
Il y a quelques semaines, un groupe d’élèves d’un collège catholique argentin faisait un voyage d’études à Mendoza. Elles ont assisté à la messe dominicale en la basilique de Saint-François où l’on vénère l’image de Notre-Dame du Carmel de Cuyo. Au moment de communier, certaines se sont vu interdire de se mettre à genoux. Et pire, le président de la Conférence épiscopale d’Argentine, Mgr Marcelo Daniel Colombo, qui se trouve être l’archevêque du lieu, a confirmé que des frères franciscains avaient bien agi ce faisant, justifiant le fait d’interdire la forme la plus révérente de la réception de la sainte Communion.
Le blog argentin El Wanderer consacre une longue analyse à cet événement qui a profondément choqué aussi bien les élèves que les professeurs accompagnant le groupe. Il rapporte notamment le témoignage d’un de ces professeurs qui explique s’être mis à genoux pour faire un acte d’adoration avant de recevoir le Roi des Rois, comme il le fait habituellement.
Le père franciscain Alberto Zini, lui a intimé bruyamment et violemment l’ordre de se lever, raconte le professeur. « Pas comme ça, lève-toi ! » Il répondit aussitôt qu’il préférait communier ainsi, sachant fort bien que le Code de droit canonique ainsi que l’instruction Redemptionis Sacramentum affirment la licéité de cette manière de recevoir l’hostie. Mais le prêtre redit par deux fois, en haussant encore le ton : « Non, lève-toi ! »
En Argentine il faut communier debout selon la Conférence des évêques
Le professeur choisit alors, se trouvant dans un état de nerfs et d’anxiété, de se lever et de retourner à sa place pour éviter tout scandale, s’efforçant de retrouver l’esprit d’oraison qui avait été le sien au moment de s’approcher de la communion.
Deux des adolescentes du groupe qu’il accompagnait se sont retrouvées dans des situations semblables.
La première d’entre elles resta debout pour recevoir la communion sur la langue, mais le prêtre la força à communier dans la main, en l’obligeant à attraper l’hostie pour éviter que celle-ci ne tombe par terre. La jeune fille devait faire une crise d’angoisse, tant elle avait été blessée personnellement, et tant l’avait affectée aussi la maltraitance dont avait fait l’objet l’hostie consacrée.
L’autre jeune fille s’était mise à genoux pour communier devant le même prêtre. Il lui refusa la communion, en haussant une nouvelle fois la voix, jusqu’à ce qu’elle se lève. Il lui donna alors l’hostie, tout en la rabrouant.
Le professeur a par la suite écrit une lettre à l’archevêque de Mendoza pour se plaindre de ce qui était arrivé, ce qui lui valut deux réponses écrites de la part de Mgr Colombo.
« Lève-toi ! », crie le prêtre pour imposer la communion debout
« Je regrette profondément les événements que vous avez vécus le 24 août dernier en la basilique Saint-François. Je vous réponds avec l’intention de lever les doutes que cet événement a pu faire naître chez vous » : la lettre épiscopale du 27 août commençait plutôt bien. Mais il rappelait que c’est à la conférence épiscopale de choisir la manière de recevoir la communion, et si cela peut être debout ou à genoux, selon le Missel romain, Il rappelait qu’en 2002, l’Assemblée plénière de la Conférence épiscopale d’Argentine avait décidé que les fidèles doivent recevoir la communion debout, après avoir réalisé, comme geste de révérence, une inclinaison de la tête. L’unicité des postures, ajoutait-il, citant toujours le Missel romain, est « signe d’unité » des membres de la communauté chrétienne réunie en vue de la sainte liturgie, puisqu’elle exprime et favorise la communion d’esprit et de sentiment des participants.
Le blog El Wanderer souligne que l’événement n’est hélas pas un cas unique en Argentine, mais il s’étonne devant la réponse de l’évêque, qui est pourtant un canoniste diplômé. Dans la seconde lettre, Mgr Colombo réagissait aux documents invoqués par le professeur choqué : la réponse de la Congrégation pour le culte divin en 2002 assurant qu’on ne doit pas refuser la communion à des personnes aptes à la recevoir parce qu’elles se mettent à genoux pour recevoir l’hostie. Et ce même lorsque les conférences épiscopales ont opté pour la réception debout. La Congrégation a en effet stipulé dès 2002, au moment de la publication de l’Institutio Generalis Missalis Romani n. 160, que « les fidèles qui choisissent de s’agenouiller ne doivent pas être privés de la sainte communion pour cette raison ».
L’interdit de communier genoux, une « grave violation »…
Ce serait une « grave violation » d’un des « droits les plus fondamentaux des fidèles chrétiens », à savoir être assistés par leurs pasteurs au moyen des sacrements, soulignait la mise au point de la congrégation pour le culte divin.
Or ces violations se multiplient actuellement en Argentine, souligne El Wanderer, qui y voit le signe d’une différence de ce que croient les uns et les autres au sujet de la Sainte Eucharistie, les uns croyant visiblement en la Présence Réelle, et les autres… quoi ?
Dans sa deuxième lettre, Mgr Colombo a souligné que les décisions de la Conférence des évêques d’Argentine sont de véritables lois qu’il faut respecter, et que si le Saint-Siège a bien rendu possible la réception de la communion à genoux par sa recognitio de 2002, cela doit s’entendre à la lumière du canon 18 sur l’interprétation stricte des exceptions à la loi. Tout au plus a-t-il regretté « la réaction inadéquate du ministre de la Communion » lors de la messe du 24 août.
Mgr Colombo, signale El Wanderer, fait partie de ceux qui prêchent pour l’ouverture et l’inclusion, et pour une Eglise qui sache accueillir la « diversité ». C’était d’ailleurs en ce sens qu’avait prêché le Père Zini pendant la messe en question. Mgr Colombo a également manifesté, rappelle le blog, « le soutien de l’Eglise argentine à la marche LGBT en février dernier en invitant les fidèles à accompagner ces sexualités en tension avec la compréhension, miséricorde et humanité ».
L’ouverture est à sens unique.