Ceux qui s’attendaient à un « schisme » à part entière au sein de l’Eglise anglicane actuellement réunie pour son sommet trisannuel à Londres, voire l’espéraient en raison de profonds désaccords au sein de la « Communion anglicane globale » à propos des unions homosexuelles, continueront d’attendre. Les négociations entre une quarantaine de Primats de leurs pays respectifs ont abouti à un modus vivendi incertain, et si elles passent par la mise à l’écart de l’aile américaine la plus progressiste pour cause de reconnaissance officielle du « mariage » gay, il ne s’agit pas d’une coupe claire. On apprend au passage que des « manipulations » ont été dénoncées, selon un scénario très semblable à celui du synode sur la famille au Vatican.
Au bout du compte, la formation américaine connue sous le nom de « The Espiscopal Church » (TEC) est-elle simplement écartée des instances de décisions pour les trois ans à venir, tout en restant membre de la Global Anglican Communion. Mais l’Eglise du Canada, tout aussi libérale que TEC à propos de l’homosexualité, échappe à toute forme de sanction au motif qu’elle n’a pas – encore – mis en place des cérémonies spécifiques pour les unions homosexuelles.
L’Eglise anglicane évite le schisme à propos du « mariage » homosexuel
Le « schisme » – si on peut parler ainsi à propos d’une Eglise si bien coupée de Rome qu’elle ne possède pas la succession apostolique et que ses clercs ne peuvent dispenser validement les sacrements qui exigent l’ordination – n’est donc pas vraiment consommé et l’issue des pourparlers est présentée comme une simple « victoire partielle » des conservateurs.
L’« archevêque » de Canterbury, Justin Welby, avait fait de la « réconciliation » entre les différents courants aujourd’hui fortement opposés autour de la question de l’homosexualité, propulsée au centre des réflexions chrétiennes aussi bien lors du synode sur la famille que dans cette réunion d’Eglises qui se considèrent comme authentiques fidèles de Jésus-Christ, l’objectif primordial de la réunion. Ce qui suppose de ne point trancher.
Mais parmi les responsables de l’Eglise anglicane, nombreux sont les chrétiens de bonne foi qui s’alarment de voir la « réconciliation » primer sur la condamnation multiséculaire des pratiques homosexuelles et surtout sur le rejet d’une reconnaissance publique des unions « gays » assimilées au mariage. On sait ainsi que l’Eglise d’Angleterre est appelée avec une insistance grandissante à célébrer ces unions : pour les plus conservateurs, l’accord mi-figue mi-raisin laisse la porte grande ouverte à l’incertitude. A moins qu’il ne s’agisse tout simplement de remettre la résolution de la crise à plus tard : certains voient dans la décision d’aujourd’hui une simple « suspension d’exécution » en attendant la prochaine réunion dans trois ans.
Le « mariage » homosexuel condamné mais pas de coupes claires
La « Communion anglicane globale », avec ses 84 millions d’âmes, s’attendait à ce que les décisions tranchantes soient prise cette fois-ci, après avoir déjà traversé 13 ans de troubles et de désaccords déclenchés par le « sacre » d’un premier évêque ouvertement gay aux Etats-Unis par TEC. Aujourd’hui ceux qui parlent de cela comme d’un abandon de l’enseignement biblique sont taxés de « traditionalisme » et TEC continue sur sa lancée avec des textes « liturgiques » spécifiques pour la célébration de « mariages » homosexuels.
Comme à Rome lors du synode sur la famille, ce sont des Africains qui ont le plus vivement réagi dans leur ensemble. Et Justin Welby les aurait même – tel un Kasper anglophone – traités « comme des petits enfants » pour éviter qu’ils n’aient la possibilité de peser sur les pourparlers.
On devine une situation analogue à celle vécue au synode par les « traditionalistes » et « conservateurs » marginalisés ou mis devant le fait accompli à plusieurs reprises sur la question de l’homosexualité, précisément. Une source citée par le Telegraph de Londres parle d’un « trucage » qui ressemble à celui mis en œuvre autour du synode extraordinaire sur la famille – il a fait l’objet du livre d’Edward Pentin, The Rigging of a Vatican Synod – et qui rappelle également les manœuvres façon « minorité léniniste » qui ont eu lieu lors du synode ordinaire d’octobre. « Ils ont été traités comme des enfants, tout le processus était prêt à l’avance. »
Des manipulations déjà vues au synode sur la famille
On apprend ainsi que 15 des 38 prélats ont refusé de prendre part aux célébrations communes à Canterbury en raison des profondes divisions, mais que le départ des mécontents a été évité en divisant les participants en petits groupes qui ne pouvaient même pas communiquer entre eux la plupart du temps.
C’est plus violent qu’à Rome où les Pères synodaux étaient libres de communiquer à titre personnel avec le monde extérieur, ce qui était refusé à Londres où chaque petit groupe était placé sous la coupe de deux « facilitateurs » spécialisés dans la tactique de réconciliation – sur ce point, rien n’était d’ailleurs caché puisque Welby avait indiqué que c’était son intention de procéder ainsi. Les traditionalistes ont été si bien isolés qu’ils ont fini par se résoudre à tenir des réunions informelles dans leurs chambres, le soir. Les choses étaient plus verrouillées mais enfin il y a des similitudes avec les circuli minores au synode…
La question qui se pose est donc celle-ci : l’objectif était-il réellement d’éviter le schisme avant toute chose, objectif semble-t-il acquis à l’heure d’écrire ces lignes ? Ou de promouvoir coûte que coûte l’homosexualité et le « mariage » gay dans une institution réformée à cette fin de l’intérieur, mais non éclatée ?
Les négociateurs anglicans se sont entendus à huis clos pour voter explicitement un texte qui condamne le « mariage des couples de même sexe » comme un « écart fondamental » par rapport à l’enseignement traditionnel de leur institution. Mais en même temps l’ambiguïté persiste avec le refus de condamner une large ouverture aux homosexuels, que les « évêques » africains ont regretté dans une déclaration commune.
Leur fermeté a été dénoncée par l’évêque épiscopalien afro-américain Michael Curry, défenseur des droits LGBT, qui les a accusés d’« ajouter de la douleur à la douleur » pour les « disciples gays et lesbiens ». Le registre des bons sentiments continue d’avoir bon dos, et le résultat est partout le même.