« L’enfant mort sur la plage » : une récupération pour un mea culpa politique européen

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C’est à qui s’indignera le plus fort, à qui pleurera le plus longtemps… La compétition est rude, des colonnes des journaux aux tables rondes radiophoniques. Honteuse récupération d’une image qui n’est malheureusement pas une mise en scène, une désinformation, mais la réalité vraie d’un triste, d’un effroyable drame. Comme celle des enfants tués à la hache par Boko Haram, de ces jeunes chrétiens morts debout sous les tirs de l’État Islamique, ou encore de ces petits êtres démembrés extirpés malgré eux du ventre de leur mère… Mais cette photo-ci a un rôle à jouer – pas les autres : c’est elle qu’on a choisie pour faire sauter le dernier verrou de la politique migratoire européenne.
 

L’enfant mort sur la plage de Bodrum ; il avait trois ans

 
On l’a retrouvé, le nez dans le sable, sur une plage de Bodrum, le Saint-Tropez turc. Le petit garçon syrien avait quitté la Turquie avec ses deux parents et son frère pour rejoindre l’île grecque de Kos, une des portes d’entrée de l’Europe. Les deux embarcations étaient parties dans la nuit de mardi à mercredi de la ville côtière : elles ont chaviré peu après. Douze corps sans vie ont échoué parmi lesquels celui de ce petit bonhomme de trois ans, qui n’avait rien demandé à personne.
 
Mercredi, le journal italien La Stampa publiait, après quelques hésitations, la photo choc. Dès le lendemain, la grosse presse européenne y consacrait sa une, du Times à El Pais, du Guardian au Soir belge… Même le New York Times et le Washington Post se sont joints au chœur d’indignation stupéfaite. Des images énormes, des pages pleines et ce petit corps sur fond sable…
 
Toute la presse ? Hormis celle de France. Jeudi matin, seul Le Parisien y accordait un court article dans ses « faits divers ». Le Monde a réagi à temps et a décidé d’y consacrer sa une de l’édition de vendredi, avec grand édito en sus. Tout le monde, depuis, en parle. Et pour le « politiquement correct » français, encore vexé de sa bévue, il n’est plus question de débattre de quoi que ce soit : les « murs » d’indifférence doivent être abattus…
 
L’éditorialiste de La Stampa avait vu juste en écrivant : « Cette photo fera l’Histoire comme le fit celle de cette fillette vietnamienne la peau brûlée par le napalm ou de ce petit garçon les bras levés dans le ghetto de Varsovie. C’est la dernière occasion pour les dirigeants européens de montrer qu’ils sont à la hauteur de l’Histoire » – et qu’importe les décisions prises signent la mort de l’Europe et d’une partie importante de la chrétienté, et si l’on apprend aujourd’hui par le Wall Street Journal que la famille résidait tranquillement depuis trois ans en Turquie et que sa fuite n’était due, selon les mots de la propre tante du petit garçon, qu’à la volonté du père qui voulait « refaire ses dents »… lequel est bien en vie !
 

Récupération politique : « la photo qui fait taire le monde » européen

 
L’instrumentalisation a réussi. La tyrannie émotive domine, générée par le choc de l’image et surtout l’unanimité de sa condamnation. L’Europe se ronge les ongles de remords, il faudra répondre désormais « oui » à tout, répondre de tout.
 
De fait, la réaction politique a été générale. Le premier secrétaire du parti socialiste (PS), Jean-Christophe Cambadélis, a lancé un appel à la « constitution d’un réseau de villes solidaires » qui s’engageraient à accueillir des réfugiés. Les Centristes, les Verts, et même les Républicains y ont été de leur petit couplet. Quiconque ne prendrait pas un engagement immédiat et concret serait immédiatement montré du doigt et mis au ban.
 
Il faut passer en force et changer la loi, ces conventions datant de l’après-guerre qui différencient migrants économiques et migrants politiques. Il faut même agir avant, pour que la réalité la fasse plier ! Mais où sont les légalistes du mariage homosexuel, les chiens fidèles de la République, les indéboulonnables garants de la sacro-sainte Constitution ?! Là où ils veulent être. Seulement.
 
Et pourtant ce sont bien ces mêmes politiciens qui, en négligeant d’appliquer stricto sensu les règles de l’immigration, ont créé des appels d’air et favorisé ces traversées qui étaient et sont encore davantage payantes que mortelles…
 

Le « scandale » des mains numérotées par la police tchèque

 
Qui, pour parler, dans ce concert de voix scandalisées, d’aider ces populations à revenir chez elles, dans des pays rendus à la paix ?! Difficile, quand on porte sa responsabilité dans la mise à sac de ce Moyen-Orient… Hormis quelques voix que la rumeur recouvre désormais, comme celle du Premier ministre britannique David Cameron – « je ne pense pas qu’une réponse puisse être trouvée en prenant en charge de plus en plus de réfugiés » – il ne pourra plus guère y avoir de contradicteurs dans cet accueil apriori des migrants de tous ordres. Et inutile de rappeler le cas exemplaire de l’Australie, dont les côtes ne voient plus le moindre mort depuis les deux dernières années : cette politique autoritariste ultra restrictive n’est pas la politique qui a été décidée pour l’Europe.
 
Même les façons d’opérer sont passées au crible. Lorsque la police tchèque, dépassée un soir par le nombre de migrants à prendre en charge et à répartir dans des trains, s’est mise à marquer avec des numéros les mains des demandeurs pour éviter toute perte d’enfants, le parallèle avec les-heures-les-plus-sombres-de-notre-Histoire a été immédiat et la direction de la police nationale a dû faire hier amende honorable…
 
C’est finalement à toi, petit garçon syrien, de porter ce fardeau mondialiste dont ils chargent tristement ta mémoire.
 

Clémentine Jallais