Mgr Tomáš Galis, évêque de Žilina en Slovaquie, estime que les catholiques qui s’obstinent à communier sur la langue et à genoux sont souvent coupables d’« orgueil », de « peur injustifiée », de « désunion » et de « désobéissance ». Il s’est longuement exprimé sur la manière de recevoir la Sainte Communion dans une lettre pastorale pour le premier dimanche de l’Avent 2023, où il revient sur le récent abandon de la pratique de la communion à genoux et sur les lèvres en Slovaquie. Elle était la règle jusqu’à la crise du covid qui a vu les évêques de ce pays accéder à la demande insistante du Premier ministre d’alors, Igor Matovič, de lever immédiatement l’interdiction de la communion dans la main qui avait toujours cours.
La chose n’est pas allée sans heurts, même si « l’immense majorité » des catholiques a suivi le mouvement sans discuter, note Mgr Galis : des prêtres et des laïcs ont résisté à l’ordre. C’est pourquoi il a voulu marquer l’entrée dans la nouvelle année liturgique par des explications et surtout des admonestations, et même des procès d’intention à l’égard de ceux qui se sont opposés à la communion dans la main.
La communion sur la langue, un signe orgueil selon Mgr Galis
L’introduction de la communion dans la main avec une motivation sanitaire relève d’un débat que nous laisserons ici de côté. La raison de sa mise en place ayant disparu, on aurait pu penser que les évêques slovaques aient choisi de revenir à la pratique traditionnelle qui a perduré jusqu’au printemps 2020, nonobstant les changements introduits dans la plupart des diocèses du monde au sujet de la réception de la communion. Mais tout s’est passé comme si la hiérarchie catholique slovaque avait été enchantée d’avoir été ainsi poussée au changement. C’est en tout cas ce qui ressort de la lettre pastorale de Mgr Galis qui ne tarit pas d’éloges sur la communion dans la main qu’il présente en quelque sorte comme supérieure à toute autre forme de réception de l’Eucharistie.
Aujourd’hui, ceux qui continuent de recevoir sur la langue et à genoux ont le droit de le faire en Slovaquie – encore heureux ! – mais avec des restrictions. Ainsi, les fidèles qui veulent s’agenouiller au moment de la communion, et pour lesquels aucun agenouilloir ni banc de communion ne doit être prévu, sont priés de s’avancer en dernier, afin de ne pas perturber le bel ordonnancement de la procession de « l’Eglise en marche ».
Nous vous proposons ci-dessous la traduction intégrale de la lettre de Mgr Tomáš Galis, où l’on notera l’insistance sur le devoir d’être dans de bonnes dispositions pour recevoir la communion, il évoque même la nécessité d’être en état de grâce par respect pour le Christ réellement présent dans l’hostie. Cette présentation traditionnelle ne l’empêche pas de multiplier les arguments en faveur de la réception dans la main, arguments maintes fois entendus et qui reposent notamment sur l’histoire de l’Eglise des premiers siècles. Ces raisonnements ne rappellent pas que la communion était alors reçue de manière fort différente de la distribution le plus souvent désinvolte qui a cours de nos jours.
La Slovaquie a longtemps résisté à la communion dans la main
L’évêque de Žilina refuse d’ailleurs de souligner que l’une des objections à la communion dans la main n’est pas qu’elle constituerait une « profanation » en soi, mais qu’elle facilite le manque de respect pour les saintes espèces et rend plus facile le fait d’en abuser, de les piétiner…
Ce que ces arguments ont d’incomplet et de trompeur a été fortement mis en lumière dans le récent Bref examen critique de la communion dans la main publié par les éditions Contretemps.
On sort en tout cas de la lecture de cette lettre pastorale avec l’idée que la communion sur la langue et à genoux a constitué une sorte de régression au sein de l’Eglise, à laquelle il a été heureusement mis fin par la grâce du covid… Comme si la hiérarchie avait dû attendre cet événement pour convaincre les prêtres et les fidèles d’accepter un changement qu’ils demeurent assez nombreux à contester pour qu’elle fournisse le sujet d’une lettre pastorale, plus de trois ans plus tard. Pleine de bons sentiments au sujet de la foi et de la révérence eucharistiques, certes – mais les bons sentiments ne font pas à eux seuls de la bonne doctrine.
D’autres évêques ont au demeurant pris des décisions inverses ces derniers temps, en rappelant que la communion dans la main n’est autorisée qu’en application d’un indult, la loi universelle de l’Eglise continuant de prescrire la communion sur la langue.
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Lettre pastorale de Mgr Galis pour le premier dimanche de l’Avent 2023 contre la communion sur la langue
Chers frères et sœurs, chers pères spirituels,
Nous entrons dans l’Avent, qui est un temps de préparation à la venue du Seigneur. Dans l’Evangile, nous avons entendu comment le Seigneur nous appelle à la vigilance, à la préparation. Il y a de nombreux domaines dans lesquels nous devons être attentifs, vigilants, afin de bien nous préparer à notre rencontre avec le Christ.
A la demande de plusieurs prêtres et fidèles laïcs, je souhaite vous écrire aujourd’hui au sujet de l’un d’entre eux, la manière de communier à la messe. Les nouvelles normes qui ont permis de recevoir l’Eucharistie dans les mains ont été acceptées par la majorité absolue d’entre vous avec calme et sans difficulté, ce dont je vous remercie sincèrement. Je l’apprécie et je suis heureux que ces normes aient aidé de nombreuses personnes à approfondir leur relation personnelle avec Dieu. Cependant, dans certains endroits, il y a eu aussi des problèmes. Tant ceux qui distribuent la communion que ceux qui la reçoivent se sont heurtés au refus de recevoir la communion dans les mains, non seulement par rapport à eux-mêmes, mais aussi par rapport aux autres. Certains prêtres et laïcs semblaient vouloir l’empêcher. Ils prétendent même qu’il s’agit d’une profanation. Après mûre réflexion, j’ai décidé de prendre position sur ces questions.
La possibilité de recevoir l’Eucharistie dans les mains n’est pas nouvelle dans l’Eglise. Elle existait déjà au début de l’ère chrétienne. Nous trouvons des témoignages de communion dans les mains chez saint Jean Chrysostome, saint Augustin, saint Bède le Vénérable et bien d’autres. Au cours du deuxième millénaire, ce mode de communion a été abandonné et la communion dans la bouche s’est imposée. Le retour à l’option de recevoir dans les mains est le résultat d’une longue réflexion et d’un effort pour conduire les gens à la connaissance la plus profonde possible du Seigneur, à la relation avec lui et à la révérence à son égard. Dire que la méthode est mauvaise ou même profanatrice est un grand manque de respect pour le passé ainsi que pour nos frères et sœurs du monde entier qui reçoivent de cette manière. Et disons-le franchement : il s’agit souvent d’une manifestation d’orgueil, d’un sentiment non dirigé de supériorité spirituelle par rapport aux autres. Après tout, une simple réflexion montre à tous que les mains ne sont pas moins dignes de l’Eucharistie que la bouche !
Le Fils de Dieu s’est donné à nous comme nourriture, et nous le mangeons et le buvons ! Il devient nourriture pour nous : avec toutes les conséquences que cela comporte ! Pensez à tout ce que le Seigneur a fait pour nous montrer son amour ! Pour quelle raison notre sens du toucher, en tant que sens parmi d’autres, devrait-il être exclu de l’immense expérience du don total de Dieu ?
Certes, une raison à comprendre dans ce contexte est notre révérence pour l’Eucharistie. Car si nous perdions cette révérence, si nous considérions la Sainte Communion comme un simple morceau de pain, ou comme un « souvenir », nous serions gravement coupables. En fin de compte, c’est une question d’explication, de juste compréhension et de la révérence appropriée exigée par les espèces eucharistiques. Nous devons les recevoir avec une préparation spirituelle, en état de grâce sanctifiante, et avec une expression de révérence. Cela vaut aussi bien pour la communion dans la bouche que pour la communion dans les mains.
Venons-en au rôle des ministres de la Sainte Communion – prêtres, diacres et distributeurs laïcs. Chers frères et sœurs à qui ce ministère a été confié : notre tâche est de proclamer sans relâche que nous ne recevons pas simplement du pain et du vin, mais le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus-Christ. C’est pourquoi nous sommes obligés de nous préparer correctement et de révérer le Seigneur même au moment de la communion.
Il est nécessaire que nous indiquions clairement à l’avance comment nous avons l’intention de recevoir. Si c’est dans la bouche, la bouche doit être suffisamment ouverte pour permettre à celui qui distribue l’Eucharistie de l’administrer. Si c’est dans les mains, alors les mains doivent être levées à hauteur de poitrine, l’une placée sur l’autre, formant une sorte de « trône » pour le Seigneur, un endroit digne où celui qui distribue peut déposer la Sainte Communion. Pas au dernier moment, mais à l’avance, d’une manière claire, dès que notre tour est venu, pour que le distributeur voie clairement que nous voulons recevoir dans nos mains. Et ensuite, avec l’autre main, juste devant celui qui distribue, mettre l’Eucharistie dans notre bouche. Nous ne sommes pas libres de partir avec le Christ dans les mains. On n’est pas libre non plus de tendre la main vers le Christ et de prendre son Saint Corps des mains du distributeur. Je nous rappelle également de faire preuve de la plus grande révérence dans la manière de recevoir, que nous recevions dans la bouche ou dans les mains, ce que l’Eglise a dûment autorisé. Ne laissons à personne le droit de douter que nous soyons conscients du don précieux que nous recevons !
Chers frères et sœurs, le deuxième point sur lequel nous devons nous exprimer est la communion à genoux. En effet, cela peut ressembler à une expression de révérence envers l’Eucharistie, mais cela peut aussi être une expression de peur injustifiée ou d’arbitraire, de désunion, voire de désobéissance et d’orgueil. En effet, chaque chose dans la liturgie a ses règles. Et celui qui veut faire preuve d’une véritable révérence respecte les règles, car elles sont destinées à tous de la même manière. Celui qui organise ses propres affaires pour montrer qu’il est plus pieux fait en réalité le contraire : il s’exalte lui-même et non le Seigneur.
L’assemblée liturgique des baptisés qui viennent célébrer l’Eucharistie est un témoignage de l’Eglise en marche. La procession vers la Sainte Communion est, dans cet esprit, l’activité de l’Eglise, Corps mystique du Christ, unissant de nombreux membres. Et le Corps du Christ dans l’Eucharistie est à la fois le signe et la source de leur unité mutuelle. Certains ont du mal à accepter l’accent mis sur la messe en tant qu’activité de l’Eglise plutôt qu’acte individuel de piété. Il est cependant important que nous nous efforcions tous d’atteindre cet objectif. Nous devons être capables de faire preuve d’unité et d’obéissance dans les moments cruciaux, et ne pas faire ce que chacun veut.
Les directives du Missel romain sont claires. Il appartient à la Conférence des évêques de déterminer comment les fidèles doivent recevoir l’Eucharistie. A genoux ou debout. Si la Conférence des évêques décide de recevoir l’Eucharistie debout, elle doit encore déterminer l’expression de la révérence que les fidèles manifestent avant de recevoir la Sainte Communion. En Slovaquie, nous avons un agenouillement supplémentaire commun. Tous les fidèles s’agenouillent avant la Sainte Communion à l’invitation : « Voici l’Agneau de Dieu ! » Dans d’autres pays, cela ne se fait pas, comme le savent beaucoup d’entre vous qui viennent de l’étranger. Mais lorsque nous avons cet agenouillement commun désigné par les évêques, il n’est pas déplacé de ne pas y ajouter arbitrairement un autre agenouillement, au moment de la Sainte Communion.
Les évêques slovaques ont clairement décidé de la manière dont la Sainte Communion doit être reçue debout. Si quelqu’un veut communier à genoux, il y a là aussi une règle claire du Missel. Ce croyant doit venir à la fin, après que les autres ont déjà reçu l’Eucharistie. Il ne doit pas déranger la congrégation des communiants, mais doit se placer à la fin. Cela évite des complications ou même des disputes lorsque les prêtres, insistant sur l’observance des rubriques du Missel, demandent aux fidèles de ne pas perturber le déroulement de la distribution, et de ne pas forcer la communion à genoux ou même de prévoir un agenouilloir, ce que les rubriques ne prescrivent en aucune façon.
C’est avec un amour pastoral que je vous écris ces mots. Mais l’amour n’existe pas sans règles. Et les règles, où la charge de la décision incombe aux évêques, n’ont pas pour but de restreindre la piété de qui que ce soit, mais au contraire de promouvoir la plus grande piété possible, sans arbitraire, au sein de toute la communauté. Je vous demande donc, chers frères et sœurs, de recevoir cette lettre pastorale également dans cet esprit. Je suis très préoccupé par le respect de l’Eucharistie. En même temps, je veux voir que dans les communautés les règles sont respectées, que l’individualisme n’est pas encouragé, mais qu’il y a un effort mutuel pour la meilleure révérence possible envers le Seigneur, pour une réception vraiment pieuse de lui. C’est ce qui nous aidera à bien préparer la venue du Seigneur, que nous attendons avec impatience. A cette fin, je vous souhaite, pour tout le temps de l’Avent, une abondance de bénédictions et de grâces de Dieu.
Je vous bénis de tout cœur.
Mgr. Tomáš Galis, évêque de Žilina
Žilina, le 30 novembre 2023