Dépendance énergétique : le tout électrique ne résoudra rien pour l’UE

Dépendance énergétique électrique UE
 

On nous dit volontiers : la sortie des « énergies fossiles » – gaz et pétrole – va permettre à l’UE et en particulier à la France de se sortir d’une dépendance énergétique dangereuse sur le plan politique, coûteuse du point de vue économique. Mais demain, à force de tout électrifier, des voitures aux systèmes de chauffage dépendantes du soleil ou du vent et qui ont donc besoin de systèmes de stockage, l’Union européenne et donc la France pourraient devenir aussi dépendante de la Chine pour les batteries lithium-ion et les piles à combustible d’ici à 2030 qu’elles l’étaient de la Russie pour l’énergie avant l’invasion de l’Ukraine.

C’est ce qu’affirme un rapport préparé pour les leaders de l’UE obtenu par Reuters. Il doit servir de base aux discussions sur la sécurité économique de l’Europe lors d’une réunion du Conseil européen (Consilium) à Grenade, début octobre, alors que l’Espagne en assure la présidence tournante.

 

Le tout électrique démultipliera la demande de batteries dans l’UE

Le rapport souligne qu’en raison de la nature intermittente des sources d’énergie renouvelables telles que le solaire ou l’éolien, l’Europe aura besoin de moyens pour stocker l’énergie afin d’atteindre son objectif d’émissions « net zéro » de CO2 d’ici à 2050. « Cela fera grimper en flèche notre demande de batteries lithium-ion, de piles à combustible et d’électrolyseurs, qui devrait être multipliée par 10 à 30 dans les années à venir. »

Assurant environ 50 % de ses besoins en matière d’électrolyseurs, l’UE dépend déjà fortement de la Chine dans le domaine des batteries lithium-ion – avec le risque de voir une aubaine pour la Chine avec l’augmentation de la demande. « Sans la mise en œuvre de mesures fortes, l’écosystème énergétique européen pourrait être dépendant de la Chine d’ici à 2030, d’une nature différente, mais d’une gravité similaire, à celle qu’il avait vis-à-vis de la Russie avant l’invasion de l’Ukraine », affirme le rapport.

Celui-ci indique pour mémoire qu’en 2021, l’année précédant la guerre en Ukraine, l’UE importait de Russie plus de 40 % de sa consommation totale de gaz, 27 % de ses importations de pétrole et 46 % de ses importations de charbon.

 

La dépendance énergétique de l’UE profitera à la Chine

Une étude de l’Ecole de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, au Québec, soulignait en avril à quel point la Chine avait organisé sa domination sur ce marché :

« La Chine a mis en place une stratégie efficace pour devenir un leader mondial dans le domaine des batteries électriques. Bien qu’elle ne produise que 13 % du lithium total, elle raffine actuellement 60 % de la production mondiale. Cela est rendu possible par les investissements de firmes chinoises à l’étranger, comme dans le triangle du lithium ou en Australie, en profitant de subventions de l’Etat ainsi que d’un soutien politique. La Chine produit aujourd’hui près de 75 % des batteries électriques au lithium dans le monde. Pendant plusieurs années, elle a pratiqué une politique d’incitatifs généreux pour les véhicules à énergie nouvelle, tout en privant les producteurs de batterie étrangers de subventions. Elle a ainsi développé sa propre chaîne d’approvisionnement en batteries. La Chine possède aujourd’hui, en adéquation avec sa volonté de réduction de la pollution urbaine, la moitié du parc mondial de véhicules électriques.

« Cette stratégie est ainsi une manière pour la Chine de consolider son importance sur le marché international des voitures électriques en se rendant indispensable, tout en encourageant la réduction indispensable de la pollution à l’intérieur de ses frontières. »

Des questions se posent aussi sur les effets négatifs sur l’environnement de la production massive de ces batteries (et ici on ne parle pas seulement, loin s’en faut, du CO2 qui en tant que tel n’est pas un polluant mais un gaz nécessaire à la vie des plantes !). Utilisation d’éléments toxiques, déforestation sur les sites d’extraction, élimination des batteries en fin de vie, utilisation d’eau, recours au travail d’enfants : la liste est longue des inconvénients répertoriés par un site aussi « vert » que 8 Billion Trees.

Et tout cela largement au profit de la Chine, qui s’est assuré dans le domaine une domination qui confine au monopole. Bien plus que la Russie avec son gaz et son pétrole !

 

Anne Dolhein