Le Billet : Echecs, Comté, Talibans : le vert, couleur de l’interdiction

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Ni Lénine, ni Staline, ni bien sûr Trotsky, qui y jouait fort bien, n’avaient interdit les échecs. Ni Mao, ni Winnie Mandela, ni Hitler, ni Ho Chi Minh, ni Suharto, ni Ceausescu, ni personne : les Talibans n’ont pas tremblé pour autant, ils ont prononcé l’interdiction des échecs, Les révolutionnaires d’aujourd’hui vont au fond des choses, et le totalitarisme moderne n’oublie rien. Ce qui est vrai pour le vert de l’islam l’est aussi pour le vert de l’écologisme conquérant : ceux qui voient dans l’empreinte carbone le signe de la Bête et dans l’usage des produits animaux un péché mortel ont demandé, sans rire, l’interdiction de ce fromage bien tranquille qu’était jusqu’à présent le Comté. La révolution est une liquidation totale du passé : tout doit disparaître.

 

Interdiction des échecs, contraires aux bonnes mœurs, par les Talibans

Ils n’y vont pas avec le dos de la cuiller, les intellectuels de Kaboul, les étudiants dictateurs. Après que les universités d’Occident eurent fini leur agrégation de licence en 68, les intellectuels du monde ont retrouvé la pente à la cuistrerie la plus docte qui leur était naturelle depuis Cauchon, pratiquant l’interdiction comme la gymnastique du matin. Rien de plus naturel à un tyran que d’interdire, tout, le lard, l’exhibition du visage des femmes, la vitesse supérieure à 30 kilomètres heures. Mais les échecs, c’est nouveau. Comme les Talibans sont aussi inventifs que sérieux, ils ont trouvé une bonne raison à leur interdiction : ils ont assimilé les échecs à un jeu d’argent contraire à la loi sur les mœurs. Un crachat d’or qui souille le vert drapeau de l’islam.

 

Le comté dans le collimateur des Verts

Cela dit, ne souriez pas trop vite. Ne vous moquez pas des barbus rigoristes et de leur tarte sur la tête. D’abord parce que vous tomberiez sous le coup de la loi Pleven. Et surtout parce que, sous nos cieux plus gris et sans l’exotisme des djellabas, nous avons nous aussi nos tyrans verts friands d’interdiction. Eux, ce ne sont pas les échecs ni les jupes des femmes, c’est le comté qu’ils ont en ligne de mire. Le 24 avril, Pierre Rigaux, militant écologiste, a déclaré : « Si le comté est mauvais écologiquement, si c’est mauvais pour les animaux, terrible même pour les animaux […], il faut donc arrêter d’en manger. » Et au journaliste qui lui demandait s’il fallait arrêter de manger ce fromage, il a répondu : « Si je dis ça, on perd les trois quarts des auditeurs, mais c’est pourtant la réponse évidente. » Evidemment, cela a provoqué un tollé. Et Marine Tondelier a été forcée de faire machine arrière en twitant qu’elle mange du Comté… Mais elle continue à dire que l’élevage et les fromageries sont mauvais pour l’environnement. Ce n’est qu’une étape intermédiaire. Après la viande, le fromage, demain la réduction draconienne du cheptel. La révolution est un processus qui s’accélère toujours pour à la fin passer toutes les bornes. Aurons-nous le droit de jouer aux échecs dans les prisons où nous jetteront un jour les talibans verts ?

 

Pauline Mille