Les divorces, les séparations des couples participent à la crise du logement

divorces séparations crise logement
 

Selon une étude présentée le 21 mai dernier, la France aura besoin de près de 400.000 logements supplémentaires par an d’ici à 2030 pour résoudre la crise du logement. Et la raison essentielle n’est pas la hausse démographique, mais ce qu’on appelle le « desserrement des ménages », autrement dit la réduction de leur taille moyenne, due notamment aux divorces, à l’explosion des familles monoparentales et au vieillissement de la population. Autrement dit, la raison est d’abord sociétale : ce sont les changements des structures familiales qui augmentent les besoins.

On nous serine un écologisme de mauvais aloi, mais cet éclatement est un gâchis de richesse puisqu’il raréfie le nombre de biens disponibles, monopolise des finances et consomme davantage d’énergie puisqu’il y a plusieurs logements à payer et à chauffer. Rien qu’avec cet indice concret, on peut voir à quel point le concept progressif de la famille d’aujourd’hui, « libre » et sans engagement, est signe de régression et d’appauvrissement, sans même parler des conséquences humaines et morales qui sont évidemment les plus graves.

 

L’éclatement des familles a des répercussions significatives sur le marché immobilier

La France a augmenté sa population de 230.000 personnes en 2023, chiffre surtout dû au solde migratoire, puisque le pays n’a accueilli que 47.000 naissances supplémentaires par rapport aux décès, le chiffre le plus bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais ce ne sont pas elles qui vont expliquer la hausse nécessaire du nombre de logements.

Pour les auteurs de cette étude réalisée par l’Union nationale des aménageurs (UNAM) et l’Ecole supérieure des professions de l’immobilier (ESPI), « le phénomène de desserrement pèse trois fois plus sur les besoins que le phénomène de démographie ».

« Certaines administrations disent aux politiques “inutile d’investir dans le logement, il n’y en aura plus besoin demain”. C’est faux. Et c’est ce qu’on veut démontrer », a déclaré à l’AFP Paul Meyer, délégué général national de l’UNAM Île-de-France.

Oui, « le parc immobilier est mobilisé par des personnes seules » et ce phénomène est « sous-estimé » par les pouvoirs publics. La demande potentielle, autrefois principalement induite par la croissance démographique, résulte désormais principalement de la réduction de la taille des ménages (38 % du total). En Île-de-France, ce phénomène représente un besoin important (29 % du total). En somme, de nombreuses personnes occupent seules des logements qui pourraient accueillir des familles.

 

Le nombre de ménages explose, mais ils sont de plus en plus petits

Sur un graphique de l’INSEE, on peut observer qu’à partir du milieu des années 1970, les logements occupés par une ou deux personnes ne font effectivement qu’augmenter jusqu’en 2013 (dernière date de ce graphique), alors que les logements occupés par 3, 4, 5, 6 personnes et plus ne font que baisser.

Cette forte tendance s’est mécaniquement confirmée et amplifiée : les ménages sont à la fois de plus en plus nombreux et de plus en petits. En 2020, la France hors Mayotte compte 30 millions de ménages, constitués en moyenne de 2,17 personnes partageant le même logement : 37,4 % des ménages sont constitués d’une seule personne, contre 20 % dans les années 1960.

Les ménages sont de plus en plus petits car, au-delà du fait que les Français n’ont plus d’enfants, la population vieillit. La longévité a augmenté pour les hommes et les femmes et ces dernières, plus souvent veuves, occupent des logements seules. A Fontainebleau et à Rambouillet par exemple, pour la région parisienne, c’est la raison principale. « Les projets que nous réalisons aujourd’hui doivent intégrer le vieillissement, c’est fondamental. On en entend peu parler dans les documents de planification de l’urbanisme », a souligné le président de l’UNAM à l’AFP. Forcément, a-t-on envie de lui répondre : certains projets du gouvernement en matière de fin de vie pourraient régler la question d’une autre manière.

 

Les divorces et les séparations accentuent la crise du logement

D’autre part, les jeunes adultes quittent tôt le cocon familial et attendent plus longtemps pour former un couple, occupant, seuls, des logements.

Mais surtout, les unions sont plus fragiles : les ménages se disloquent, se séparent, divorcent. Selon les chiffres de l’INSEE, en 1950, il y avait près de dix fois plus de mariages que de divorces. En 2023, on compte seulement deux fois plus de mariages que de divorces. Et encore, ce chiffre n’est pas vraiment représentatif étant donné que les autres modèles conjugaux tels que le PACS ou l’union libre ne sont pas évoqués et que parmi ces derniers, le taux de séparation est encore plus important.

Le nombre de familles monoparentales explose donc : depuis 1990, il a quasiment doublé. En 2020, 25 % des familles sont monoparentales contre 66 % qualifiées de traditionnelles et 9 % de recomposées. D’un logement, on passe à deux logements, souvent presque aussi grands l’un que l’autre pour pouvoir accueillir les enfants, quand il y en a, une semaine sur deux.

Le sens progressiste de l’histoire de la famille ne sert donc ni le marché immobilier ni le bon sens écologique. Et va même à contre-sens des politiques environnementales telles que la loi Climat et Résilience et la doctrine du « zéro artificialisation nette » qui visent à limiter l’étalement urbain et donc la création de nouveaux logements. Sans parler de la crise qui traverse le secteur depuis 2022 (crise du crédit, construction en berne, renchérissement du prix des matières premières, foncier cher, etc.). Comme un serpent qui se mord la queue…

 

Clémentine Jallais