Poursuivant la politique d’Obama, le président Donald Trump a décidé de détacher des marines et des rangers supplémentaires en Syrie, afin d’intensifier l’offensive des forces armées contre Rakka, le fief de l’organisation Etat islamique (ISIS) en Syrie. D’après plusieurs rapports récents, ce déploiement aurait débuté il y a quelques semaines déjà, mais on n’en connaît ni le calendrier précis ni l’envergure. Le chef d’Etat n’a cessé de répéter depuis sa prise de fonction qu’il voulait « rayer l’EI de la carte », et semble s’en donner les moyens. Si la lutte contre l’EI est louable, les moyens utilisés par le président américain sont contestables : sa décision politique engage la vie d’Américains et l’argent public dans une guerre qui n’a été ni officiellement déclarée ni votée par le Congrès, et engage le pays dans une alliance plus que douteuse avec les forces rebelles terroristes, aux visées politiques ouvertement communistes.
Trump envoie 400 Marines pour faire tomber Rakka en Syrie
C’est le Washington Post qui a révélé pour la première fois hier la nouvelle mission des Marines, après que des membres du 75ème régiment d’élites des Rangers ont été repérés dans la ville syrienne de Manbij le week-end dernier ; ils circulaient en strykers, des véhicules blindés dotés d’artillerie lourde. Il s’agit ici du deuxième déploiement de Marines dans la guerre contre l’ISIS, en seulement un an : en mars 2016, cent Marines avaient en effet déjà été détachés au nord de l’Irak pour soutenir l’offensive de troupes au sol sur Mossoul. Mais c’est la première fois depuis le début des combats en 2014 que les Américains déploient des forces d’artillerie sur le territoire syrien.
L’Etat islamique aurait déjà subi des pertes importantes
Le colonel John Dorian, porte-parole de la coalition, a précisé que les Marines soutiendraient par leurs tirs d’artillerie l’avancée des rebelles arabo-kurdes, les Forces démocratiques syriennes (FDS), sans être sur la ligne de front. Les progrès seraient déjà importants : 6.500 km² de terrain auraient été repris à l’Etat islamique, et le FDS serait parvenu à couper des lignes de fuite utilisées par l’ennemi. Quelques semaines seraient encore nécessaires pour isoler totalement Rakka, ce qui permettrait d’envisager la prise de la ville.
Au cours de son allocution au Congrès fin février dernier, le président Trump déclarait : « Comme promis, j’ai demandé au département de la Défense d’élaborer un plan pour démolir et anéantir l’Etat islamique – un tissu de barbares anarchiques qui ont assassiné des musulmans et des chrétiens, des hommes, des femmes et des enfants de toute confession ou opinion. Nous collaborerons avec nos alliés, y compris nos amis et alliés dans le monde musulman, pour écraser cet infâme ennemi (…) ». Bien sûr, on ne peut que soutenir Trump : l’EI est infâme. Cependant, cela ne le dispense pas de répondre à des interrogations de grande importance, les mêmes d’ailleurs que celles qui auraient pu être posées aux gouvernements antérieurs, qui ont décidé de sacrifier le sang et l’argent des Américains dans des guerres lointaines, au nom de la lutte contre le terrorisme.
La Syrie, un nouvel Afghanistan pour l’armée américaine ?
Par exemple Trump a-t-il demandé au Congrès, et reçu de sa part, une déclaration de guerre, comme l’exige la Constitution américaine ? Le président a-t-il, à défaut, fourni la preuve que l’EI constitue une menace directe pour l’Amérique, comme le demande la Convention Constitutionnelle de 1787 ? Dans les deux cas, la réponse est négative. Les seules raisons invoquées par Trump pour engager les Etats-Unis dans une guerre non déclarée et sans limite connue contre l’EI sont celles-ci : ce sont des « barbares anarchiques » ! Mais alors, que dire et que faire de ces autres « barbares anarchiques », al-Qaeda, Boko Haram, Hizd ut-Tahrir, le Hezbollah, le Hamas, etc. ? Dans ce cas, la guerre contre le terrorisme ne serait pas près de s’achever. Autre question : cet engagement « temporaire » en Syrie va-t-il se prolonger, comme en Afghanistan, où Trump a déclaré qu’il avait l’intention de renforcer les troupes déjà sur place ?
La coalition avec le FDS : Trump choisit des alliés plus que douteux
Enfin, les forces du FDS valent-elles mieux que les prétendus « alliés » des Américains en Egypte, en Libye, en Irak ou en Afghanistan ? Le FDS est en effet dominé par le PKK – considéré depuis des années comme un groupe terroriste par les Etats-Unis, l’OTAN et l’UE – et par son bras armé, l’YPG, dont l’objectif est d’établir un Etat marxiste. Sont-ils donc vraiment les « combattants de la liberté » qui nous sauveront de l’EI ? Ou bien les Etats-Unis finiront-ils par les combattre eux aussi, comme ce fut le cas avec beaucoup d’autres « faux alliés » ?