Comment la DGSI combat la police politique chinoise en France

DGSI police politique chinoise
 

La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a pris en 2014 la suite de la direction centrale du Renseignement intérieur créée en 1994 pour regrouper la DST (direction de la sécurité du territoire) et les RG (renseignement généraux) : avec ses 5.000 agents, elle s’occupe donc de tout savoir ce qui se passe sur le territoire national pour en assurer la sécurité. Et l’une de ses inquiétudes vient de l’installation en France de neuf « commissariats » clandestins chinois qui exercent une véritable police politique sur la communauté chinoise. Elle les combat avec ses faibles moyens : son homologue chinois dispose de 200.000 agents. Mais du moins a-t-elle les yeux ouverts : le 7 juillet, répondant à une question écrite de Constance Le Grip, députée Renaissance, la DGSI confirmait l’existence de neuf « stations de police » chinoises clandestines dans l’hexagone, dont trois à Paris.

 

Pourquoi la communauté chinoise en France est tranquille

On se félicite souvent, à bon droit, que la communauté immigrée chinoise, évaluée à six cent mille personnes en France, commette proportionnellement moins de crimes, de délits et d’embarras que d’autres communautés. Mais toute médaille a son revers. Cette tranquillité n’est pas due qu’à la vertu de ces populations. La DGSI a identifié neuf « stations de police chinoises » situées dans des zones à forte population chinoise, les 13°, 19° et 20° arrondissements de Paris, Lyon, Marseille, Lille, Strasbourg, Bordeaux et Toulouse. Pékin les présente comme des « centres de service » administratifs offerts à la communauté chinoise, pour le renouvellement de permis de conduire ou de papiers d’identité. En réalité, selon la DGSI, ce sont des « extensions illégales » du ministère chinois de la Sécurité, chargées d’assurer l’ordre dans la communauté chinoise, notamment en la surveillant, en espionnant les dissidents et en organisant des rapatriements forcés.

 

La police politique chinoise infiltrée partout dans le monde

Ce n’est pas vraiment nouveau. En 2022, l’ONG espagnole Safeguard Defender avait recensé 102 commissariats chinois clandestins dans 53 pays, dont 4 en France. Darmanin avait alors promis une enquête de la DGSI, qui a été menée. Le nombre de stations clandestines chinoises est passé en trois ans de 4 à 9. Ces « commissariats » dépendent des bureaux de sécurité publique de villes chinoises comme Fuzhou, Wenzhou et Qingtian, d’où viennent une grande part des Chinois installés en France. Ils s’appuient sur des agents locaux, recrutés au sein de la diaspora par l’argent ou par la crainte. Ces agents utilisent des plateformes comme WeChat, très prisée de la communauté chinoise, pour collecter des informations et répandre leur propagande. Les communications, souvent en dialectes régionaux (wenzhou, qingtian) ou codées, échappent de ce fait aux services de renseignement occidentaux. Les réseaux communautaires infiltrés, associations culturelles ou entreprises locales, permettent en outre une surveillance physique.

 

Le PC chinois comme un poisson dans l’eau en France

Le Parti communiste chinois y vit comme un poisson dans l’eau. Il affectionne particulièrement les associations culturelles, dont l’aspect inoffensif permet une meilleure infiltration. Financées par des fonds liés au Front uni, elles lui servent de relais pour recueillir des informations, recruter des informateurs – et identifier les individus critiques à son égard. A partir de là, il manipule les réseaux sociaux à sa guise. Des messages diffusés sur des groupes WeChat accusent certains opposants repérés de « trahison » ou de « collaboration avec des puissances étrangères ». Cela divise la diaspora, y sème un climat de méfiance et décourage la plupart de militer. La police politique chinoise vise en particulier les « cinq poisons », les démocrates, les Tibétains, les indépendantistes Taïwanais, le Falun Gong et les Ouïgours. Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut ouïghour d’Europe, a ainsi dénoncé en 2023 une « campagne systématique de répression transnationale ».

 

La police française combat pour la souveraineté de la France

Les retours forcés constituent un phénomène non négligeable. Selon Safeguard Defender, dans le monde, 230.000 personnes auraient été « persuadées » de rentrer en Chine d’avril 2021 à juillet 2022. Officiellement, sous l’accusation de corruption ou fraude financière. Il est rare cependant d’en faire la preuve. En France, trois « représentants consulaires » se sont présentés le 22 mars 2024 au domicile de Ling Huazhan, dissident chinois, et l’ont mené à Roissy pour un rapatriement forcé. Heureusement la PAF, saisie par l’avocat, a pu bloquer l’envol à temps. La même année, la Kazakhe d’origine ouighoure Gulbaha Jalilova a subi l’intimidation d’une douzaine de Chinois dont l’un au moins était des services. Quand la personne ne cède pas à la crainte, on menace ses proches demeurées en Chine, et cela provoque souvent des retours « volontaires » au pays. D’autres cessent simplement toute activité politique, cédant aux supplications de leur famille restée en Chine.

 

Le combat inégal de la DGSI contre la police politique chinoise

Selon la DGSI, le PCC estime que tout membre de la diaspora chinoise en France, même naturalisé français, demeure sous son autorité, et les stations de polices clandestines chinoises exercent donc sur des citoyens français une juridiction extraterritoriale doublement illégale. La DGSI ne dispose que de huit (8) agents spécialisés dans sa cellule chinoise, pas tous compétents dans les dialectes régionaux, mais elle n’en parvient pas moins à identifier des agents de cette incroyable police politique chinoise. Quelques-uns ont été expulsés, d’autres font l’objet d’enquêtes judiciaires pour « intelligence avec une puissance étrangère », délit passible de sept ans de prison. Dans ce combat inégal devrait survenir cet automne un renfort législatif : une loi va renforcer les associations qui servent de couverture, comme au Canada et en Australie. Mais quid des universités ? l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (Irsem) dénonce dans son rapport intitulé Les opérations d’influence chinoises : un moment machiavélien, l’influence des Instituts Confucius dans nos universités. Ils sont 18 en France, ont leurs locaux dans les facultés, et « permettent à Pékin de renforcer son influence dans les villes moyennes ».

 

Pauline Mille