Le Congrès américain s’apprête à adopter une nouvelle loi sur l’éducation publique visant à financer le profilage psychologique de tous les élèves. La loi SETRA (Strengthening Education through Research Act) a été adoptée quasiment à l’unanimité par le Sénat des Etats-Unis l’an dernier – avec l’approbation des Démocrates et des Républicains, donc – attend d’être approuvée par la Chambre des représentants. A la clef, un budget de plus de 3 milliards de dollars pour la collecte de données et leur partage… avec l’ensemble des pouvoirs publics, s’il faut en croire Alex Newman de The New American.
La loi SETRA prévoit en effet de créer des bases de données longitudinales au niveau des Etats pour y stocker les résultats de tests et d’évaluations imposés aux enfants scolarisés. Il ne s’agit nullement de vérifier les résultats de l’instruction qui leur a été donnée, mais de faire une recherche bien plus approfondie sur l’éducation en tant que telle. Ces tests nationaux financés au niveau fédéral par la ligne budgétaire ouverte par la loi s’intéressent à la fois aux émotions, aux attitudes et comportements, aux « valeurs », aux croyances et tout ce qui, plus largement, concerne le niveau « affectif ». Bref, il s’agit non plus de savoir si les jeunes savent lire, écrire et compter – dans les systèmes officiels, c’est totalement dépassé – mais de connaître leur personnalité et leur for interne.
Les enfants scolarisés fichés par Big Brother aux Etats-Unis
A défaut d’avoir alerté les élus fédéraux, qui depuis de longues années – que ce soit sous Bush, père et fils ou Obama – adoptent des textes en ce sens, cette dernière tentative plus radicale encore que les précédentes a suscité une opposition civile importante. En cause, notamment, les sections 132 et 157 de la loi qui étendent les programmes de recherche fédérale à « l’apprentissage social et émotionnel ».
Pour le Florida Stop Common Core Coalition, c’est la porte ouverte à la manipulation des esprits puisque le système permettra de « cultiver des pensées, des attitudes, des croyances et des comportements approuvés par le gouvernement ». Il est vrai que les programmes scolaires – comme nous le savons en France – s’y emploient depuis des années. Voici venu le temps de la vérification de leur efficacité, et le moyen aussi de traquer les récalcitrants.
Face à ces programmes de recherche, les parents n’ont aucun droit. Ils n’auront même aucun moyen de vérifier la nature des données recueillies à propos de leur enfant, ni de refuser les tests, prévient le Dr Karen Effrem, pédiatre et présidente d’Education Liberty Watch.
Le profilage psychologique des enfants dans les écoles américaines
S’ajoute à ces inquiétudes l’extrême difficulté de recueillir des données significatives dans le domaine de l’esprit et des émotions. Mais on notera que cela s’inscrit dans un cadre bien plus large qui ne se confine pas aux Etats-Unis : le replacement de l’évaluation du QI, le quotient intellectuel qui donne une idée du niveau d’intelligence logique et de culture de base, par celle du QE, le quotient émotionnel qui « mesure » l’« intelligence » sociale ou émotionnelle : la manière d’être et d’interagir avec autrui.
Est-ce tout ce qui nous restera après que l’« intelligence artificielle » aura pris le pas sur celle de l’homme, comme le promettent les futurologues et autres transhumanistes ? Ce n’est même pas sûr, puisque la recherche porte aujourd’hui aussi sur la manière de doter les robots de cette « empathie » qui caractérise l’homme.
En attendant, il s’agit pour l’homme de favoriser tout ce qui est de l’ordre du « cerveau droit » : émotions, analogie, capacité à répéter ce qui est perçu globalement, à réagir docilement aux injonctions, plutôt que se préoccuper de former sa raison – pour aller vite, le « cerveau gauche » – capable d’analyse, de pensée langagière, de raisonnement… et d’esprit critique.
La surveillance psychologique constitue clairement une ingérence. L’Etat n’a rien à faire dans ce domaine hautement personnel : pour Robert Holland, du Heartland Institute (un organisme non partisan, précise Alex Newman), le gouvernement s’apprête à « évaluer les enfants à chaque pas… depuis le berceau jusqu’à l’entrée dans la vie active, afin de s’assurer qu’ils acquièrent les attitudes, les croyances, et les dispositions que le gouvernement omniscient et omnipotent estime qu’ils doivent les posséder ».
La loi SETRA, encore une loi de surveillance
Toutes les données recueillies seront en outre disponibles au niveau fédéral pour des multitudes d’usages : à commencer par le « traçage » des enfants selon leur profilage psychologique. Le système de conservation de données de l’Education nationale américaine est déjà le plus important du pays – et sujet à de nombreuses failles de sécurité, de telle sorte que les abus potentiels ne viendront pas seulement des pouvoirs publics.
Les « Big Data » sur les aspects les plus intimes de la vie des jeunes placés ainsi sous surveillance n’intéressent pas seulement l’administration des Etats-Unis. On retrouve de tels projets, de telles velléités dans les organismes internationaux comme l’UNESCO et la récolte de données de l’éducation fait également partie du programme 2030 de l’ONU, ce qui promet une « standardisation » ou une « normalisation » mondiale à assez brève échéance.
Car il ne s’agit pas de rassembler des données sur les attitudes et les croyances pour le plaisir – ni même, comme le prétendent les promoteurs de la chose, d’améliorer l’instruction publique. Voilà des décennies que celle-ci, dans de nombreux pays du monde, désapprend aux enfants à lire, à écrire, à compter, à penser. Avec les moyens d’analyse statistique moderne, cela fait belle lurette qu’elle aurait pu corriger le tir – et elle fait l’inverse.
Son impatience à installer la surveillance des esprits n’en est que plus suspecte.