Fragonard (1732-1806) est assurément un des principaux peintres français du XVIIIe siècle. Lui consacrer une exposition a donc un sens réel. Le titre choisi par le Musée du Luxembourg, Fragonard amoureux, comme son affiche – le fameux Verrou –, fait craindre toutefois une approche déplorable : montrer le pire de Fragonard, ses tableaux licencieux ; et c’est bien le cas. Dans la production abondante de Fragonard, il aurait été facile de puiser des œuvres décentes, renouvelant le style des fêtes galantes de Watteau. S’il ne s’agit pas de grande peinture, il n’y a là rien de vraiment malhonnête. Quelques beaux tableaux de couples de promeneurs en une nature enchanteresse charment véritablement le visiteur. Plus que dans la peinture de ses personnages, l’artiste excelle véritablement dans celle du décor, en particulier les feuillages, les feuilles, avec les jeux complexes de la luminosité. D’autres scènes, fort connues, tiennent du genre galant, avec des jeunes gens qui devisent au champ, s’amusent en écoutant de la musique ou se livrant à divers jeux. Elles ne sont pas sans charme, du moins pour le spectateur bienveillant.
Fragonard amoureux et indécent
Par contre, et il s’agit de plus que d’une seule œuvre exposée ou de quelque accident de parcours, l’exposition insiste beaucoup trop sur les productions érotiques de Fragonard, dans la lignée de Boucher, son maître. Sont proposées à l’attention du public de nombreuses scènes de maisons closes. Ces dames, jeunes, belles, potelées, attendent les clients, en des positions diverses, vraisemblablement retranscrites d’après des souvenirs de riches amateurs, qui ont commandé ces tableaux. Fragonard a été un bon père de famille ; mais pour vivre, il a peint moult indécences, qui sont au cœur de cette exposition Fragonard amoureux.
Le seul intérêt du parcours proposé serait historique, avec une illustration de la décadence des mœurs dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Elle retrace aussi la vie de Fragonard, plus honnête que la légende inspirée de son œuvre, mais comprenant, à ses pires heures, une lourde compromission avec la Révolution française.
Hector Jovien
Fragonard amoureux, Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard, 75006 Paris
Tous les jours (sauf lundi) de 10h à 19h. Jusqu’au 24 janvier 2016. Tarif : 12€.