Geneviève « de Fontenay » : la France travaille du chapeau

Geneviève Fontenay France Chapeau
 

Geneviève de Fontenay a été couverte de fleurs bien imméritées, de son vivant et à sa mort. Elle reste populaire même dans la France traditionnelle. Tenant sa notoriété au concours Miss France qu’elle avait accaparé et promu, elle est présentée comme une ambassadrice du bon goût et de l’élégance française, une sorte d’incarnation de l’ordre, la rigueur, la décence, la probité « d’avant ». Or tout est faux dans l’image de la dame au chapeau.

 

La patronne de Miss France votait à gauche

Sans doute n’a-t-elle pas dit que des bêtises. Sur la fin de sa vie elle ne soutenait pas l’adoption d’enfants par les homosexuels, la PMA pour les lesbiennes et la GPA, jugeant « contre nature », « déshonorante » et « salissante pour le titre de Miss France » qu’une trans puisse concourir à l’élection. Mais son « traditionalisme » s’arrêtait là. Elle se flattait d’avoir « toujours voté à gauche », pour Hollande, Arlette Laguiller et les autres, étant de ces personnages qui se plaignent des conséquences de causes qu’ils chérissent.

 

La jeunesse agitée de Geneviève « de Fontenay »

A la vérité tout était bon à Geneviève Mulmann, dite de Fontenay, pour faire parler d’elle et promouvoir sa carrière. Son chapeau, bien sûr, ses vêtements éternellement noirs et blanc, sa fausse dignité de pétroleuse devenue sur le tard respectable. Aînée des dix enfants d’un ingénieur de la sidérurgie lorraine, elle écourte sa scolarité pour monter à Paris à dix-sept ans : elle veut être esthéticienne, pose peu habillée pour des magazines olé-olé, rencontre un monsieur de 25 ans son aîné, Louis Poirot et s’installe avec lui. Il est divorcé, il ne se marieront pas mais auront deux garçons, Ludovic et Xavier.

 

Geneviève et Louis : triomphe de la volonté

Soupçonné avant la Seconde Guerre mondiale d’escroquerie et condamné après la guerre pour faux, Louis Poirot assure avoir fait de la résistance et pris à cette occasion le pseudonyme « de Fontenay ». Il l’adopte désormais pour lui, sa concubine et leurs enfants. Engagée en 1954 comme secrétaire au Comité Miss France par Guy Rinaldo, elle parvient en huit ans à en prendre les commandes avec son compagnon. Le détail de cette ascension montre une féroce envie d’arriver, l’usage intensif des procédures juridiques pour asseoir leurs intérêts, leur peu de soucis de l’équité quand il s’agit de ceux des autres.

 

Un chapeau, une image, une réussite, une médaille

Une fois en place, le couple va se démener sans compter pour faire du concours Miss France, machin artisanal, ringard, genre préaux, foires et radio-crochets, un truc super blingbling retransmis par la télé aux heures de grande écoute. Un soir de Noël 1986, l’animateur Guy Lux et l’abbé Pierre fourniront l’occasion de cette mue. Une fois son chapeau bien vissé sur sa tête, Geneviève de Fontenay ne déviera plus : oubliées, les photos de sa jeunesse, ses « filles » ne devront pas poser nues, Miss France a un standing à défendre. Suivront des décennies de succès, jusqu’à la vente à Endémol en 2002, et les querelles qui suivront, où Geneviève au chapeau, drapée dans sa dignité courroucée, figurera toujours l’artisanat martyrisé par l’argent, le bien, les « valeurs », au point qu’on lui décernera la médaille du Mérite et du Dévouement français.

 

La dame au chapeau promouvait une France « ouverte »

Tout cela n’est pas bien grave ni très important, mais ce qui surprend, c’est que toutes les informations sur Geneviève dite de Fontenay sont de notoriété publique (on pourrait en ajouter d’autres), et que les médias ont pris depuis des décennies le parti de n’en pas faire état, même quand ils l’égratignent un peu. La raison n’est pas très difficile à trouver : malgré sa réputation de mère la morale, la dame au chapeau était tout à fait dans le ton de la société ouverte. Ce n’est pas pour rien qu’elle votait à gauche. Elle n’avait qu’un ennemi, la réaction du « FN ». Elle promouvait les Miss « issues de la diversité », elle rêvait en 2009 sous Sarkozy d’une « Miss France maghrébine », et déplorait à la même époque la « dérive xénophobe » du ministre Eric Besson. La révolution mondialiste saucissonne ses domaines d’action : pour promouvoir la diversité, il n’est pas mauvais de paraître un peu tradi. Un chapeau et un parler grincheux à l’emporte-pièce y suffit. Et la France qui reste, la France reliquat, vaguement nostalgique de la France « d’avant » donne dans le panneau.

 

Pauline Mille