« L’Espagne finira par être laïque, cela arrivera comme c’est arrivé pour le divorce et même le PP finira par l’accepter, comme il l’a fait pour l’avortement ou le mariage gay » : c’est ce qu’a annoncé lors d’une conférence de presse le vice-président d’Europa Laica, Andrés Carmona, mettant en évidence une sorte de marche inéluctable vers la persécution de l’Eglise et le règne de la culture de mort auquel aucun parti politique ne saurait résister. Le Partido Popular est actuellement la principale formation « conservatrice » en Espagne, et il est vrai qu’elle a habitué ses électeurs aux reculades successives sur toutes les lois dites « sociétales ».
Europa Laica est un groupuscule républicain d’extrême-gauche qui cherche à éliminer tous les vestiges du christianisme en Espagne. Sa conférence de presse visait à rendre compte de son initiative auprès des partis politiques candidats aux élections législatives du 26 juin prochain : le mouvement a demandé à tous de s’engager à éliminer tous les symboles religieux du pays, à annuler le concordat de 1953, à mettre fin aux cours d’éducation religieuse obligatoires à l’école, à garantir le droit à l’avortement et au suicide assisté. Ce sont au total 30 propositions législatives qui ont été soumises aux formations politiques.
En Espagne, l’histoire va dans le sens laïque
Quel impact peut avoir un mouvement groupusculaire comme celui-là ? Le commentaire d’Andrés Carmona sur le PP donne la réponse : progressivement, la moralité traditionnelle, l’organisation multimillénaire de la famille, le principe de la protection de la vie et du mariage ont été écartés, et les « conservateurs » ne conservent plus rien, fût-ce au mépris de leurs électeurs.
« La société avance, c’est inévitable, et la laïcité finira par entrer par la grande porte », a affirmé Carmona, pour qui cette grande porte est précisément celle du Parlement.
Bref, on ne peut rien contre le sens de l’histoire et à la limite, un groupe de pression comme Europa Laica ne serait qu’un porte-parole de la tendance profonde et nécessaire de cette idéologie du « progrès » maçonnique.
L’Espagne se trouve selon Carmona à un moment clef de son histoire : « Pour la première fois depuis la transition [après la période franquiste, ndr], il y a une véritable occasion de changer les schémas politiques. » De fait, les mouvements de gauche Podemos ou Izquierda Unida, partisans de la lutte contre le « pouvoir » de l’Eglise catholique en Espagne, ne font pas mystère de leur laïcisme agressif, et les sondages prévoient pour le mouvement de Pablo Iglesias une belle réussite aux prochaines élections. Avec le parti socialiste et quelques autres mouvements plus anecdotiques, la gauche aurait de bonnes chances de l’emporter.
Le PP acceptera tout – il l’a déjà fait pour le divorce, l’avortement et le mariage gay
A la fin de l’année dernière, les dirigeants de Podemos chargés de la laïcité et de l’éducation ont participé à une réunion avec l’association Europa Laica qui a abouti à un constat d’accord sur de nombreux points. Europa Laica a d’ailleurs été reçue par toutes les grandes formations politiques en septembre et octobre dernier, à l’exception de Ciudadanos – « centriste » et « libéral » – qui seul a refusé de répondre à sa demande de réunion. Ce qui n’équivaut pas à un rejet de ses idées…
Europa Laica a été fondée en 2001. L’association a par le passé lancé l’idée de l’expropriation de la « cathédrale-mosquée » de Cordoue, qui appartient à l’Eglise, et elle demande notamment que l’Eglise catholique soit soumise à l’impôt et que soit abrogée la loi qui pénalise le blasphème. Son président, Francisco Delgado Ruiz, ancien député à la constituante de 1977, puis sénateur, est issu du PSOE qu’il quitta en 1999 ; il a été responsable syndical de l’équivalent espagnol de la CGT et président de la confédération espagnole des associations de parents d’élèves ; mais aussi membre pendant 15 ans du Conseil scolaire de l’Etat.
On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une personnalité marginale. Ses demandes, celles de son petit mouvement laïciste, ne sont pas marginales non plus. Avec le soutien de la maçonnerie, elles s’imposent peu à peu jusqu’à emporter l’adhésion des soi-disant formations de droite. C’est un schéma que l’on retrouve dans de nombreux pays. Europa Laïca ne fait que dessiner un avenir auquel il serait vain, à l’en croire, de s’opposer.