Qu’on se le dise : l’armée française vient de mettre sur pied une cellule de contre-propagande sur internet pour contrer l’influence et la présence considérables qui ont pris les internautes au service de l’Etat islamique. Ceux-ci seront heureux d’apprendre – par le truchement du Monde – qu’ils ne sont pas les seuls à se servir de l’arme du « Web ». Face à eux, travailleurs de l’ombre mais au moins les djihadistes savent-ils qu’ils sont en pleine action, une cinquantaine de « spécialistes militaires ».
« Laissez-moi passer, je suis agent secret », dit Johnny English, l’espion stupide (et vrai héros) des films du même nom. On est un peu dans le même registre. Est-il normal de diffuser ce type d’information ? De donner le nom de la cellule et sa localisation ?
Guerres modernes et cellules de contre-propagande
Cela dit, que les guerres modernes soient largement menées sur la base de l’information et de la manipulation de l’opinion, cela ne fait guère de doute et a été magnifiquement mis en mots par un Vladimir Volkoff. Relire Le Montage…
Le Centre interarmées d’actions dans l’environnement compte 150 hommes et n’en est pas à sa première opération d’influence. On ne doute pas que l’Etat islamique et ses promoteurs soient plus présents encore sur internet – tout comme on voit bien à quel point les grands « blocs » aujourd’hui, depuis les Etats-Unis jusqu’à la Russie, très présente sur le terrain de l’information et de l’infiltration de celle-ci, jugent ces types d’actions primordiales.
Le plus important est bien que l’armée française ou les pouvoirs publics aient tant tardé alors que les recrutements de djihadistes par l’Etat islamique rencontre autant de succès en France et en Europe.
L’armée française en retard sur l’Etat islamique ?
« On a abandonné le champ des perceptions aux terroristes. L’EI a une stratégie de communication planétaire, et nous, nous en sommes encore à la presse quotidienne régionale. Il faut un projet construit », expliquait il y a quelques mois au Monde une source militaire de haut niveau à Paris. « Nous devons être capables de saturer les médias, de dénier des accès à l’EI », ajoutait cette source, en soulignant que la décision d’utiliser ce type de moyens appartenait au plus haut niveau de l’Etat », écrit Le Monde.
Les guerres modernes sont des guerres d’images et de messages simples, immédiatement répercutées dans le monde entier, et taillés sur mesure pour provoquer des réponses émotionnelles. La contre-propagande implique-t-elle nécessairement la falsification pour être efficace ? C’est la question – morale pour le coup – qui se pose. L’expérience – voyez l’affaire des « armes de destruction massive » en Irak – indique que le jeu est aussi dangereux qu’il est maîtrisé. La science de la psychologie humaine a fait de grands progrès : ne pas croire qu’elle ne sert à rien dans le monde du pouvoir.