Xi Jinping veut une « gouvernance globale » guidée par la Chine et la Russie

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Xi Jinping, chef du Parti communiste chinois et accessoirement président de la Chine, verrait bien Pékin collaborer davantage avec Moscou pour transformer le monde : ils devraient « prendre la tête de la réforme de la gouvernance mondiale ». Xi s’est exprimé en ces termes lundi alors qu’il recevait à Pékin la présidente du Sénat russe, Valentina Matvienko, pour des « négociations de haut niveau » portant sur le renforcement des liens entre les deux pays. De nombreux hauts fonctionnaires russes et chinois participaient à la rencontre.

Ce développement de liens bilatéraux, a ajouté le chef de l’Etat communiste chinois, est aujourd’hui « un choix stratégique fait par les deux pays sur la base de leurs propres intérêts fondamentaux nationaux et populaires ».

Retenons d’abord l’essentiel : il existe déjà aux yeux de Xi une « gouvernance mondiale », sans quoi il ne serait pas possible de la « réformer » ; et les changements à y apporter doivent être dictés par un pays ouvertement communiste, la Chine, et par un pays dont les dirigeants, Poutine en tête, se montrent de plus en plus volontiers attachés à l’héritage soviétique, adoptant notamment la rhétorique communiste de l’avant-Perestroïka pour dénoncer l’Occident et sa politique « colonialiste ».

 

Xi Jinping veut voir la Chine et la Russie à la tête d’un monde mondialisé

Deuxièmement, il s’agit tout de même de promouvoir les « intérêts nationaux » de la Chine et de la Russie, ce qui semble contredire l’idée d’une « gouvernance mondiale », mais il ne faut pas s’y tromper : il s’agit non de l’éliminer, mais de la dominer et d’imprimer cette marque au reste du monde. La multipolarité a ses limites !

Bien sûr, tout cela est résolument teinté en rose par le rouge Xi Jinping : « La Chine est prête à continuer à travailler avec la Russie pour développer une nouvelle ère de partenariat stratégique global de coopération qui soit mutuellement favorable, profondément intégré, pionnier et innovant, et mutuellement bénéfique pour aider à rajeunir les deux pays et promouvoir un monde prospère, stable, juste et équitable », a-t-il déclaré.

Aux liens bilatéraux s’ajouterait donc le renforcement des liens avec d’autres pays ; au sein de groupes multinationaux tels que l’Organisation de coopération de Shanghaï (OSC) et les BRICS, que le Forum économique mondial qualifiait il y a cinq ans déjà de nouveaux moteurs de la mondialisation. On ne va pas de surprise en surprise, mais d’étape en étape.

Valentina Matvienko était quant à elle chargée selon Russia Today de transmettre à Xi un « message oral » du président russe Vladimir Poutine (qu’il ne semble pas avoir démenti depuis lors). Elle a déclaré que les liens entre la Russie et la Chine avaient atteint ces dernières années le niveau le plus élevé jamais enregistré et qu’ils continueraient à s’améliorer encore, selon le média contrôlé par le Kremlin. « C’est là le rôle clef des dirigeants des deux Etats. Une telle coopération est dans l’intérêt de nos pays », a-t-elle déclaré.

Le « rôle clef » ? Celui dont tout le reste dépend ? Comme si Poutine et Xi étaient là pour ça, essentiellement pour ça ?

 

La « gouvernance globale » selon Xi Jinping, Davos et l’ONU

A l’issue de la réunion, Mme Matvienko s’est adressée à la presse pour se réjouir de ce que la Russie puisse toujours « compter sur une épaule amicale ferme et fiable en Chine », « Etat sérieux et très responsable ».

Au-delà de l’hyperbole diplomatique, on comprend bien qu’il y a une entente plus que cordiale entre les deux pays, fondée sur une vision commune du monde et un objectif qui n’est guère favorable à l’Occident. Mais qui n’est pas contradictoire avec celui d’un mondialisme façon Forum économique mondial, comme le soulignait l’avis de ce dernier en 2018. D’ailleurs Davos tient sa réunion d’été en Chine, ainsi tout est clair.

Lundi, alors qu’il tenait donc réunion avec les Russes, Xi Jinping s’est également tourné vers les pays « en développement ». Il a envoyé une lettre de félicitations à la première conférence de haut niveau du Forum sur l’Action globale pour le Développement partagé, dont l’objectif correspond bien à la marche vers le socialisme et l’égalitarisme mondiaux : réduire l’écart entre les pays non développés et les développés (ces derniers, on le sait bien, sont volontiers invités à faire quelques pas en arrière au nom de la « justice climatique » ou de « réparation » pour les dommages coloniaux).

 

Une « gouvernance globale » contre l’Occident

Ce Forum a été convoqué par Xi et s’aligne sur les Objectifs du Développement durable (ODD) de l’ONU et rassemble le « sud global » pour la « coopération sud-sud ». Ban Ki-moon était l’un des invités d’honneur, 130 pays étaient représentés ainsi que 20 agences de l’ONU, et des organisations internationales. Pas si simples à identifier au demeurant…

Là aussi, on a entendu vilipender « certains pays occidentaux » qui se contentent volontiers de voir « l’écart des revenus se creuser » à travers le monde et mettent leurs intérêts au-dessus de ceux des autres. Xi assure pour sa part que la Chine est d’abord au service du « développement humain ».

L’ancienne présidente brésilienne, aujourd’hui présidente de la New Development Bank, a également envoyé un vidéo-message, dont on appréciera la grande conformité avec le discours ambiant. Elle a déclaré, selon des propos rapportés en style indirect par le Global Times, « que s’il n’y a pas de tolérance pour le développement durable, il n’y aura pas de stabilité, et l’absence de stabilité signifie l’absence de paix ou de sécurité. Elle a souligné que la prospérité doit être partagée par tous les pays, au lieu d’être limitée à quelques pays seulement, ce qui signifie que le développement économique doit être construit sur la base de l’égalité sociale et d’un environnement sain. »

Avec des propos comme ceux-là, on n’a pas besoin de creuser longtemps pour comprendre où l’on veut nous mener.

 

Jeanne Smits