Le pape François nomme 21 nouveaux cardinaux : entre modernisme et scandale

 

Le pape François a annoncé, dimanche, la création de 21 nouveaux cardinaux, dont 20 électeurs. Après le consistoire annoncé du 8 décembre prochain, il y aura un total de 141 cardinaux-électeurs, parmi lesquels 111 devront leur chapeau au pape François… Soit 79 % du conclave « contrôlé » post-mortem, si l’on peut dire, par celui que son hagiographe ante-mortem, Austen Ivereigh, a appelé le « Grand réformateur ». Au sujet des réformes de François, le cardinal Parolin (que d’aucuns donnent pour papabile, lui qui soutient bien des innovations et des actes du pape régnant) a déclaré au mois d’avril : « Il n’y aura pas de retour en arrière. » Dans une institution qui est gouvernée, ultimement, par la Providence divine, une telle assertion est imprudente, mais du point de vue humain, il semble que François veuille prendre toutes garanties. Et parmi les hommes qu’il vient de choisir, il en est plusieurs qui adhèrent visiblement et explicitement à certaines de ses… appelons-les « errances ». Entre modernisme et scandale.

Sur ce dernier chapitre la désignation du P. Timothy Radcliffe, qui a prêché la semaine dernière la retraite d’ouverture de la deuxième étape romaine du synode sur la synodalité, est révélatrice. Le 30 septembre dernier, l’ancien maître de l’Ordre des Prêcheurs publiait une tribune dans Outreach, l’organe « LGBTQ catholique » (sic), après l’avoir fait paraître dans L’Osservatore Romano. Il y salue les « merveilleux présent qu’apportent les catholiques gays à l’Eglise » ; se souvient des messes « pour catholiques gays et lesbiennes » qu’il a présidées à Londres, pour leur offrir non une liturgie spéciale, « mais une communauté où ils puissent être sûrs d’être chaleureusement accueillis ».

 

21 nouveaux cardinaux selon le cœur de François

Et de reprendre à son compte une phrase du cardinal Basil Hume : « L’amour entre deux personnes, qu’elles soient du même sexe ou d’un sexe différent, doit être respecté et considéré comme un trésor. » Il assure ne pas contester l’enseignement de l’Eglise au sujet de l’homosexualité, mais dans un même souffle, écrit : « Je suis convaincu de la sagesse fondamentale de l’enseignement de l’Eglise, mais je ne comprends pas encore tout à fait comment il doit être vécu par les jeunes catholiques homosexuels qui acceptent leur sexualité et aspirent à juste titre à exprimer leur affection. »

Radcliffe s’était déjà signalé en 2005 en contestant le document de la Congrégation pour l’Education catholique écartant de la formation sacerdotale et de la prêtrise les hommes ayant des « tendances homosexuelles profondes », affirmant qu’il serait plus opportun de récuser les candidats ayant de profondes tendances à « l’homophobie » ou à la « misogynie ».

Quelques mois plus tard, en 2006, lors d’une conférence sur l’éduction, le P. Radcliffe disait au sujet des « gays » : « Nous commençons par nous tenir aux côtés des homosexuels… Et cela signifie que nous devons laisser notre imagination s’élargir jusqu’à regarder Brokeback Mountain [un film de propagande homosexuelle], lire des romans gays, avoir des amis gays… [et] écouter avec eux lorsqu’ils écoutent le Seigneur. »

 

Le pape François nomme Timothy Radcliffe au zénith de ce pontificat

S’il rejette le « mariage » homosexuel, il soutient l’union civile des couples de même sexe : « Le Dieu d’amour peut être présent dans tout amour vrai », écrivait-il en 2012. Et poussait même l’outrance jusqu’à écrire, l’année suivante, qu’il faut comprendre l’homosexualité à la lumière du don par le Christ de lui-même dans l’Eucharistie : « Tout mariage n’est pas fertile… certainement c’est dans les mots aimables et de guérison que nous nous offrons les uns aux autres que nous prenons tous part à la fertilité de ce moment si intime. » La sexualité gay, ajoutait-il peut être « généreuse, vulnérable, tendre, mutuelle et non-violente », et se faire expression « du don de soi du Christ, de la fidélité mutuelle, une relation d’alliance où deux personnes se lient l’une à l’autre pour toujours ».

Le chapeau rouge du cardinal est symbole du sang qu’il doit être prêt à verser pour défendre la foi… Usque ad effusionem sanguinis.

Se voit également gratifier de la pourpre cardinalice l’archevêque péruvien Carlos Castillo Mattasoglio, nommé par François comme remplaçant du très traditionnel Juan Luis Cipriani Thorne au siège de Lima, au Pérou, en 2019. Le pape appuie en son cas un homme connu pour soutenir la théologie indigéniste de la « régénération », outil pour « repenser la foi » à travers le « désir de la reconstruction intérieure » pour que chaque individu puisse retrouver sa « force sociale ». Repenser la foi… ou plutôt la théologie de la libération de manière à la rendre plus attrayante pour les jeunes.

 

Mattasoglio, l’homme de la théologie de la libération est sur la ligne écologiste de François

Le futur cardinal Mattasoglio, fidèle à la dimension écologique de la théologie de la libération (Leonardo Boff en a fait un élément central), fait à la fois la promotion de la « régénération des structures obsolètes » de l’Eglise aujourd’hui en Amérique du Sud et de la « société durable », couplée avec la lutte contre la « destruction environnementale ».

Lui-même proche des premiers théoriciens de la théologie de la libération, comme Gustavo Gutierrez, Mattasoglio a écrit sa thèse en sociologie sur Bartolomé de Las Casas et affirme la « vertu innée » des Indiens trouvés en Amérique par les (méchants) Conquistadors. A la tête de l’université catholique du Pérou, il refusait de se soumettre aux injonctions doctrinales de l’évêque qu’il devait par la suite remplacer, le cardinal Cipriani ; à partir de 2016, le pape François l’avait soutenu face à son supérieur légitime.

A l’époque de sa nomination à Lima, le site hispanophone Infovaticana assurait, citant des sources anonymes, que Castillo Mattasoglio avait eu, des années en arrière, des liens avec le Parti communiste révolutionnaire et avec le « Sentier lumineux » au Pérou (assertion aujourd’hui répétée de manière plus publique).

Si Castillo Mattasoglio n’a pas par ailleurs donné de signaux pro-LGBT, d’autres sont jugés favorables à l’idéologie homosexualiste, selon le site NewWaysMinistry qui énumère sept futurs cardinaux « LGBTQ-positifs » pour deux seulement ayant un parcours plutôt « négatif » de ce point de vue ; parmi ces derniers, Mgr Francis Leo de Toronto, plutôt réputé pour sa rectitude doctrinale même si, comme l’affirme NewWays, il ne s’est pas opposé à ce que des écoles catholiques de son diocèse célèbrent des « Gay Prides ».

 

Le pape François nomme 21 nouveaux cardinaux : joie chez les « catholiques pro-LGBT »

Mais le site salue avec bonheur la nomination de Radcliffe et des autres prélats ouvertement pro-LGBT, à commencer par Luis Gerardo Cabrera Herrera de Guayaquil (Equateur) qui accueillit favorablement Fiducia Supplicans et sa possibilité de bénir les couples homosexuels. Mgr Pablo Virgilio David de Kalookan aux Philippines fit de même. Jaime Spengler, archevêque de Porto Alegre au Brésil a quant à lui dénoncé les « conséquences d’un moralisme exacerbé » et salué la « compréhension » d’autrui que permet Fiducia supplicans. Mgr Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, s’était quant à lui élevé contre l’opposition des évêques d’Afrique subsaharienne contre le document, se plaignant de ce que les évêques d’Afrique du Nord n’eussent pas été consultés. Mgr Vesco plaide aussi pour la communion pour les divorcés remariés civilement, assurant que Tout amour est indissolublemême deux amours successifs. Mgr Roberto Repole de Turin est quant à lui salué pour avoir autorisé la confirmation d’un homme transgenre ayant « transitionné » de manière légale. Enfin, Mgr Tarcisio Isao Kikuchi de Tokyo, à la tête de Caritas depuis 2023, a participé à un livre d’essais pro-LGBT et participe à la promotion du groupe LGBT catholique du Japon.

Tout cela amène l’auteur de l’article, Robert Shine (qui précise ses pronoms préférés, « he/him ») à conclure : « Il semble aujourd’hui que la promotion d’une Eglise accueillante et même d’un ministère LGBTQ+ soit devenue non pas un facteur disqualifiant, mais un facteur quasi nécessaire pour devenir cardinal. »

Heureusement, les portes de l’enfer ne prévaudront point.

 

Jeanne Smits