Une universitaire américaine a soutenu mardi devant un auditoire choisi que le fondamentalisme chrétien est beaucoup plus dangereux pour les Etats-Unis que l’islamisme terroriste. Catherine M. Wallace, membre de la faculté de l’École de médecine de l’université Northwestern, près de Chicago, se qualifie elle-même de chrétienne, ou plutôt d’« humaniste chrétienne », ce qui en dit long sur ses présupposés idéologiques. Pour elle, la plus grande menace, c’est la Bible.
 
Spécialiste de tous les « fondamentalismes », c’est la « droite religieuse » du sud des Etats-Unis qu’elle accable de tous les maux tels que les désigne la pensée unique contemporaine : racisme, radicalisme, haine, convictions décalées par rapport à celles du monde moderne.
 
Cette « droite radicale », soutient Catherine Wallace, pose une bien plus grande menace pour la sécurité du pays, et d’ailleurs celle du monde entier, pour la simple raison que ces « fondamentalistes » peuvent avoir accès à l’armement des Etats-Unis, soutenus par leur propre nombre et le possible accès au pouvoir légal.
 

Le fondamentalisme chrétien et la bombe nucléaire : explosif !

 
L’universitaire a évoqué la situation de musulmans désireux d’attaquer une ville américaine : « Il leur faudrait détourner un avion de ligne. » « S’ils veulent faire sauter un concert, ils sont obligés de mettre des bombes sur leurs propres enfants et d’y envoyer des jeunes hommes se faire tuer… » ajoute-t-elle. Les pauvres ?
 
A l’inverse, le « radicalisme » que constitue le fondamentalisme chrétien, selon elle, « représente une menace beaucoup, beaucoup plus grande lorsqu’il a le contrôle des codes nucléaires ».
 
Voilà qui est tout de même du domaine de l’imaginaire. La grande différence entre les deux, difficile à voir sans doute pour un membre de la faculté, historienne de surcroît, c’est qu’il est des musulman qui passent à l’acte et s’y complaisent, tandis que les bombardements nucléaires ou même conventionnels de chrétiens au nom de Dieu et effectivement justifiés par leur religion manquent à l’appel de l’actualité.
 
Mais Mme Wallace poursuit sa réflexion en roue libre. Ce « radicalisme » trouve selon elle sa racine dans une lecture littérale de la Bible. « Personne dans le monde ancien n’aurait lu la Bible de façon littérale » : c’est un phénomène moderne et des Pères de l’Eglise l’auraient évidemment découragé, dit-elle.
 

L’islamisme aux Etats-Unis ? Du terrorisme artisanal…

 
Le point de vue est intéressant, et devrait inciter à regarder avec plus d’intérêt l’approche catholique qui exige un effort d’interprétation à la lumière de l’enseignement du Christ transmis par l’Eglise.
 
Inutile de dire que ce n’est pas l’approche de Mme Wallace qui cherche à montrer que les erreurs de perception sur le sens de la Bible fomentent un climat de haine et conduisent à des conflits inutiles entre les chrétiens – tous les chrétiens ? – et le reste du monde. Ce qu’elle veut, c’est une lecture qui permette au christianisme de coexister avec le monde de la science et de la politique, afin qu’il se débarrasse de sa réputation d’aller contre les faits et contre les mouvements sociaux progressistes. En deux mots : qu’il se soumette au monde et adapte son enseignement. Les interprétations « littérales » dont elle parle concernent par exemple la claire interdiction des actes homosexuels ou du divorce…
 
C’est aussi le thème des livres écrits par Catherine Wallace : dans une société de plus en plus laïcisée, elle a voulu faire « quelque chose qui soit absolument ouvert et accessible à chacun quel que soit son environnement religieux ou son intérêt pour la question ». Et bien sûr, il y est question du refus du « mariage gay », de la tendance à juger tout le monde et de la violence religieuse.
 

Comment le laïcisme veut mettre au pas les chrétiens

 
Si pour démontrer que le christianisme fait plus de mal en prêchant sa doctrine et la morale (au fond, c’est de cela qu’il s’agit) que l’islam totalitaire coupeur de têtes, il faut minimiser l’horreur du terrorisme au nom d’Allah, eh bien, le jeu semble lui en valoir la chandelle.
 
Qu’il faille aussi oublier l’enseignement de l’islam lui-même semble lui avoir totalement échappé. Interrogée sur la probable réaction de Jésus-Christ face aux événements politiques actuels, la chercheuse a répondu : « Jésus était d’abord un prophète juif qui récitait les fulminations juives selon leur formule standard, qui consiste en la justice sociale, la justice socio-économique. Prenez soin des veuves et des orphelins, c’est-à-dire de ceux qui sont inemployables. Des gens qui ne peuvent pas gagner leur propre vie. Et la juste répartition des ressources du monde. »
 
On aurait tort de considérer son speech devant un petit auditoire quelque part dans une banlieue de Chicago comme une série d’élucubrations à balayer d’un revers de main. Elle a fort bien résumé au contraire la manière dont le monde contemporain est prêt à accepter le christianisme, faute de quoi il le combat bien plus vigoureusement qu’il ne traque le djihadisme dont il refuse de nommer la source réelle.
 

Anne Dolhein