« Fraternité humaine » : le pape François vante la « diversité » religieuse dans un entretien avec un journal des Emirats arabes unis

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Maison de la Famille d’Abraham, Abou Dhabi


Le pape François a réservé son premier entretien de presse après sa sortie d’hôpital à la suite d’une opération aux intestins à un média arabe, Al Ittihad, des Emirats arabes unis (EAU). C’était aussi le premier entretien accordé par un pape catholique à un journal arabe et, surtout, islamique. Il y a été question de Dieu, mais pas de la Sainte Trinité, comme on pouvait s’y attendre ; l’essentiel de la conversation a tourné autour de la « fraternité humaine » et de la « diversité » religieuse vantée par le pape. La presse internationale, tout comme le service de presse du Vatican, en ont retenu avant tout la condamnation par François de l’incendie d’un Coran lors d’une récente manifestation en Suède, fait qui l’« indigne » et le « dégoûte ».

Le pape, les traits visiblement tirés, a reçu le journaliste d’Al Ittihad, Hamad Al-Kaabi, dans ses appartements de la Maison Sainte-Marthe. On ne saura pas s’il lui a remis comme de coutume un chapelet béni par ses soins…

En revanche, François a parlé de « tolérance », sans originalité. N’importe qui aurait pu comme lui déclarer à M. Al-Kaabi : « Une “culture de tolérance” peut être enracinée dans notre vie quotidienne par l’éducation et l’engagement social et religieux. La tolérance deviendra une réalité lorsque nous apprendrons à respecter les différences et à les considérer comme une richesse et non comme un danger. »

 

La religion pour la Fraternité humaine, et non le salut

Le pape exhorte aussi à « trouver dans la foi en Dieu la source et la force pour devenir meilleur et rendre le monde meilleur. Que la religion soit un facteur de paix, de coexistence et de fraternité, et jamais un facteur d’affrontement, de haine et de violence ». Et de citer, d’emblée, le Document sur la fraternité humaine signé à Abou Dhabi en février 2019 avec le grand imam de l’université Al-Azhar du Caire – ce texte terrible où le pape déclarait avec l’imam Al-Tayeb qui, lui, a encore l’option de se réfugier derrière la takkiya : « Le pluralisme et les diversités de religion (…) sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. »

A ce sujet, interpellé par Mgr Athanasius Schneider, le pape avait déclaré qu’il s’agit de la « volonté permissive » de Dieu, celle qui « permet » les actes mauvais, mais cela n’a jamais fait l’objet d’une rectification publique.

En réalité, bien plus que l’affaire du Coran, c’est le Document qui était au centre de l’entretien, avec tout ce qui dans les relations du Saint-Siège avec l’islam tend à justifier le respect de l’islam en tant que tel ainsi que le maintien du statu quo où la mission, l’évangélisation, l’annonce de la Rédemption du monde par le sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ sont passées sous silence. Au nom de la paix ! Autant dire la « paix » de l’islam, qui pose quelques questions.

 

Le pape François vante toujours la « diversité » selon le Document d’Abou Dhabi

François a ainsi précisé qu’il continue de faire circuler le Document que l’ONU a adopté un an après sa signature, comme le rappelait le journaliste. « Je présente le Document sur la Fraternité humaine à toutes les délégations que je reçois au Vatican parce que je crois qu’il s’agit d’un texte important non seulement pour le dialogue entre les religions, mais aussi pour la coexistence pacifique entre tous les êtres humains. Il y aura la civilisation de la fraternité ou celle de l’inimitié ; soit nous construisons l’avenir ensemble, soit il n’y aura pas d’avenir. »

Il l’a qualifié de « lumière qui guide tous les hommes et femmes de bonne volonté pour parcourir le chemin de la coexistence et de la rencontre ». « C’est une feuille de route pour quiconque choisit avec courage d’être un artisan de paix dans notre monde déchiré par la guerre, la violence, la haine et le terrorisme. La fraternité humaine est l’antidote dont le monde a besoin pour se guérir du poison de ces blessures », a-t-il ajouté.

La fraternité, avec toutes les religions au même niveau, pour guérir le monde de ses blessures ? C’est très exactement la « fraternité » maçonnique, qui refuse tout « dogme » au nom de la liberté et de la tolérance. Et venant du pape, c’est une tragédie, car il est là pour dire au monde que c’est seulement par l’incarnation, la Passion et la mort de Jésus-Christ que le monde est racheté du poison du péché, et que les hommes peuvent avoir l’espérance d’être sauvés, et participer à la gloire de sa résurrection.

 

Fraternité, réciprocité : où ça ?

François a encore déclaré : « L’avenir de la coopération inter-religieuse est fondé sur le principe de la réciprocité, du respect de l’autre et de la vérité. » Mais comment parler de vérité quand le dialogue ne s’établit pas entre personnes, mais entre religions ? Comment partir d’un présupposé – toutes les religions sont pacifiques et ordonnées au bien – que les faits contredisent trop souvent, au lieu d’envisager une « coopération », certes, mais au niveau de la défense de la loi naturelle qui, elle, a bien besoin du concours des hommes de bonne volonté ?

Le pape a évidemment été interrogé sur la Maison de la Famille d’Abraham, lieu de culte égalitaire pour catholiques, musulmans et juifs construit dans la foulée du Document d’Abou Dhabi sur l’île de Saadiyat dans les Emirats, inaugurée début mars en présence du cardinal Miguel Ayuso Guixot qui l’avait qualifiée de « phare de la compréhension mutuelle » avec ses trois bâtiments cubiques, construits sur le même modèle mais aux décors individualisés, où chacun peut pratiquer sa foi.

François, qui avait envoyé un message pour l’inauguration, a répondu au journaliste :

« C’est un lieu de culte où chaque croyant lève les mains vers le ciel, et pratique la coexistence dans la diversité et le respect mutuel entre les croyants. C’est un message témoignant que la foi en Dieu ne doit nourrir que des sentiments de bonté, de dialogue, de respect et de paix, et jamais des sentiments de violence, de confrontation, de conflit ou de guerre.

« La Maison de la Famille d’Abraham est un lieu où l’on respecte la diversité, comme Dieu l’a voulu, sans transformer la différence en mépris ou en cause de conflit.

« C’est un lieu de coexistence, de tolérance et de foi. Chacun de nous peut vivre sa foi dans le respect de la foi de l’autre et de la liberté humaine. Seuls ceux qui ne sont pas sûrs de leur foi vivent dans la peur de rencontrer l’autre et se précipitent dans l’affrontement. Le vrai croyant vit sa foi sans se sentir menacé par les autres et sans avoir besoin de menacer les autres. La Maison Abrahamique a été conçue et construite pour être un modèle de coexistence dans la diversité. Un lieu où chaque croyant – dans le plein respect de sa foi, de ses traditions et de ses coutumes, trouve et vit les valeurs de paix, de tolérance et de fraternité. Je remercie sincèrement ici toutes les personnes qui ont travaillé avec dévouement et engagement pour faire de ce projet une réalité. Je suis sûr que ce lieu deviendra un modèle et un centre de dialogue religieux et de coexistence entre les religions. »

Cette « diversité que Dieu a voulue », le pape y tient décidément

Est-il encore permis, dans ces conditions, de prier pour la conversion des juifs et des musulmans ? Ou de rappeler que les pays où les chrétiens sont actuellement le plus persécutés sont les pays de loi islamique ?

 

Aux Emirats Arabes Unis, une diversité sous contrôle

Au fait, quand le pape a multiplié les compliments à l’égard des Emirats arabes unis, et de son prince, « Son Altesse Cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyan », n’aurait-il pas été opportun qu’il pose à son tour une question sur la liberté de conversion au christianisme ? La réponse est toute simple en effet : si les chrétiens travaillant dans les EAU jouissent de la liberté personnelle de pratiquer leur foi, tout apostolat leur est interdit, la loi interdit l’« apostasie » des musulmans, théoriquement punie de mort. Même si cette peine n’est pas appliquée aujourd’hui les conversions sont extrêmement rares et conduisent à la persécution des nouveaux chrétiens par leurs familles. Un Emirati musulman peut épouser une chrétienne mais l’inverse n’est pas vrai : le mariage entre une musulmane et un chrétien est interdit.

C’est une « tolérance » à géométrie variable.

 

Jeanne Smits