure très socialiste, attachée à l’Etat-Providence et à la culture de mort ; elle conçoit le contrôle de l’immigration comme faisant partie intégrante de cette politique. « Je crois fermement à l’égalité des chances et à un modèle social scandinave avec une éducation financée par les impôts, des prestations sociales et des soins de santé. Mais pour moi, ce n’est qu’un des piliers traditionnels de la social-démocratie. Le contrôle de la migration est le deuxième pilier », a-t-elle ainsi déclaré à Politico.
En réalité, c’est l’Etat-Providence qui attire les migrants, clandestins ou non : la certitude de bénéficier de toutes sortes d’aide et de structures publiques qui vous prennent en charge de la naissance au décès… Et par le fait, ce sont les Etats-Providence qui voient la note de la migration incontrôlée gonfler de la manière la plus spectaculaire.
La présidente du Danemark avantagée par son régime spécial dans l’UE
Les prises de position et les actes du Premier ministre danois sont facilités par le fait que son pays, quoique vieux membre de l’Union européenne, bénéficie d’exceptions au traité européen sur la justice et les affaires intérieures, ce qui donne à Copenhague une grande latitude pour adopter des politiques qui seraient tôt déclarées illégales dans d’autres pays de l’UE.
« Après l’adoption par l’UE d’un nouveau pacte sur la migration et l’asile en 2024, le Danemark a discrètement mené un groupe de vingt nations pour proposer de nouvelles révisions de la manière dont l’Europe traite les demandes d’asile et les expulsions, selon deux diplomates de l’UE », rappelle Politico, avec notamment l’adoption d’une nouvelle « directive sur les retours » publiée début mars, qui donne aux Etats des conseils juridiques sur la manière d’accélérer les expulsions vers des pays tiers ou des Etats tiers où les migrants étaient précédemment employés, à l’instar de la loi adoptée par le Danemark en 2021 pour permettre au pays de transférer des réfugiés au Rwanda.
Quant à Mette Frederiksen, elle assure qu’elle cherche avant tout à rendre son pays plus sûr pour ses propres citoyens – et pas seulement en réarmant et en renforçant la défense, comme le clame l’UE. « La sécurité concerne aussi ce qui se passe dans votre communauté locale. Vous sentez-vous en sécurité là où vous vivez ? Lorsque vous prenez le train local, ou lorsque vos enfants rentrent de l’école, ou quoi que ce soit qui se passe dans votre vie quotidienne ? »
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