Une jolie tribune publiée par The Daily Telegraph vante les mérites des études littéraires – et dénonce vertement les pressions des féministes qui voudraient voir davantage de filles entreprendre des études scientifiques, qu’elles le veuillent ou non. Cristina Odone, éditorialiste qui affiche sa foi catholique, n’est pas précisément une femme de droite. Elle milite pour les femmes prêtres et l’« ouverture » en même temps qu’elle soutient des discours plus traditionnels. Mais c’est avec bon sens et sans égard pour le politiquement correct qu’elle fustige le diktat des féministes et du « gender mainstreaming » (« l’intégration des questions sexospécifiques », comme ils disent). C’est au nom d’une idéologie que les filles sont « empêchées de faire ce qu’elles veulent », a-t-elle constaté.
Son fils Johnny est parti étudier l’anglais à Oxford : « Nous étions ravis. Personne ne s’inquiétait du fait que son salaire ne se conterait pas en centaines de milliers de livres » : le choix de la littérature a été vécue par la famille comme une « bénédiction », et ses professeurs l’ont soutenu, raconte Cristina Odone.
Les féministes – et le système scolaire – poussent les filles vers des métiers masculins
« Mais deux ans plus tard, lorsque notre fille Izzy a demandé pourquoi elle devait perdre son temps à présenter trois matières scientifiques pour le GSCE [diplôme de fin d’études secondaires] alors qu’elle n’entendait nullement poursuivre une carrière dans le domaine des mathématiques ou de la science, la réaction était différente », dénonce la journaliste.
Ses amis lui ont assuré qu’Izzy avait le « devoir » de maîtriser les sujets qui ont été si longtemps l’apanage des hommes, sans compter que cela allait permettre à sa fille de trouver un poste mieux payé. Amis, famille, professeurs, tous ont dénoncé le laxisme de cette mère prête à justifier le choix de sujets « artistiques » d’Izzy, 12 ans, qui en préférant la littérature et l’histoire apportait la preuve que 2.000 ans de mauvaise éducation des filles avaient produit leur « triste » effet.
« Elle était la preuve vivante que les vieux stéréotypes sont encore en vigueur ; que les filles n’ont pas encore réussi à s’échapper du ghetto rose des sujets “soft”. En récusant les triangles isocèles et les brûleurs Bunsen, elle trahissait les suffragettes et Marie Curie », constate sa mère. Ironique, celle-ci note qu’elle n’aurait jamais dû encourager sa fille à lire et à écrire des histoires, mais faire comme ses amies : engager à prix d’or des répétiteurs de mathématiques à 60 livres de l’heure.
Empêcher les filles de faire ce qu’elles veulent parce que les études scientifiques valent mieux que les humanités
Bref, pour rendre service à l’humanité et avant tout aux femmes, il faut pousser les fillettes de 12 ans vers des métiers aujourd’hui dominés par la gent masculine, comme les sciences économiques, pour « changer le monde ». Les encourager à créer une start-up ou à devenir chercheur scientifique. Les humanités ? Un truc de filles… qu’il faut laisser aux garçons ?
Au bout du compte, on en est arrivé au point ou une fille qui fait un métier perçu comme féminin déchoit. « Le message me met mal à l’aide, et elle aussi : faire un travail d’homme est plus impressionnant que de faire un travail de femme », note Cristina Odone. Elle plaide pour qu’on cesse de mettre les filles sous pression.
Elle aurait pu ajouter que l’idéologie va toujours de pair avec la tyrannie.