Brett Kavanaugh est entré dans les quarantièmes rugissants pour son audition devant le Sénat en vue de sa confirmation au poste de juge à la Cour suprême des Etats-Unis. Cette deuxième nomination de juge suprême par Donald Trump est l’occasion pour la minorité démocrate de mener une violente campagne, à quelques semaines des élections législatives de mi-mandat, en novembre, qui pourrait voir la gauche faire basculer en sa faveur la majorité de cette chambre-clé. Brett Kavanaugh, 53 ans, ancien membre du cabinet de George W. Bush, co-auteur du rapport visant à l’impeachment de Bill Clinton, est une pièce maîtresse dans l’entreprise de consolidation d’une Cour suprême conservatrice menée par Donald Trump. Les Démocrates comptent faire de ce débat de quatre jours une tribune pour attaquer, à travers Brett Kavanaugh, les convictions qui sont les siennes sur l’avortement, le droit de posséder une arme, l’assurance maladie universelle version Obama et tous autres sujets utiles à leur propagande et au maintien de leur domination sur la justice.
Manifestations, interruptions : les Démocrates harcèlent Brett Kavanaugh, nommé par Trump à la Cour suprême
Le sénateur Dick Durbin a reconnu mardi que lui-même et ses collègues démocrates se sont concertés pour élaborer une tactique visant à désorganiser l’audition de Brett Kavanaugh, tant par des manifestations que par des interruptions de séance. A l’heure où nous mettons en ligne, l’audition a déjà été interrompue plusieurs fois par des manifestants, sous la bannière du lobby féministe Women’s March subordonné au parti démocrate. Plusieurs sénateurs ont retardé les débats.
Interpellé, Dick Durbin a préféré éluder en affirmant que la réunion téléphonique des sénateurs démocrates avait porté sur un sujet de pure procédure, déplorant que « cent mille documents concernant le juge Kavanaugh aient été qualifiés par le président de la commission sénatoriale de « confidentiels-commission », c’est-à-dire ne pouvant être divulgués à l’extérieur. Il ne nie donc pas que la concertation visant à entraver les débats ait bien eu lieu. Quant aux manifestations « citoyennes » téléguidées par l’appareil du parti, Durbin les a qualifiées « de bruit de la démocratie ». Georges Soros fait des émules.
La détestation nourrie par le camp démocrate contre Brett Kavanaugh est frénétique
La détestation nourrie par le camp démocrate à l’endroit de Brett Kavanaugh est frénétique. L’enjeu n’est rien moins que le contrôle idéologique de la justice. « Si les Américains savaient vraiment ce qu’il prévoit de faire à notre république, il est probable que beaucoup d’autres citoyens défileraient contre sa nomination », a vitupéré le sénateur démocrate Cory Booker, membre de la commission de la Justice, en pointe dans l’entreprise de déstabilisation. Les Démocrates entendent au moins démoniser Kavanaugh, levier pour leur campagne en vue des législatives.
Pourtant, Brett Kavanaugh, diplômé de Yale, répond à toutes les exigences de l’Ivy League, ce groupe de cadre issus des meilleures universités du Nord-Est, blanc-seing exigé par l’élite de gauche. Il est compétent, ayant passé ces douze dernières années à la Cour d’appel fédérale du District de Columbia, antichambre de la Cour Suprême. Il a publié 300 opinions et critiques sur quantité de sujets, ce dont les Démocrates comptent bien se saisir pour le discréditer aux yeux de l’opinion libérale-libertaire. « Sur ce sujet, vous feriez quoi ? » : ce fut déjà le leitmotiv lors de l’audition de Neil Gorsuch, précédent juge nommé par Donald Trump à la Cour suprême. Pour autant, les sénateurs démocrates issus d’Etats traditionnellement républicains – Montana, Indiana, Arizona, Floride – et qui font partie du tiers renouvelé cette année, pourraient voter la confirmation. En face, deux sénatrices républicaines pro-avortement, Susan Collins et Lisa Murkowski, sont dans l’expectative. Le Républicain Jeff Flakes d’Arizona, virulent opposant interne à Donald Trump, pourrait être tenté par un vote négatif. Or depuis le décès de John McCain, la majorité républicaine de deux sièges s’est réduite à une voix.
Face au Sénat, Brett Kavanaugh devrait éluder, comme la gauchiste Bader-Ginsburg
Pour le commentateur politique James Murphy, « Kavanaugh aurait grand intérêt à user de la tactique inaugurée par la juge gauchiste Ruth Bader-Ginsburg, lors de son audition de 1993, consistant à répondre : “J’aurais tort de prétendre annoncer ou anticiper devant cette assemblée législative la façon dont je voterai sur les questions que la Cour suprême sera susceptible de trancher” ». Une tactique habile marquée par le souci de séparation des pouvoirs.
Notons que jusqu’en 1987 la confirmation par le Sénat des nominations à la Cour suprême était pure formalité. C’est l’investiture par Ronald Reagan de Robert Bork en 1987 qui marqua la rupture. Les Démocrates, menés par Ted Kennedy, firent campagne contre Bork, invoquant des menaces sur le « droit » des femmes à avorter, des fantasmes sur un retour de la ségrégation des Noirs ou de censure de l’évolutionnisme. L’ère libérale-libertaire trouve peut-être là son point de départ. Objectif atteint : Robert Bork, lâché par six républicains, n’obtint pas le feu vert du Sénat. Reagan se rabattit sur le modéré Anthony McLeod Kennedy, qui a démissionné cette année, à 81 ans.
Domination sur la justice : lutte à mort des Démocrates contre la confirmation par le Sénat
C’est depuis cet épisode que la confirmation par le Sénat des candidats du président à la Cour suprême est devenue pour les Démocrates le prétexte d’une lutte à mort. La gauche américaine avait compris l’enjeu que constitue la maîtrise idéologique de la justice, véritable verrou politique susceptible de dominer le pouvoir législatif. A l’opposé, les Républicains ont offert peu de résistance aux nominations des présidents démocrates, y compris celles d’extrême gauche comme Ruth Bader-Ginsburg (désignée par Bill Clinton), Sonia Sottomayor ou Elena Kagan (par Barak Obama).
La bataille autour de l’orientation idéologique de la Justice est une priorité pour le président Trump, qui procède à de nombreuses nominations à tous étages de l’appareil judiciaire fédéral pour contrebalancer son orientation nihiliste, dominante depuis des décennies. L’enjeu de la confirmation de Brett Kavanaugh est historique.