L’église Sainte-Rita menacée de destruction

église Sainte Rita menacée destruction
L’église Sainte-Rita, sise au 27 Rue François Bonvin, dans le XVe arrondissement de Paris.

 
Sainte-Rita, église parisienne dédiée à la sainte patronne des causes désespérées, dans le XVe arrondissement, est menacée de destruction. Légalement, elle devrait déjà être détruite depuis l’été dernier. Mais des militants s’y sont opposés. La Mairie de Paris, elle, n’a rien fait pour la sauver, mais il est vrai qu’elle n’est pas directement concernée puisque ce bâtiment est, comme elle le rappelle, « une propriété privée, qui a été vendue il y a déjà plusieurs années à un promoteur ». Par ailleurs, malgré une sympathie instinctive pour la défense d’une église, on ne saurait méconnaître le caractère bizarre de cette église « catholique gallicane ».
 

L’église « des animaux » menacée de destruction imminente

 
L’église Sainte-Rita présente un certain intérêt pour les amateurs de curiosités de Paris. Elle est, à ce titre, présentée dans de nombreux guides français et étrangers, et a fait l’objet de plusieurs reportages.
 
Le bâtiment lui-même possède le mérite principal de ressembler à une église, ce qui n’est pas rien par rapport à certaines expériences architecturales récentes du même arrondissement comme Notre-Dame de l’Arche d’Alliance, cube singulier. L’église Saint-Rita, elle, est typique d’un modèle sobre de 1900. Il s’agit d’un style néo-gothique peu soigné, sans grand intérêt patrimonial envisagé sous le seul angle de l’architecture. Ce dernier argument a été matraqué ad nauseam par les partisans passifs ou déclarés de la destruction de Sainte-Rita.
 
On y célébrait pourtant un évènement annuel très médiatisé : la messe dite des animaux, pour la Saint-François d’Assise, célébrée le premier dimanche de novembre. Des dizaines d’animaux recevaient alors la bénédiction pontificale de l’évêque catholique gallican, Mgr Philippe, bénissant non seulement des chiens, chats, canaris, tortues, mais aussi des serpents, lamas, dromadaires, etc.
 
La place des animaux est-elle toutefois dans une église ? Le problème est qu’il ne s’agit pas de la seule bénédiction annuelle, épisode pittoresque et attraction touristique, mais d’une présence autorisée, voire souhaitée, des compagnons à quatre pattes des paroissiens, jusqu’au cours des messes dominicales.
 
Cette « paroisse » particulière a été submergée par des difficultés financières, d’où une demande d’expulsion par le propriétaire. La Mairie de Paris aurait pu intervenir au nom de l’intérêt touristique de Sainte-Rita, politiquement parfaitement inoffensive. Le Maire UMP du XVe arrondissement, M. Philippe Goujon a témoigné à de nombreuses reprises de son soutien à l’église Sainte-Rita, au nom de la « vie du quartier », argument pas totalement absurde, et qui a servi à l’occasion à sauver bien des boutiques menacées à Paris.
 

Sainte-Rita victime d’un réflexe anti-chrétien

 
Mais par un réflexe évident de haine anti-chrétienne, la Mairie de Paris a laissé faire, niant hypocritement disposer de tout pouvoir. Raser une église lui convient, surtout pour construire un immeuble comportant des logements sociaux. Ce dernier point permet une démagogie facile sur ce thème des logements sociaux que l’aile gauche de la majorité, communiste et écologiste, n’hésite pas à entonner ouvertement. Ni la région Ile-de-France, ni l’exécutif de gauche, ni l’UNESCO, à l’esprit maçonnique peu sensible au patrimoine culturel chrétien, ne sont intervenus. Ils n’ont pas témoigné de la moindre sympathie pour Sainte-Rita, bien au contraire. Par contre, comme la Mairie, elles peuvent se montrer à l’occasion sensibles au sort précaire de tel ou tel temple hindouiste tamoul, à Paris ou en banlieue. Il ne s’agit donc pas d’un retrait de principe de toute intervention dans une sphère considérée comme religieuse, mais de haine antichrétienne.
 
Ainsi, Anne Hidalgo, maire de Paris, d’ordinaire très interventionniste dans les édifications ou destructions d’immeubles de la capitale, a souhaité, comme elle l’a laissé dire par ses amis politiques, la destruction d’une église, par pure haine anti-chrétienne, legs historique de la gauche militante.
 
Depuis lors, l’église est occupée par des militants, paroissiens obstinés et membres d’un Mouvement du 14 juillet, qui, à défaut d’avoir réussi son coup d’Etat pacifique annoncé plusieurs semaines à l’avance sur les réseaux sociaux le 14 juillet 2015, est tout de même parvenu à faire fermer le chantier et à sauver in extremis Sainte-Rita de la destruction.
 
Cet aspect sympathique d’une communauté refusant la destruction de son église ne doit toutefois pas aveugler sur le caractère pour le moins singulier de ce catholicisme gallican.
 

Une Eglise aux croyances étranges

 
Nous avons rappelé la messe annuelle, très suivie, de la Saint-François, pour les animaux. Le problème, outre la présence habituelle des caniches lors des offices, réside dans la tendance à la confusion typique de notre époque entre l’homme et l’animal : ainsi Mgr Philippe a-t-il célébré des enterrements religieux d’animaux au cimetière des chiens d’Asnières. D’aucuns aimeraient sans doute retrouver leurs compagnons à quatre pattes au paradis, mais telle n’est pas la doctrine catholique, selon laquelle l’âme de l’animal périt au moment de sa mort physique, contrairement à l’âme humaine, seule immortelle.
 
La messe célébrée à Sainte-Rita est celle dite de saint Pie V. Les prières, les dévotions majeures proposées, rappellent le catholicisme traditionnel. Pourtant l’esprit en est différent. La morale enseignée tend vers celle de notre temps en matière de mœurs, et à la banalisation de situations habituelles contraires à l’enseignement catholique, comme l’homosexualité active et publique. Des personnalités parisiennes ouvertement homosexuelles, et fidèles d’occasion, étaient proposées en modèles sur l’album paroissial de Sainte-Rita – dont Michou et son caniche.
 
Quelles sont les spécificités de ce catholicisme gallican ? Cette petite Eglise schismatique se réclame avant tout de Bossuet, et du gallicanisme du temps de Louis XIV. La filiation n’est pourtant pas évidente. Elle se réclame aussi de divers schismes gallicans, ou patriotiques, ou nationaux, déjà marginaux à leur époque, du temps du Consulat – par refus notamment du Concordat de 1801 –, de la Révolution de 1830, et de celle de 1905. Tous ces schismes sont sans unité doctrinale évidente, sinon une revendication gallicane : le premier témoigne d’un royalisme refusant de reconnaître Napoléon, héritier de la Révolution, et la « monarchie pontificale » de Pie VII collaborant avec lui lors du Concordat de 1801 ; le dernier releve au contraire d’une volonté obstinée de conciliation entre la Troisième République de plus en plus ouvertement athée et l’Eglise catholique. Mgr Philippe s’est toujours dit royaliste, mais orléaniste, alliant libéralisme politique et libéralisme religieux.
 
Ce catholicisme gallican est associé à d’autres schismes issus du catholicisme, confédérés en Conseil International des Eglises Communautaires, qui comprend quelques paroisses particulières en France et au Québec. Il se réclame aussi d’un christianisme ouvert, panchrétien, et du Conseil Œcuménique des Eglises de Genève, à dominante protestante.
 
La filiation apostolique affichée est peu claire, ce qui est loin d’être un détail quant à la validité des sacrements. Nous croyons avoir trouvé une filiation avec la Petite Eglise d’Utrecht, schisme janséniste hollandais du dix-huitième siècle. La Petite Eglise d’Utrecht a massivement ordonné et sacré, avec un discernement souvent discutable, afin de faire nombre. Elle est à l’origine de très nombreuses petites Eglises qui se disent catholiques, avec, au-delà du schisme évident, des problèmes fréquents de doctrine ou de validité des sacrements. Ils sont clairement invalides pour les branches qui ont ordonné des femmes, voire des épiscopesses, à la mode anglicane. Cette dernière dérive ne serait pas partagée par l’Eglise catholique gallicane officiant à Sainte-Rita.
 
Les textes officiels proposés par le clergé de Sainte-Rita mélangent catholicisme traditionnel, catholicisme gallican, catholicisme libéral, et emprunts visibles mais non officiellement reconnus au schisme grec ou orthodoxie. Mgr Philippe se proclame autocéphale par rapport à Rome. Comme les orthodoxes, point précis sur lequel il a actuellement raison, et conformément à la discipline orientale générale, et même catholique, il ordonne des hommes mariés. Ordination d’hommes mariés, mais non mariage des prêtres, comme des médias désinformateurs et peu au fait de ces distinctions l’ont parfois répétés avec enthousiasme.
 
La situation est actuellement encore plus complexe, puisque Mgr Philippe, chassé de Sainte-Rita par les autorités républicaines, n’a pas voulu prolonger la lutte sur place et défendre physiquement sa « cathédrale ». Ce légalisme l’a desservi, décevant beaucoup de fidèles. Une éventuelle arrestation l’aurait beaucoup servi a contrario. En outre, le laxisme judiciaire actuel contre les squatteurs d’extrême-gauche lui aurait vraisemblablement bénéficié, et il n’aurait écopé que de sursis, voire aurait été dispensé de peine. Il a cependant préféré se replier sur une chapelle plus petite dans Paris.
 
Aussi les fidèles de Sainte-Rita ont-ils trouvé un évêque catholique gallican camerounais, qui désormais y célèbre le culte, Mgr Samuel Junior Pouhé. L’association les Arches de Sainte-Rita entend poursuivre la lutte jusqu’à la victoire, qui ne saurait être totalement exclue à vue humaine.
 
Si défendre une église éveille une certaine sympathie, la paroisse reste très particulière, au mieux schismatique, avec bien des croyances bizarres.
 

Octave Thibault