Mgr Filippo Iannonne au Dicastère pour les évêques : Léon XIV organise le retour au droit

 

Alors que nous sommes encore au début de son règne, le pape Léon XIV vient de faire sa première nomination curiale et elle semble encourageante. Il a nommé à la tête du Dicastère pour les évêques, dont il était lui-même le préfet depuis le printemps 2023 avant son élection à la chaire de Pierre, l’archevêque napolitain Filippo Iannone, 67 ans, qui a pour particularité d’être religieux – de l’ordre des Carmes – et surtout canoniste. Mgr Iannone était déjà membre de la Curie en tant que préfet du Dicastère pour les textes législatifs, où il a notamment participé à la rédaction et à la mise en œuvre des nouvelles normes concernant les sanctions pénales dans l’Eglise, et à la gestion des cas d’abus de mineurs. A un moment où l’on déplore la dévaluation du droit canonique au sein de l’Eglise, particulièrement sous le règne de François, un tel choix est certainement un signe.

Et ce d’autant plus que le nom du cardinal Blase Cupich de Chicago circule depuis 2021 comme potentiel nouveau préfet des évêques – celui-là même qui actuellement propose d’honorer d’une sorte de « prix d’excellence pour l’ensemble de sa carrière » le sénateur démocrate Dick Durbin qui, tout en revendiquant sa foi catholique, a toujours publiquement soutenu l’accès légal à l’avortement.

 

Mgr Iannone au poste-clef du Dicastère pour les évêques

Dans son livre Christus Vincit, Mgr Athanasius Schneider l’avait souligné : pour lui, le premier devoir d’un nouveau pape serait de nommer de bons évêques, pour le redressement de l’Eglise et la rectification de la doctrine.

De l’avis du blog « Silere non possum », on peut voir ici de la part de Léon XIV « un premier sceau décisif de gouvernance ». Un choix de rupture, en tout cas, avec des pratiques de nomination des évêques peu soucieuses de respecter les normes établies. Il faut ajouter que le Dicastère pour les évêques occupe un poste clef au sein de l’Eglise. De lui dépend l’irrigation d’un programme de gouvernement dans l’ensemble des diocèses du monde, même si l’on comprend qu’il s’agisse d’un travail de longue haleine, qui se fait au gré des remplacements d’évêques vieillissants – ou écartés par le biais du même Dicastère.

Celui-ci exerce cependant son influence sur l’ensemble des évêques effectivement chargés d’un diocèse, et qui sont en relation régulière avec lui. Le Dicastère est en particulier compétent pour déclencher et mener des visites apostoliques dans les diocèses, et pour la formation des nouveaux évêques.

 

Léon XIV et les « pilules amères » du précédent pontificat

Silere non possum assure que par cette nomination, Léon XIV met « en avant ceux qui, durant le pontificat précédent, avaient dû avaler bien des pilules amères » : « Figure de droit et d’équilibre, Iannone est un homme qui, sous François, a appris à prendre du recul : à encaisser les coups, à se taire. Non pas par manque d’harmonie personnelle avec le pape régnant, mais parce qu’à cette époque, parler de normes et de droit risquait d’apparaître comme un corps étranger. “Rien n’est arrivé ici”, était-il souvent contraint de répondre aux demandes de clarification de la Cité du Vatican et du reste de l’Eglise catholique. Même les textes des nouvelles dispositions – qui changeaient constamment, parfois du jour au lendemain – n’étaient pas examinés par le Conseil pontifical. L’aversion du pape argentin pour le code, ses schémas et ses procédures était bien connue. Ainsi, Iannone, bien que promu à la tête du Conseil pontifical pour les textes législatifs, resta en marge, confiné à un secteur que le pape considérait comme secondaire, presque superflu. »

Iannone fut nommé évêque par Jean-Paul II en 2001 ; il était alors le plus jeune évêque d’Italie, fort de ses connaissances en droit canonique (il est également docteur en droit civil), mais aussi de son expérience du ministère pastoral. Il fut notamment évêque auxiliaire de Naples. C’est Benoît XVI qui l’appela à Rome, rappelle encore le blog, et le pape François le nomma à la tête du Dicastère pour les textes législatifs dont nous venons de voir qu’il avait si peu d’intérêt pour cet homme qui disait toujours préférer « la pastorale ».

Si l’on comprend bien Silere non possum, le Dicastère pour les évêques était marginalisé d’une manière analogue : les nominations des évêques se faisaient de manière peu rigoureuse.

 

Iannone au Dicastère pour les évêques, « la fin de pratiques douteuses »

« C’est la fin d’une époque d’improvisation et de pratiques douteuses, où le lien avec le cercle de Sainte-Marthe suffisait à obtenir un diocèse. L’époque des “belles Pouilles” ou de la “belle Basilicate” est révolue, ces réservoirs où la pêche ne se faisait pas au mérite, mais en fonction des amitiés et des faveurs, peut-être garanties par ceux qui arrivaient avec le cadeau de pâtes fraîches dans les cuisines des hôtels », ironise le site.

Où l’on comprend qu’à l’époque où il était lui-même préfet des évêques, le cardinal Robert Prevost avait beaucoup moins de pouvoir qu’il n’y paraissait…

Silere non possum pose ces questions au sujet de ce que sera le Dicastère sous Mgr Iannone : « C’est ici que se décident ceux qui dirigeront les communautés catholiques du monde. Et donc, se décide également la forme future de l’Eglise : aura-t-elle des évêques attentifs à la doctrine ou prêts au compromis ? Seront-ils des pères bienveillants envers leurs prêtres ou des administrateurs despotiques ? Seront-ils des pasteurs de prière ou des gestionnaires de diocèses ? Feront-ils preuve d’un courage prophétique ou auront-ils une tendance à la médiocrité ? (…) Car tout dépend de la qualité des évêques : catéchèse, liturgie, vie sacramentelle, gestion des ressources, proximité avec les pauvres, défense de la foi. »

Léon XIV n’a pas remplacé le secrétaire du Dicastère, Mgr Ilson de Jesús Montanari, confirmé pour cinq ans, dont sait qu’il court-circuitait souvent le cardinal Prévost lui-même pour faire obtenir quelque validation pontificale, ni son sous-secrétaire, Mgr Ivan Kovač. Peut-être sommes-nous là en face d’un exemple du style de gouvernement de Léon XIV : pas de révolution, pas de brusquerie, mais, espérons-le, un lent rétablissement de l’ordre.

 

Jeanne Smits