La décision de Christian Estrosi, président du Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), de rompre les discussions sur la nouvelle convention TER avec la SNCF est-elle un simple chantage ? On ne le sait. Mais ce coup de gueule aura révélé l’inaptitude de la SNCF à assumer ses fonctions et, plus encore, le besoin pressant de trouver des opérateurs alternatifs souhaités depuis longtemps par la fédération d’usagers FNAUT. Même le ministre socialiste Alain Vidalies a jugé « juste » une expérimentation de la concurrence. L’événement dope la volonté des concurrents, en particulier du dirigeant de Transdev Claude Steinmetz, de s’imposer sur ce marché à réinventer.
La Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) demande que les régions, autorités organisatrices des TER, puissent lancer, comme les intercommunalités pour les transports urbains, des appels d’offre de délégation de service public. Une façon d’ouvrir le jeu et d’imposer à la SNCF des comptes clairs. Dans l’état actuel de la loi française, le marché TER ne pourra être ouvert qu’à partir de 2023.
Estrosi veut la concurrence sur les TER Marseille-Nice dès 2019
Christian Estrosi souhaite expérimenter la concurrence sur l’axe Marseille-Nice dès 2019. Mais il faudrait une nouvelle loi. Reste que l’annonce d’Estrosi fait sortir les concurrents du bois. Claude Steinmetz, directeur ferroviaire France de Transdev, principal concurrent du groupe SNCF sur les marchés urbains et régionaux, a frappé un grand coup dans La Vie du Rail. Certes, Transdev est une filiale de la Caisse des dépôts, société de droit privé très liée à l’Etat. En France, l’Etat fait tout pour que les concurrents des monopoles historiques lui soient liés, comme Engie face à EDF.
Que dit Claude Steinmetz ? a rémunération de la SNCF pour assurer les TER en PACA, « qui s’élève à 10 millions d’euros » par an, « ne correspond pas à la qualité de service ». « Il est légitime de s’interroger quand on a 20 % de trains en retard, 10 % de trains supprimés, 40 trains programmés qui ne circulent pas chaque jour et 18 % de taux de fraude », énumère-t-il, validant ces chiffres dignes du tiers-monde fournis par Estrosi. Un « bilan désastreux, lié au monopole de la SNCF », précise Steinmetz.
Steinmetz : le coût du train/km SNCF est double de celui de l’Allemagne
Le dirigeant de Transdev enfonce le clou : « Le coût du train-kilomètre en Allemagne est de 14 euros en moyenne alors qu’il est quasiment le double en France (23 euros). En Provence-Alpes-Côte d’Azur, il est même au-delà (27 euros). (…) Nous pensons, comme les élus, que nous pourrions abaisser les coûts. Il faut une nouvelle forme d’organisation. » Claude Steinmetz édicte le contrepoison du monstre bureaucratique et jacobin qu’est la SNCF : « Nous ne croyons pas à d’énormes structures. Mais à des structures légères, agiles, réactives. » Le principe de la subsidiarité appliqué au transport de proximité. Il assure aussi qu’il faut « oublier les termes lignes rentables et lignes non rentables », ces mots qui depuis 70 ans ont conduit la SNCF à ravager le réseau, passé de 55.000 km à moins de 20.000. Fermer une ligne non-rentable affluente, c’est abaisser la rentabilité d’une ligne rentable par diminution de l’apport de voyageurs en correspondance.
Il y a urgence. Car plutôt qu’avoir le courage de démanteler le monopole d’une SNCF hors de prix et défaitiste, le pouvoir politique lui laisse démanteler le réseau historique. La région Auvergne-Rhône Alpes présidée par Laurent Wauquiez (LR) vient ainsi d’annoncer que, dans son timide plan de rénovation publié ces jours-ci, elle sacrifie le court tronçon Boën-Thiers, interrompant pour longtemps la voie la plus courte entre Clermont et Saint-Etienne.
Pour la Fnaut, l’urgence de la concurrence et le refus du démantèlement
De leur côté, Bruno Gazeau, président de la FNAUT, Jean Lenoir et Jean Sivardière, ses vice-présidents, estiment dans le compte-rendu d’un colloque organisé par la fédération et Mobilettre sur l’avenir du rail le 28 septembre (bientôt disponible ici), qu’il « faut faire jouer la concurrence dans tous les segments de la filière ferroviaire afin de renforcer la compétitivité du rail ». Pour eux, « il est encore temps de réorienter la politique d’investissement ferroviaire sinon, en 2040, on constatera les erreurs commises » tant par le pouvoir politique que par la SNCF qui préfère fermer les lignes que se réformer. Ils ajoutent : « Faudra-t-il alors reconstruire le réseau, à un coût bien plus élevé qu’aujourd’hui, après l’avoir démantelé par indifférence ou par bêtise ? L’exemple du tramway, laissé à l’abandon puis réintroduit 50 ans plus tard dans 25 agglomérations françaises, dont certaines de moins de 200.000 habitants, doit servir de leçon. »
Une politique d’investissements ne pourra être valide que si les exploitants acceptent enfin des modèles « légers, agiles, réactifs » rendant à nos territoires un accès décent à ce transport peu polluant, sûr et capacitaire.