Aux Etats-Unis, une majorité de chrétiens adhère à une forme de syncrétisme

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Le Centre de recherche culturelle de l’Arizona Christian University – établissement protestant privé de tendance conservatrice – vient de publier les résultats d’une enquête qui prouvent, selon son directeur George Barna, que les fondements chrétiens des Etats-Unis sont en train de céder la place à une sorte de « syncrétisme », dans la mesure où des éléments provenant de l’humanisme laïciste, du postmodernisme, du mysticisme oriental et du marxisme ont remplacé la foi chrétienne chez la majorité des personnes interrogées, âgées de 25 ans et plus. Plus les sondés sont jeunes, plus cette tendance est présente.

24 mesures de croyances et de comportements ont été utilisées pour évaluer l’évolution de l’adhésion à une « vision biblique du monde » à l’occasion de la « pandémie », et ont permis de constater que les « Millenials » (la génération Y, soit les 25-39 ans) affichent les scores les plus bas pour toutes sauf 4. Déjà peu ouverts au christianisme avant le covid, ils s’en sont encore éloignés, de telle sorte que seuls 2 % d’entre eux ont une « vision biblique » du monde et de la vie.

 

Le syncrétisme des Américains s’est aggravé avec la crise du covid

Ils sont donc davantage à adhérer à un patchwork de croyances éventuellement contradictoires, comme l’avait montré une enquête menée par le même Centre de recherche culturelle en 2021. Celle-ci avait mesuré l’adhésion au « théisme biblique », à l’humanisme laïciste, au postmodernisme, au « déisme moral thérapeutique », au nihilisme, au marxisme (et à la théorie critique), et au mysticisme oriental (« New Age »). Aucune de ces croyances n’est sortie gagnante, mais il a résulté de l’enquête que 88 % des Américains revendiquent une vision du monde « mélangée et méconnaissable » comportant des idées parvenant de plusieurs de ces perspectives.

« Plutôt que de développer une perspective cohérente sur le plan interne et philosophique, les Américains adoptent les points de vue ou les actions qui leur semblent les plus confortables ou les plus commodes. Ces croyances et ces comportements sont souvent incohérents, voire contradictoires, mais peu d’Américains semblent s’en inquiéter », écrivait alors Barna. Une vague adhésion à la Bible ou à son moralisme prédominent cependant par rapport au marxisme ou au New Age, en queue de peloton.

La vision biblique du monde évoquée dans le sondage va plus loin que l’affirmation du christianisme et suppose de croire l’ensemble de ces propositions :

– Dieu est le créateur et le maître éternel du monde ;

– Tout le monde est pécheur aux yeux de Dieu ;

– Seul le fils de Dieu, Jésus-Christ, offre le moyen d’être sauvé de la colère de Dieu méritée par les pécheurs ;

– La Bible est la parole de Dieu ;

– La Parole de Dieu est une vérité morale absolue ;

– Son dessein pour nous consiste à le connaître, à l’aimer et à le servir ;

– Le succès dans cette vie consiste en une obéissance constante à Dieu.

Il s’agit bien évidemment d’une vision protestante du christianisme, et non d’un énoncé véridique de la foi catholique, mais il n’empêche : la manière dont les chrétiens américains ont largement délaissé les croyances de leurs pères en dit long sur la pression d’une société qui favorise le relativisme et cherche dans le monde des valeurs de remplacement, même lorsque celles-ci sont celles de religions non-chrétiennes ou de systèmes philosophiques fondamentalement hostiles au Christ.

 

Aux Etats-Unis, les trois quarts de la génération X déclarent ne pas avoir de sens à donner à leur vie

Chez les « Millenials », écrit George Barna, l’idée d’une « vérité personnelle » a largement supplanté celle de la « vérité biblique ». Mais au sortir de la crise du covid, les trois quarts d’entre eux ont déclaré ne pas avoir de but ni de sens à donner à leur vie.

Une grande majorité d’entre eux ont d’ailleurs reconnu qu’ils se sont depuis lors sentis privés de relations interpersonnelles profondes et saines. Plus de la moitié d’entre eux ont déclaré être affectés par des problèmes de santé mentale telles l’anxiété, la dépression, la peur et les pensées suicidaires.

Les données de l’enquête ont montré que les membres de la génération X (de 40 à 57 ans) s’éloignent eux aussi des « perspectives et des comportements bibliques », tout comme les baby-boomers (58 à 77 ans), leurs aînés, parmi lesquels la vision biblique du monde n’est revendiquée que par 7 % des sondés contre 9 % avant la « pandémie ». Même les « anciens » (les plus de 78 ans) ne font guère mieux : d’accord avec la vision biblique à 9 % avant le covid, ils sont 8 % aujourd’hui.

Le covid a éloigné les chrétiens de la génération X de leurs églises et de leurs temples, et plus encore de la confiance en Dieu révèle encore l’enquête, ce qui n’a rien d’étonnant selon Barna, puisque les différentes dénominations n’ont pas su, au cours de ces trois dernières années, répondre à l’anxiété de « dizaines de millions d’adultes », et ont même interdit physiquement l’accès à leurs lieux de culte. Les églises ont manqué une occasion, et un grand nombre d’Américains « ont consciemment choisi d’abandonner leurs ancrages chrétiens en faveur de solutions de vie plus égocentriques », affirme le directeur du Centre de recherche. Cette génération croit moins qu’avant la crise que Dieu a créé les êtres humains et qu’Il est le fondement de la vérité, le roi omniscient et tout-puissant de l’univers. Ce déclin de leur foi est allé de pair avec l’abandon de leurs pratiques : lecture de la Bible, assistance à l’église, confession personnelle des péchés, recherche de la volonté de Dieu, culte rendu à Dieu. Ils sont moins nombreux à penser que la vie humaine est sacrée.

 

La majorité des chrétiens n’a plus une foi solide et fonctionne « à l’émotion »

A l’inverse, la pratique religieuse des baby-boomers a globalement progressé.

Il note qu’il devient de plus en plus difficile dans les Etats-Unis d’aujourd’hui de s’emparer et de conserver d’une vision chrétienne du monde, qui ne se transmet plus et ne s’acquiert pas uniquement grâce à la connaissance de quelques versets de la bible, à l’assistance à quelques offices religieux ni même à la prière ; la fréquentation d’une école chrétienne ne suffit pas davantage.

Le constat est bel est bien que les Américains sont « devenus égoïstes et fonctionnent à l’émotion, au détriment de la logique ».

La crise du covid a aggravé cette situation, mais on pourrait ajouter que l’essor de la pensée émotionnelle a été soutenu, voire voulu par un enseignement qui écarte l’analyse et le raisonnement : aux Etats-Unis comme en France et bien d’autres pays d’Occident, ce sont les « pédagogies du cerveau droit » qui ont depuis des décennies favorisé chez plusieurs générations une pensée confuse, voire non verbale. Et c’est elle qui a fait le lit des privations de libertés et des consignes absurdes contradictoires pendant la période des restrictions pour « stopper la pandémie ». Une majorité de nos concitoyens en Occident n’ont plus les moyens intellectuels d’y résister.

 

Jeanne Smits