Mgr Gänswein évoque ses difficiles relations avec le pape François

 

A l’occasion de la publication du deuxième volume des « homélies cachées » prononcées par Benoît XVI pendant et après son pontificat et enregistrées à son insu, Mgr Gänswein, qui participait à la présentation de ce livre édité par la Libreria Editrice Vaticana, a accordé un entretien exclusif au journal italian Il Tempo dans lequel il détaille ses relations difficiles avec le pape François avant d’être chassé de son poste par ce dernier dès le décès du pape émérite. Aujourd’hui nonce apostolique dans les Pays baltes, il ne semble pas garder rancune et raconte comment le pape François l’a reçu au pied-levé un an après son « exil » à Fribourg, où il a pu dire son désarroi de n’avoir pas d’activité.

Il faut dire qu’un tel traitement est exceptionnellement rude, et que la rectification a tardé… D’où quelques remarques sur le pape François qui, pour être courtoises, n’en sont pas moins révélatrices.

 

Relations de Mgr Gänswein avec le pape François : pas vraiment une réconciliation…

« Le mot “réconciliation” est peut-être exagéré », glisse ainsi Georg Gänswein en réponse à la première question du journaliste d’Il Tempo, Francesco Capozza. « Comme vous le savez, aussitôt après les funérailles de Benoît XVI, le pape François a décidé que je devais immédiatement retourner dans mon diocèse d’origine, Fribourg. Cependant, ce qui est tout à fait inhabituel pour le secrétaire d’un pape défunt, aucune fonction ne m’a été attribuée. Même certaines personnes pas vraiment bienveillantes à mon égard m’ont confié que ce traitement avait été excessivement dur. Un an plus tard, le 31 décembre 2023, à l’occasion du premier anniversaire de la mort de Benoît XVI, je suis venu à Rome pour célébrer une messe à l’autel de la chaire de Saint-Pierre et une autre près de sa tombe, dans les grottes vaticanes. C’est l’une des Memores Domini [les religieuses laïques qui ont pris soin de Joseph Ratzinger pendant tout son pontificat et jusqu’à sa mort] qui m’a conseillé de demander une audience au pape, mais j’avais décidé de ne rester que deux jours et cela me semblait difficile à réaliser. J’y ai toutefois réfléchi une nuit et le lendemain, j’ai demandé à rencontrer François. »

C’est là que Gänswein a pu dire, en réponse à François qui lui demandait comment il allait : « Mal, Sainteté, après toutes ces années d’activité intense, ne rien faire me fait mal au cœur, à l’âme et à l’esprit. » Le pape lui dit alors de rédiger un petit rapport à transmettre à la Secrétairerie d’Etat. D’où ce poste de nonce proposé quelques mois plus tard.

 

Mgr Gänswein fait un discret parallèle entre François et Léon XIV

Reconnaissant que la Ville Eternelle lui manque, Mgr Gänswein a fait une sorte de portrait en creux du pape François en témoignant de son audience officielle chez son successeur, vendredi :

« Dès le premier instant, lorsque je l’ai vu apparaître à la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre pour son premier discours et sa première bénédiction Urbi et Orbi, j’ai eu une impression visuelle et acoustique différente de celle à laquelle nous étions habitués depuis douze ans. Ces deux impressions étaient bien sûr très positives. On a tout de suite remarqué que quelque chose avait vraiment changé. Le pape Léon dégage une sérénité et une paix, et au cours de ces sept premiers mois de pontificat, j’ai remarqué que la centralité du Christ était revenue en force dans les homélies et les paroles du pasteur universel de l’Eglise. »

C’est tout sauf un portrait féroce, mais cela donne à réfléchir…

Au sujet de Benoît XVI, Mgr Gänswein a souligné son esprit « prophétique » – dès 2004, le pape allemand mettait en garde contre la « haine de soi » que manifeste l’Europe, qui doit avoir « le respect de ce qui est sacré », comme le rappelait le journaliste. Le prélat ajoutait que dès 1958 Joseph Ratzinger avait pressenti « la lente et inexorable déchristianisation de l’Europe » dans un article intitulé « Les nouveaux païens ».

 

Mgr Gänswein souligne l’importance de la liturgie pour Benoît XVI

Mgr Gänswein a également souligné l’amour de Ratzinger pour la musique, en particulier pour Mozart, lui qui aimait le piano et en a joué « toute sa vie tant que ses forces le lui ont permis ». « Quant à la musique sacrée, le pape Benoît la considérait comme la forme et l’expression la plus appropriée, la plus noble et la plus solennelle pour exprimer et célébrer les mystères de la foi. Il accordait autant d’importance à la musique sacrée qu’il considérait comme fondamentale une certaine sacralité de la liturgie en signe d’amour et de respect envers Dieu », a rappelé Gänswein.

Celui-ci a tenu à ajouter : « Je vous révèle, peut-être pour la toute première fois, l’une des volontés impératives du pape Benoît XVI lorsqu’il a décidé qu’à l’avenir, nous, ses collaborateurs, le cardinal Müller et la Fondation Ratzinger, devrions travailler à l’Opera Omnia de ses écrits : le premier volume à paraître devait être celui consacré à la liturgie. Pas celui sur la théologie ou celui consacré à l’ecclésiologie, mais le volume sur la liturgie. Cela en dit long sur l’importance qu’il y accordait. »

A cette aune, le Motu proprio Summorum pontificum prend un relief tout particulier.

Aujourd’hui, Mgr Gänswein demeure dans un pays en première ligne face à la Russie. Interrogé à ce sujet, il a répondu :

« Je vis à Vilnius, en Lituanie, car parmi les trois nations qui composent le siège diplomatique du Saint-Siège, c’est la principale et surtout celle qui compte le plus grand pourcentage de catholiques, environ 80 % selon les statistiques. En Lettonie, ils représentent environ 25 % de la population, tandis qu’en Estonie, ils ne sont que 8.000, soit moins de 1 % de la population totale. Dans la politique actuelle des trois Etats, il y a une inquiétude palpable, certainement une sorte d’angoisse qui laisse planer une question fatidique : serons-nous les prochains ? Cependant, malgré les menaces et la fermeture fréquente de certains espaces aériens, les trois populations tentent de réagir avec force et détermination, en allant de l’avant sans penser au pire. »

 

Jeanne Smits