Les médias britanniques s’attendent à ce que le premier ministre Theresa May propose, à l’occasion d’un discours à Florence vendredi, et au grand dam de Boris Johnson, que la Grande-Bretagne verse à l’UE dans le cadre du Brexit 10 milliards de livres sterling par an pendant une période de transition de 3 ans, soit un total de 30 milliards de livres sterling (environ 34 milliards d’euros).
Bruxelles avait de son côté parlé d’une facture du Brexit pouvant s’élever à 100 milliards d’euros, mais Theresa May espérerait, avec sa contre-proposition, débloquer les négociations sur les modalités de sortie du Royaume-Uni et sur un accord préservant les intérêts des uns et des autres. Bruxelles fait en effet de l’acceptation de sa facture une condition préliminaire au démarrage des négociations.
Du coup l’idée d’un Brexit « dur », sans accord, par lequel les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne seraient régies par les règles de l’OMC, commence à paraître de moins en moins improbable de part et d’autre de La Manche. Quasiment tous les membres du gouvernement de Sa Majesté auraient acté la proposition d’un paiement de 30 milliards de livres, à l’exception notoire du flamboyant ministre des Affaires étrangères Boris Johnson qui avait, contrairement à Mme May, fait campagne en faveur du Brexit quand il était maire de Londres.
Le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson refuse le principe d’une facture de l’UE pour le Brexit
Ancien journaliste en poste à Bruxelles, Boris Johnson a repris la plume pour exposer sa propre vision « d’une Grande-Bretagne audacieuse et prospère rendue possible par le Brexit » dans le Telegraph. Pour le député (vraiment) conservateur Jacob Rees-Mogg, Boris Johnson a ainsi redonné vie à la vision romantique du Brexit dont les Britanniques ont désespérément besoin. Mais parmi les énoncés du ministre des Affaires étrangères, il y a le refus de la proposition d’un paiement de 30 milliards de livres sterling que Theresa May pourrait vouloir avancer lors de son discours de vendredi. Pour Boris Johnson, le Royaume-Uni ne doit payer que ce qu’il doit à l’UE et rien de plus.
Il n’est notamment pas question de payer quoi que ce soit pour accéder au marché de l’UE, pas plus que l’UE n’a à payer pour accéder au marché britannique. Le ministre des Affaires étrangères a reçu l’assurance que sa sortie dans le Telegraph ne lui coûterait pas son poste, mais certains au sein du gouvernement et des Tories, dont la ministre de l’Intérieur Amber Rudd, y voient une remise en cause de l’autorité de Theresa May.
Si Theresa May propose 30 milliards de livres à l’UE, Boris Johnson remettra-t-il en cause son leadership ?
Le papier de Boris Johnson lui a aussi valu les reproches du président de l’Autorité des statistiques du Royaume-Uni (UKSA), Sir David Norgrove, en raison de la promesse selon laquelle la sortie de l’UE libérerait un montant de 350 millions de livres sterling par semaine (à condition de ne pas accepter un paiement astronomique en contrepartie du Brexit) dont une part importante pourrait servir à renflouer le service public de la santé. Pour Norgrove, ce chiffre serait le fruit d’une manipulation produite par les partisans du Brexit lors de la campagne pour le référendum.
Mais pour Boris Johnson, cette somme serait bien le solde, d’une part, des montants en moins versés au budget de l’UE et, d’autre part, des recettes fiscales issues de la croissance supplémentaire qui pourra résulter de la simplification des règles pour les entreprises une fois le Royaume-Uni débarrassé du carcan de l’UE.
Le ministre des Affaires étrangères se défend toutefois de vouloir remettre en cause avant la fin des négociations sur le Brexit le leadership de Theresa May à la tête du Parti conservateur.