Enquête sur la foi en la Présence réelle aux Etats-Unis : d’abord réinstaurer la communion sur la langue et à genoux

 

Une enquête inédite par son envergure et par son sujet s’est penchée aux Etats-Unis sur un phénomène très répandu chez les catholiques de ce pays : la perte de la foi en la Présence réelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie – fléau qui ne touche pas seulement les USA ! La « Real Presence Coalition » a commandé l’enquête auprès d’un institut de sondage professionnel, Public Opinion Strategies, et ses recommandations – appuyées sur une évaluation serrée des causes du délitement de la connaissance du dogme de la Présence réelle ou de l’adhésion à celui-ci – sont multiples. Les plus importantes, toutefois, sont celles-ci : il faut encourager, voire imposer la réception de la communion sur la langue et à genoux, et il faut catéchiser les fidèles qui sont nombreux, ainsi que les prêtres, soulignent les réponses, à méconnaître les réalités de la foi concernant la sainte Eucharistie.

Il s’agit de la plus grande enquête jamais réalisée aux Etats-Unis auprès de laïcs catholiques,

La « Real Presence Coalition » (RPC) est un groupement informel de catholiques bien connus sur le plan médiatique dont le but affirmé de restaurer la foi en la Présence réelle. Elle se situe dans le sillage d’initiatives prises par les évêques des Etats-Unis qui, à la suite d’une enquête du Pew Research Center en 2019 révélant que la majorité des catholiques américains – plus des deux tiers – ne croyaient pas en la Présence réelle, ont lancé en 2021 le « National Eucharistic Revival » afin de « restaurer et renouveler la dévotion de l’Eglise catholique à l’égard de l’Eucharistie ». Le Revival a connu son point culminant cet été avec un Congrès eucharistique à Indianapolis qui a réuni des dizaines de milliers de personnes.

 

L’enquête sur la Présence réelle, une réponse à la préoccupation des évêques

La RPC a voulu au moyen de son enquête proposer aux évêques les moyens qui de l’avis de fidèles permettront de faire perdurer les fruits de ce Revival. Parmi ses membres, on note la présence de deux évêques, Mgr Schneider et Mgr Strickland, de prêtres tel l’exorciste Chad Ripperger, de religieux comme la juive convertie entrée en religion Mother Myriam, et de figures médiatiques tels John-Henry Westen de LifeSiteNews, le Dr Peter Kwasniewski, ou encore Eric Sammons de Crisis Magazine.

On pourra dire, vu l’orientation traditionnelle des membres de la Coalition, que les réponses du sondage étaient orientées. Mais il faut préciser que la base des sondés est très importante et ne se limite pas aux pratiquants de la messe traditionnelle : sur les près de 16.000 réponses récoltées – sollicitées par courriel ou via les réseaux sociaux auprès des catholiques pendant le mois de juillet dernier – un cinquième environ venaient de personnes affirmant fréquenter habituellement la messe traditionnelle, et un bon tiers ne fréquentaient que le Nouvel Ordo. La grande majorité des sondés étaient des laïques (14.725), parmi lesquels 780 avaient participé au Congrès d’Indianapolis. Le point commun notable entre les sondés est que dans leur immense majorité, à savoir 97 %, ils affirmaient assister à la messe au moins une fois par semaine et croire en la Présence réelle. 84 % des sondés avaient été baptisés pendant la petite enfance. 80 % des réponses ont pu être exploitées, les réponses restantes étant incomplètes, soit 12.680 réponses complètes. 63 % des sondés étaient des femmes.

Il s’agissait donc d’avoir l’avis de catholiques convaincus qui n’ont pas perdu la foi en la transsubstantiation – et en même temps, une population sur laquelle les errements du temps n’ont pas eu prise et qui sont capables d’expliquer comment ils ont pu garder la foi sur ce point essentiel.

Le site de la Coalition présente dans le détail à la fois l’important questionnaire, complété en ligne, et les statistiques concernant les réponses – mais aussi, et c’est un très gros morceau, l’intégralité des réponses spontanées que les sondés pouvaient soumettre pour ajouter leurs préoccupations ou suggestions personnelles aux réponses préétablies qui leur demandait de hiérarchiser l’importance de chacune d’entre elles sur une échelle de 0 à 5 : un choix qui a été fait par 42 % des sondés. Parmi eux, 70 % se sont montrés critiques plutôt que satisfait vis-à-vis de ce qu’ils vivent dans l’Eglise.

 

La communion dans la main, problème numéro un

Parmi les 28 « problèmes » susceptibles d’amoindrir ou d’occulter la foi en la Présence réelle, proposés par l’enquête, cinq sont apparus comme prédominants, et le premier d’entre eux a été identifié comme le fait de recevoir la communion debout et dans la main, 57,74 % des sondés ayant choisi cette question comme étant très importante parmi les 28 facteurs possibles. Cela était lié par les sondés au manque de respect à l’égard de l’hostie.

Ensuite, dans l’ordre, le « scandale » constitué par le fait de donner la communion aux « pécheurs publics » qui refusent obstinément la doctrine catholique (56,2 %) ; le manque d’humilité et de révérence en présence de l’Eucharistie ; l’attitude désinvolte du clergé à l’égard de l’Eucharistie ; les lacunes dans la catéchèse au sujet de la transsubstantiation (49,48 %).

Venaient ensuite l’absence de rappels sur la nécessité d’être en état de grâce pour recevoir la communion, y compris par la disparition du lectionnaire des épîtres en ce sens, le déplacement du tabernacle qui n’est plus au centre du sanctuaire, le fait de ne plus parler de la messe comme d’un sacrifice mais de la présenter comme un « repas », le fait de ne pas rappeler aux fidèles que l’Eucharistie est nécessaire au salut…

Bien d’autres thèmes étaient soulevés par le questionnaire, comme le recours à des « ministres extraordinaires » pour distribuer la communion : sur ce chapitre, une part importante des sondés habitués du Nouvel Ordo ont reconnu faire des efforts délibérés pour recevoir plutôt l’hostie d’un prêtre ou d’un diacre. Cette question et celle de la préconisation explicite de la réception de la communion à genoux font partie des thèmes les plus fréquemment abordés dans les réponses libres.

 

Comment croire en la Présence réelle lorsque les célébrations manquent de solennité ?

Il est également apparu que les sondés étaient choqués par le manque de solennité des célébrations ; une partie du clergé est présenté comme laissant croire par son manque de révérence et même sa propension à « faire des blagues » pendant la messe qu’il ne croit pas lui-même en la Présence réelle.

Quant aux recommandations que les sondés étaient invités à hiérarchiser sur une échelle de 1 à 6, la première, avec 29 % de réponses en ce sens, portait donc sur la réception de l’Eucharistie sur la langue et à genoux. En deuxième position, avec 24 % de réponses favorables, la nécessité de catéchiser les fidèles. Promouvoir le respect de l’Eucharistie par les attitudes comme la génuflexion ou le fait de favoriser l’action de grâces après la messe a semblé le plus important à 10 % des sondés. Ils sont autant à avoir préconisé l’élimination des « ministres extraordinaires » de la distribution de la communion. 9 % recommandaient la mise en application du Canon 915 sur le refus de la communion aux responsables publics qui rejettent obstinément l’enseignement catholique. Seuls 4 % ont vu dans la multiplication des événements eucharistiques comme l’adoration, les processions, les saluts du Saint-Sacrement la réponse la plus urgente et la plus utile à la perte de foi en la Présence réelle.

15 % des sondés ont préféré faire une recommandation personnelle : dans ce groupe, 34 % ont répondu que les six réponses proposées par l’enquête étaient également importantes, tandis que les restants insistaient notamment sur la remise à l’honneur de la confession, le « retour à la Tradition » (25 % de ce groupe), et nombre d’autres points.

 

L’enquête sur la Présence réelle dans la communion révèle une soif de la messe traditionnelle

Il est à noter qu’un grand nombre de répondants ont insisté dans leurs réponses libres sur le « retour de la messe traditionnelle », en la rendant plus accessible : l’intérêt pour la messe traditionnelle s’est révélé notablement plus important chez les jeunes. De manière générale, la réinstauration de pratiques traditionnelles, comme le recours au banc de communion ou la célébration ad orientem, était suggéré par un grand nombre de sondés, quelle que soit leur « chapelle ». Dans le même ordre d’idées, une préoccupation s’est faite jour au sujet des réformes mises en place par Vatican II, avec le rejet explicite du modernisme et des « innovations liturgiques ».

Quant aux pratiquants habituels selon le rite traditionnel, plusieurs questions complémentaires ont permis de constater qu’ils sont plus nombreux à assister à la messe en semaine que les pratiquants du Nouvel Ordo (+ 8 %) ; qu’ils se confessent plus fréquemment ; qu’ils ont une foi plus affirmée en la Présence réelle (+ 5 %) et sont en moyenne plus jeunes (il y a 18 % de pratiquants de plus dans ce rite parmi les moins de 55 ans).

Chose intéressante, les conclusions de cette enquête recoupent indirectement les réponses aux questions en vue du synode sur la synodalité envoyées à Rome par les grandes régions des diocèses américains. Ces synthèses insistaient sur la centralité de l’Eucharistie en s’alarmant du manque de foi en la Présence réelle, et soulignaient le besoin d’une bonne catéchèse. Elles montraient la préoccupation des catholiques face au déclin de la pratique religieuse (même si celle-ci reste nettement plus importante aux Etats-Unis que dans nos pays d’Europe) et réclamaient davantage de révérence et de solennité dans les célébrations liturgiques, insistant sur l’amélioration de la musique sacrée, des homélies, et la restauration du sens du sacré. Dans certaines régions, on parlait de « tensions » au sujet du rite de la messe, des participants faisant part de leur « frustration » après les restrictions imposées au rite traditionnel.

 

L’enquête sur la Présence réelle se résume en quatre mots : Lex orandi, lex credendi

Les résultats du sondage de la Real Presence Coalition peuvent se résumer, selon celle-ci, par la vieille maxime : Lex orandi, lex credendi – la manière de prier a une influence sur la manière de croire. Aujourd’hui, affirme la synthèse proposée par les commanditaires de l’enquête, il existe une « déconnexion » entre la foi et la manière dont est réalisé le culte, déconnexion qui se révèle être le facteur majeur de la perte de la foi en la Présence réelle.

Les évêques des Etats-Unis – et du monde – sont-ils prêts à l’entendre ? Au fond, même si le ton de l’enquête n’est nullement agressif et ne les met pas en cause, ce sont eux, les responsables de la liturgie et du catéchisme dans leurs diocèse, et c’est bien leur large faillite qui est ici décortiquée. La bonne nouvelle, c’est qu’ils ont en mains les solutions. « Synodalement » présentées, en quelque sorte, par des laïcs faisant montre de leur authentique « sensus fidelium » qui s’appuie sur le magistère et la pratique multiséculaires de l’Eglise, et qui en appellent à l’autorité non pour faire mettre en œuvre leurs préférences subjectives, mais pour demander l’alignement de la pratique de l’Eglise avec la foi qu’elle enseigne.

 

Jeanne Smits