Pas d’amende de la Commission européenne contre Gazprom malgré ses abus de position dominante dans certains pays de l’UE

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Le commissaire européen à la Concurrence Margrethe Vestager a annoncé qu’un accord avait été passé entre la Commission européenne et la compagnie russe Gazprom. Cet accord va clore une enquête menée depuis 2011 par Bruxelles à propos des pratiques monopolistiques du géant russe du gaz dans huit pays du flanc oriental de l’UE : Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie et Bulgarie. En vertu des règles européennes, Gazprom encourait pour ses abus de position dominante une amende qui aurait pu atteindre 10 % de son chiffre d’affaires annuel. Car si les importations de gaz russe ne couvrent qu’un tiers environ de la consommation de l’ensemble de l’UE, dans les pays de l’ancienne Europe de l’Est, hormis pour la Roumanie qui produit son propre gaz, cette proportion est bien plus élevée et peut atteindre jusqu’à 100 % chez certains.
 
Cela a permis pendant longtemps à la compagnie publique russe d’imposer ses conditions avec des prix indexés sur les cours du pétrole mais toujours nettement plus élevés que ceux proposés aux clients de l’ouest du continent, et notamment à l’Allemagne. Un autre abus de position dominante a consisté pour Gazprom à imposer dans les contrats signés avec les pays concernés une interdiction de revente du gaz russe acheté. Dans certains pays (Pologne et Bulgarie), la compagnie russe a aussi utilisé sa position dominante pour imposer ses conditions en matière d’infrastructures de transport du gaz.
 

Gazprom s’en sort très bien, puisque la compagnie russe a de toute façon déjà changé de stratégie pour préserver sa domination sur le marché du gaz

 
L’accord passé entre la Commission européenne et Gazprom prévoit donc, en échange d’un renoncement aux sanctions financières, que la compagnie russe mettra fin à ces pratiques et alignera ses prix du gaz offerts aux pays où elle bénéficie d’une position dominante sur les prix en vigueur en France, en Allemagne et en Italie. Dans cet accord signé pour huit ans, Gazprom s’est aussi engagé à supprimer dans ses contrats la clause interdisant la revente du gaz par ses clients. En cas de non respect de ces engagements par la compagnie russe, elle encourra une amende.
 
Si la commissaire Verstager a estimé que l’accord passé avec Gazprom allait conduire à la suppression des obstacles mis par cette compagnie à une libre circulation du gaz au sein de l’UE, les huit pays concernés attendaient une position plus dure de la part de Bruxelles, et notamment l’application d’une amende qui aurait été la reconnaissance officielle des abus commis par Gazprom, une juste sanction pour l’argent gagné à leurs dépens, et la garantie qu’ils pourront bénéficier de pratiques plus loyales à l’avenir
 
L’accord passé par la Commission leur paraît d’autant plus un renoncement que, avec la diversification en cours des fournitures de gaz en Europe centrale et orientale comme dans le cadre de l’Initiative des trois mers, Gazprom a déjà modifié sa stratégie pour préserver sa domination dans la région par des pratiques commerciales agressives, notamment grâce au projet de doublement de la capacité du gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique. Les engagements pris par Gazprom concernent donc principalement des pratiques qui n’ont déjà plus cours, mais ne prévoient aucune compensation pour les pertes passées.
 

Les pays du flanc oriental de l’UE attendaient de la Commission européenne qu’elle défende aussi leurs intérêts et pas seulement ceux de l’Allemagne

 
C’est au printemps 2015 que la Commission européenne avait conclu à l’existence de pratiques monopolistiques et d’abus de position dominante dans certains pays de l’UE de la part de Gazprom. La compagnie gazière a eu la possibilité de répondre à ces accusations et de proposer des mesures pour mettre fin à ces pratiques. Ce sont donc ces propositions qui sont à la base de l’accord passé avec la Commission.
 
En renonçant à sanctionner financièrement Gazprom pour ses pratiques passées, la Commission semble agir principalement dans l’intérêt de l’Allemagne désireuse d’apaiser la relation avec la Russie dans le domaine énergétique. Cela ne manquera pas d’accentuer les dissensions entre la partie occidentale et la partie orientale de l’UE et contribuera sans doute à détériorer encore un peu plus l’image des institutions bruxelloises dans l’ex-Europe de l’Est.
 

Olivier Bault