Energie : une analyse des DPE par rapport à la consommation réelle montre qu’ils ne sont pas fiables

Energie DPE pas fiables
 

L’isolation ne fait pas tout : c’est la leçon majeure de cette nouvelle étude du Conseil d’Analyse Economique (CAE) à propos du Diagnostic de Performance Energétique (DPE). A force de focaliser sur les matériaux, on en a oublié la dimension humaine. Le DPE, outil central de la politique de rénovation énergétique imposé depuis 2006, ne regarde que vos murs, vos fenêtres, vos combles… Les analystes, eux, se sont tournés en aval, c’est-à-dire vers la consommation réelle finale des gens. Et le résultat est surprenant.

Dans les faits, habiter un logement doté d’un bon DPE entraîne une baisse de la consommation réelle d’énergie des ménages plus faible que prévu. Et à l’inverse, un logement doté d’un mauvais DPE n’entraîne pas une hausse aussi importante qu’on l’imaginait. La faute aux occupants qui conservent leur liberté de plus ou moins chauffer !

Gageons, par conséquent, que les gros amateurs de chaleur pourraient, à terme, avoir quelques ennuis, Linky oblige.

 

Ce bon vieux DPE dit presque n’importe quoi depuis 17 ans

Savoir si le DPE est fiable. Confirmer que cet outil d’information est pertinent. Ces questions sont d’autant plus importantes qu’ils sont obligatoires, faisait remarquer Nicolas Doze sur BFM Business. D’autant plus importantes qu’il est aussi un outil d’incitation puisqu’il évalue l’économie attendue de consommation d’énergie en passant à une classe plus performante, et donc le bénéfice monétaire de la rénovation.

L’idée de ce DPE était de fustiger les logements considérés comme des « passoires énergétiques ou thermiques » et donc notés F ou G, au motif qu’ils consommaient trop par rapport à des logements classés A ou B, afin de motiver les propriétaires, voire de les contraindre à les rénover. Les logements les plus mal notés vont d’ailleurs bientôt être interdits à la location, alors que le marché de la location n’a jamais été aussi tendu (dès 2025, un logement classé G ne pourra plus se louer s’il n’a pas été rénové).

Or les données de cette étude en mettent clairement à mal la pertinence. En croisant les données bancaires de près de 180.000 clients du Crédit Mutuel Alliance Fédérale avec l’étiquette de leur logement (de A à G) afin d’analyser si la consommation anticipée par le diagnostic était reflétée dans les factures payées par les ménages, on s’aperçoit que le DPE n’est clairement pas réaliste.

La disparité escomptée entre les logements énergivores et les logements économes, et brandie tel un crime de lèse-vertitude, n’est pas du tout celle attendue. Il y a « plusieurs raisons de penser que la consommation théorique du DPE peut nettement différer de la consommation réelle » des ménages, a affirmé l’organe d’expertise rattaché à Matignon.

 

Des « effets comportementaux » des ménages sur leur consommation d’énergie

Pourquoi ? A cause des « effets comportementaux des ménages ». C’est-à-dire que, selon leurs revenus, leur âge, ou encore la composition du foyer, le ménage va très visiblement adapter sa consommation à l’état de son logement. Les chiffres montrent que moins le logement sera isolé, moins le ménage chauffera son logement. Et à l’inverse, plus le logement sera isolé, moins les occupants feront attention et profiteront, parfois à l’excès, de ce cocon de chaleur.

Alors, il y a bien ce que le CAE appelle une « progressivité » de la consommation réelle en fonction de la performance énergétique des logements, mais elle est « beaucoup moins forte que la consommation théorique du DPE ». Dans la réalité, la consommation moyenne d’un logement G n’est que de 86 % supérieure à celle d’un logement classé A alors qu’en théorie cette différence devait atteindre 560 %… « soit un taux près de six fois plus faible que celui prédit par le DPE », d’après les calculs des auteurs de l’étude !

Et surtout, cette progressivité s’estompe à mesure que la superficie du logement augmente : un logement individuel, classé G, dont la surface est entre 30 et 80 m², fera par rapport au même logement classé AB, +40 % de consommation d’énergie primaire par m². S’il fait plus de 100 m², il ne fera que +22 %, toujours par rapport à son semblable classé AB.

 

Analyse : bientôt des « efforts de sobriété » imposés aux plus riches ?

Le DPE surestime donc totalement les économies d’énergie que l’on peut faire lorsqu’on fait réaliser des gros et coûteux travaux d’isolation. Ce qui risque d’en faire réfléchir plus d’un en cette ère où le coût des matériaux a pâti de l’inflation. A prendre de la hauteur, on comprend également que, sous couvert de prendre part à la bataille énergétique pour sauver la planète, l’Etat ne s’est pas foulé pour fournir aux citoyens, soumis à cette obligation depuis plus de quinze ans, une analyse précise et complète des effets de cette réglementation artificielle. Mais le ridicule n’a jamais encore tué, quoique dans l’écologisme, on puisse le regretter.

Et puis, à lire les petites lignes du dossier d’enquête, on s’aperçoit que se dessine une conséquence logique à cette prise de conscience : les analystes recommandent de « chercher des pistes d’améliorations et d’homogénéisation du DPE », et d’accompagner des « efforts de sobriété », notamment pour « les plus hauts revenus et les logements les plus performants ».

Si l’on peut ainsi vérifier les consommations réelles des ménages en fonction de leur étiquette DPE – et directement sur leurs comptes en banque, qui plus est, même si le rapport insiste pour dire que les données étaient anonymes – pourquoi ne pas taxer les ménages qui consomment trop, donc, a priori, les plus riches ? Comme on avait proposé, pendant la « sécheresse » de 2022, de surfacturer l’eau à ceux qui arrosaient leurs jardins et profitaient de leurs piscines… Autre chemin d’égalitarisme forcené, autre variante de l’impôt progressif, deuxième revendication… du Manifeste du parti communiste.

 

Clémentine Jallais