La famille crée-t-elle des inégalités ? Abolissons la famille ! disent les philosophes Adam Swift et Harry Brighouse

La famille crée-t-elle des inégalités ? Abolissons la famille ! disent les philosophes Adam Swift et Harry Brighouse
 
Jusqu’où ira-t-on pour imposer l’égalité ? Le site américain chrétien (protestant) breakpoint.org s’amuse amèrement de la proposition de deux philosophes australiens qui voient dans la famille la racine de toute inégalité. Et puisqu’il en est ainsi, disent-ils, il n’y a qu’une solution : abolissons la famille ! Avec mesure mais pragmatisme, histoire d’égaliser terrain de jeu de l’humanité, pour que chacun y évolue à armes égales… Le chroniqueur de Breakpoint juge l’idée risible, et suggère que l’on travaille à l’inverse à ce que chaque enfant puisse bénéficier d’un foyer uni et solide, de nature à lui donner les avantages qui peuvent faire progresser chacun au détriment de personne.
 
S’il est vrai que les élucubrations du Pr Adam Swift, de l’université de Warwick, et le Pr Harry Brighouse de celle de Wisconscin, Madison, prêtent le flanc à l’ironie, il serait imprudent de les balayer comme irréalistes. Car pour ce qui est d’« égaliser » les chances des enfants en s’attaquant à la famille stable et unie, cet idéal n’a rien d’éthéré : c’est l’objectif affiché ou occulte de nombreuses politiques en cours dans le monde occidental aujourd’hui.
 

Abolir la famille : Adam Swift et Harry Brighouse dans la lignée de Platon

 
Et si l’idée n’est pas neuve – Platon ne rêvait-il pas, déjà, de soustraire les enfants à l’influence malfaisante de familles qu’il jugeait faillies, afin de les confier à l’Etat ? – elle ne se cantonne plus au royaume des penseurs, grecs ou non. Elle est à la racine du pédagogisme, elle suinte dans l’œuvre de Rousseau, et elle s’exprime dans les réglementations qui favorisent les mises en crèche, les programmes éducatifs officiels et plus largement tout ce qui dissocie les enfants de l’autorité parentale – et facilite la dislocation de la famille.
 
C’est à force de vouloir le mieux pour sa progéniture que le parent trop zélé finit par pourrir le terrain pour les enfants des autres, explique Adam Swift au quotidien australien ABC. En partant de la notion d’« égalité des chances », il a constaté l’étendue de ce qu’il perçoit comme un problème : « J’avais travaillé sur la mobilité sociale lorsque je me suis rendu à l’évidence : la raison pour laquelle des enfants nés dans des familles différentes auront des chances très disparates au cours de leurs propres vies en raison de ce qui se passe dans ces familles. »
 

La famille crée l’inégalité par l’école privée et l’interaction avec l’enfant

 
Choix d’une école privée, précepteurs, nounous, environnement urbain favorable sont des facteurs d’inégalité facile à observer : mais il y a aussi l’ « interaction » entre les parents et leurs enfants qui crée une véritable ligne de partage entre ceux qui en profitent et ceux qui sont laissés pour compte. Le manque de mobilité sociale qui en résulte peut se répercuter pendant des générations », affirme Swift.
 
Que faire ? « L’une des manières dont les philosophes pourraient envisager de résoudre le problème de la justice sociale serait simplement d’abolir la famille. Si la famille est source d’injustice au sein de la société il peut paraître plausible de penser que si nous abolissons la famille, le terrain n’en serait que plus équitable », affirme-t-il. Mais il rejoint Aristote – partisan de la solidarité naturelle entre ceux qui ont quelque chose en commun du fait du lien familial – en affirmant que ce serait « une idée vraiment mauvaise » de favoriser l’éducation au sein d’institutions d’Etat.
 
En revanche, avec son collègue Brighouse, il a réfléchi à ce qui fait que la famille est bonne, pour les enfants comme pour les adultes – mais en essayant de déterminer quels sont précisément les facteurs familiaux qui contribuent à créer des « inégalités non nécessaires ».
 

Abolir certains droits de la famille

 
Sans surprise, ils pointent le libre choix d’écoles privées et onéreuses, qui ne sont pas nécessaires à une relation chaleureuse et aimante d’autorité au sein de la famille. Et suggèrent que le choix « élitiste » d’écoles privées puisse être interdit.
 
D’autres pratiques – comme le fait de lire à ses enfants à l’heure du coucher –pourraient subsister mais non sans que les parents qui se livrent à cette activité riche d’avantages inégalitaires aient de temps en temps une pensée pour prendre conscience du « plus » injuste qu’ils donnent à leurs enfants. C’est comme ça : il y a des réalités qui ne cèdent devant rien, même la divagation d’un philosophe passionné par l’égalité des chances !
 
Mais dans d’autres domaines, la chasse aux privilèges doit en quelque sorte rester ouverte. Celui du choix de l’école, nous l’avons dit, mais aussi celui de la transmission de la propriété et des autres moyens économiques de donner l’avantage à son enfant.
 
Pour cela il faut d’abord casser l’idée selon laquelle la parenté biologique confère une sorte de droit de « propriété » du parent sur l’enfant : une idée surannée, car dans la théorie de Swift et Brighouse, on peut parfaitement imaginer qu’il y ait des parents non biologiques et même qu’il y en ait trois ou quatre… comme cela commence à s’installer dans le droit des nations les plus « progressistes » à la faveur du « mariage » gay.
 

Les jeunes à la crèche, c’est déjà l’abolition de la famille

 
Clairement, tout en conservant la coquille familiale, il s’agit bien pour l’Etat d’y faire son entrée et de se livrer à une affreuse ingénierie sociale…
 
Mettons les choses à l’envers : à force de saper le modèle traditionnel de la famille, bien des pouvoirs à travers le monde sont en train de favoriser une nouvelle forme d’égalité dont l’Etat se présente comme le garant, et qui justifie des ingérences bien réelles dans le droit éducatifs des parents.
 
Et en vérité, les modèles de plus en plus socialistes de l’éducation collective s’imposent ouvertement en revendiquant une meilleure « égalité des chances » – il suffit d’écouter les ministres successifs de l’Education nationale en France pour voir qu’on est là dans le très concret.
 
Mais précisons que l’affaire est habilement menée. Loin d’envoyer la police de Big Brother pour arracher les bambins à l’affection des leurs, l’Etat moderne offre aux parents la « liberté » de s’en séparer, en créant des « structures d’accueil », en « favorisant » le travail salarié des jeunes mamans – en ruinant les papas : ainsi les parents sont-ils persuadés de choisir ce qui, à terme, peut si souvent tourner au détriment de leur progéniture en assurant un constant nivellement par le bas. Pour ce qui est de l’instruction, cela fait belle lurette que les parents de ces pays – et de la France en particulier – ont tout intérêt (matériel) à choisir l’école laïque et obligatoire qui phagocyte l’éducation dès les plus tendres années.
 
L’emprise croissante de l’Etat sur l’enfance est une réalité. Il est temps de se rendre compte de ses soubassements et de ses objectifs. De peur que les libertés qui subsistent aujourd’hui ne soient anéanties, demain.
 

Anne Dolhein