La revue Science et Avenir propose un intéressant reportage sur un programme de recherche lancé par l’université de Harvard aux Etats-Unis, où l’on mène actuellement une expérience pilote pour détecter la prédisposition génétique des nouveau-nés à plus de 1.000 maladies en réalisant des tests peu après la naissance par un dépistage de l’ADN. Il s’agit d’un dispositif unique au monde pour l’instant mais il est lourd de perspectives inquiétantes : va-t-on vers le séquençage systématique du génome de tous les nouveau-nés ?
En l’occurrence, l’expérience vise avant tout à évaluer les réactions des parents à ce type de test. Elle est basée sur le volontariat des parents qui sont sollicités pour savoir s’ils acceptent le prélèvement d’une goutte de sang sur le talon de leur tout-petit en vue de réaliser une analyse très poussée de ses dispositions génétiques à quelque 1.000 pathologies propres à l’enfance et à l’adolescence.
Demain : dépistage des maladies dans l’ADN de tous les nouveau-nés ?
Le principe du prélèvement et du dépistage n’est pas inédit en soi. Aux Etats-Unis, on propose habituellement des tests génétiques pour une trentaine de maladies. En France, une procédure similaire existe mais elle ne porte que sur six pathologies dont le dépistage précoce permet une meilleure prise en charge.
La nouveauté est bien dans l’étendue des examens. A ce jour 480 autres nouveau-nés ont été sélectionnés pour participer au programme BabySeq financé à hauteur de 25 millions de dollars de fonds fédéraux par les National Institutes of Health, organismes publics. La moitié d’entre eux subiront les tests habituels, l’autre moitié verront leur patrimoine génétique entièrement décodé, tandis que les réactions, le mode de vie, statut marital, l’évolution des rapports au sein de la famille et autre données sur les parents et les soignants qui auront affaire à ces enfants seront intégrés dans l’étude.
Jusqu’à présent, les Etats-Unis (comme la France) n’autorisaient le séquençage complet du génome qu’en cas de problèmes de santé avérés, l’interdisant même la pratique à titre privé.
Une expérience sur le séquençage du génome et son acceptabilité par les parents
Dans le cadre du projet de recherche de Harvard, les parents recevront les résultats complets des tests et connaîtront donc tous les risques de santé auxquels leur nouvel enfant est particulièrement sensible, et ils seront suivis ainsi que l’ensemble de leurs familles pendant cinq ans pour déterminer si ces informations ont un impact sur leur vie quotidienne. A ce jour, les chercheurs constatent que les parents sont dans leur grande majorité prêts à se lancer dans l’aventure. Seuls 17 % des couples sollicités ont refusé le séquençage du génome de leur enfant en invoquant la peur des résultats et l’angoisse que ceux-ci peuvent engendrer.
Les responsables du projet, Margareth Helm et le Pr Robert Green de Boston affirment avoir lancé le projet pour comprendre les risques liés au recours à des sociétés privées de séquençage auxquelles les parents peuvent faire appel sans être conscients des conséquences. Ils mettent également en avant l’utilité de connaître certaines mutations génétiques dont on sait par exemple qu’elles rendent une anesthésie particulièrement risquée. Mais ils se refusent à « dépister » des risques de maladies de la vieillesse comme Alzheimer : « Cela n’aurait aucun sens », affirme Robert Green.
Une expérience de dépistage systématique des nouveau-nés lourde de dérives potentielles
Celui-ci se réserve également de mettre fin à l’expérience si elle s’avère négative pour les relations entre conjoints, au sein de la famille ou dans les rapports à l’enfant. Mais dans l’ensemble il s’agit de présenter la pratique comme acceptable.
Mais toutes ces nouvelles techniques de dépistage et de médecine prédictive, applicables à partir d’une simple goutte de sang, laissent entrevoir un avenir où assureurs, responsables des politiques publiques de santé et toutes autres personnes intéressées par l’eugénisme, l’évitement de pathologies pour des raisons économiques ou humaines, le tri prénatal et pourquoi pas demain « l’avortement postnatal » dont parlent déjà les bioéthiciens, disposeront de véritables catalogues de données pour chaque nouvel être humain.