Qu’y a-t-il derrière l’escalade verbale de menace de guerre entre Trump et Kim Jong-un ?

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Le mauvais temps du mois d’août et les migrants cachent une menace de guerre nucléaire en Asie, si énorme qu’elle semble improbable, étant donné la personnalité de ceux qui l’agitent, le Nord Coréen Kim Jong-un et Donald Trump. Mais pourquoi une telle escalade verbale ?
 
On a beaucoup ri à la scène du Dictateur, de Charlie Chaplin, où les personnages inspirés d’Hitler et Mussolini installés dans un salon de coiffure, chacun pour affirmer sa supériorité, s’élèvent alternativement d’un cran sur leur fauteuil : l’escalade verbale entre Trump et Kim Jong-un y ressemble. Sauf qu’il n’y est pas question de mousse à raser mais de missiles balistiques et de guerre nucléaire. La menace est concrète et fait trembler le monde : les médias occidentaux peignent depuis des années le dictateur asiatique en fou, et maintenant Trump en dingue tenté par la dictature. Ainsi depuis que Trump a promis le « feu et la colère » des Etats-Unis si Kim Jong-un persiste dans sa politique d’armement nucléaire, la toile s’agite autour d’une idée directrice : un fou, ça va, deux fous, la menace devient sérieuse.
 

Escalade médiatique : Trump pire que Kim Jong-un ?

 
Telle est aussi la position d’un éditorialiste vedette du Daily Telegraph, le grand quotidien britannique, Ambrose Evans-Pritchard, qui juge Trump « irréfléchi » et termine son papier sur le souhait ironique : « Plût au ciel que nous eussions un Nixon à sa place ». Or Nixon était décrit par la presse internationale comme imprévisible et agressif. Ambrose Evans-Pritchard n’est pas n’importe qui : fils d’un professeur connu de Cambridge, il fut longtemps correspondant du Telegraph aux Etats-Unis et a la réputation d’être une sommité journaliste en matière économique et financière.
Quand le président américain promet le feu et la colère si la Corée du nord continue à « proférer des menaces contre les Etats-Unis », et que Pyongyang menace de son côté de lancer des missiles sur la base US asiatique que Guam, Evans-Pritchard estime que cela fait « trembler l’ordre mondial », parce que la situation financière, et singulièrement boursière, de la planète, est extrêmement fragile et qu’elle se trouve à la merci de la moindre « erreur de jugement ». Or, selon lui, tous les analystes ont « une confiance zéro dans le jugement et le caractère de M. Trump ».
 

Une menace verbale pour limiter l’escalade militaire coréenne ?

 
Pourtant, rien n’indique, si l’on regarde les choses de plus près, que Trump et King Jong-un soient si fous que ça. Sans doute le style de Trump détonne-t-il dans les ambassades, mais justement, depuis des années, l’action diplomatique feutrée donne, en Corée du Nord, un résultat nul. Les menaces que Kim Jong-un adresse aux Etats-Unis, elles aussi très peu diplomatiques, en sont une preuve. Et pour Rex Tillerson, le secrétaire d’Etat américain, le dictateur nord coréen, qui « ne comprend pas le langage diplomatique » pourrait comprendre le « message fort » de Trump.
 
Autre point important, Tillerson ne croit pas à une « menace imminente ». Bien que l’armée du peuple nord-coréen soit à en croire son dernier communiqué, « en train d’examiner un plan opérationnel » de bombardement des bases de Guam « par des missiles balistiques Hwasong-12 », les militaires américains ne prennent pas la chose au sérieux. Pour le responsable de la sécurité de Guam, George Charfauros, la probabilité qu’un missile nord-coréen passe à travers le système de défense anti-missiles en haute altitude serait de « 0,00001 % ». C’est-à-dire pratiquement négligeable ». Il invite donc les Américains à « dormir tranquilles ».
 

Kim Jong-un : un fou ou un pion de la Chine rouge ?

 
C’est d’ailleurs l’opinion d’Ambrose Evans-Pritchard pour qui la menace que font peser les missiles nord coréens est faible. Et il juge que Trump « sur-réagit ». Mais est-ce bien sûr ? Il faut constater que depuis vingt ans, la Corée du Nord avance ses pions nucléaires. Avec de vrais essais, de vrais missiles, pas comme en Irak ou en Iran. Sans doute, pour qu’il y ait menace imminente, faudrait-il encore que Kim Jong-un parvienne à miniaturiser ses têtes nucléaires et à les charger sur les missiles, ce qui ne se fait pas en trois mois. Mais il y a une réelle esquisse de menace, un vrai processus. Or, à la différence de ce qui s’est passé en Irak ou en Iran, on n’a vu aucune réponse américaine et occidentale.
 
Pourquoi ? Parce que Kim Jong-un n’est pas seul, il n’est pas fou : il est le pion avancé de la Chine. Depuis la guerre de Corée, la Corée du Nord a toujours été le pseudopode de la Chine rouge. Et la stratégie des grandes puissances communistes, l’URSS hier, la Chine aujourd’hui, a été d’éviter la confrontation directe avec les Etats-Unis et de les embarquer dans des guerres pourries où ils s’usent, comme au Viêt-Nam.
 

La Chine et la Corée du Nord inséparables jusque dans la guerre ?

 
Kim Jong-un agit donc sous le bouclier chinois. Et avec le soutien économique et financier de Pékin. En échange de minerais divers, de produits de pêche et de matériaux bruts, la Chine fournit à la Corée du Nord l’essentiel de son énergie, de ses biens de consommation et de ses devises. En outre, elle permet l’établissement en Chine de filiales chinoises d’entreprises nord-coréennes qui servent de façade et permettent à Pyongyang d’engranger tant des réserves financières que les technologies qui lui sont nécessaires pour poursuivre son programme d’armement nucléaire.
 
L’accord préférentiel entre la Chine et la Corée du Nord s’étend en effet au domaine militaire, comme l’avouait en 1999 le général Xiong Guangkai, l’un des pontes du renseignement chinois, en célébrant « la relation traditionnelle tissée dans le sang » entre les deux pays. C’est cela qui donne la faculté à un pays sous-développé comme la Corée du Nord de faire peser une réelle menace nucléaire.
 

Le nucléaire de Kim Jong-un uniquement défensif ?

 
Mais l’aide chinoise n’est pas la seule, et cela éclaire à la fois la figure de Kim Jong-un et la nature de son conflit avec Trump. En effet, en dépit des sanctions que le gouvernement US a décidées contre la Corée du Nord, l’ONU continue à soutenir en sous-main celle–ci. C’est ici que l’article d’Ambrose Evans-Pritchard prend tout son sens. Il montre qu’une part importante de l’intelligentzia occidentale, même chez des individus classés à droite, soutient la position de Kim Jong-un.
 
Tout d’abord en donnant une lecture surprenante de la guerre de Corée, favorable sans nuance aux thèses chinoises et nord-coréennes, sans beaucoup de respect pour la vérité historique. Ensuite en donnant pour une évidence que la fermeté de Trump est excessive et qu’elle fait le jeu par contrecoup du chauvinisme de Kim Jong-un. Puis en utilisant l’autorité du professeur Kelly, de l’université de Pusan en Corée du Nord pour faire passer la thèse suivante : l’arsenal de Kim Jong-un serait « essentiellement défensif », ce n’est qu’une arme de dissuasion pour « éviter le sort de Saddam ou Kadhafi ».
 

Exploiter le risque de guerre pour faire de Trump une menace

 
Ce dernier point est évidemment faux : c’est précisément parce que jamais la Corée du Nord n’a été menacée par les Etats-Unis qu’elle a pu construire une force nucléaire dont n’ont pu s’approcher ni l’Irak ni l’Iran. Mais l’intention d’Evans-Pritchard et des intellectuels dont il exploite l’autorité est de présenter à n’importe quel prix Trump comme une menace et de faire peur au public occidental. Témoin cette phrase qui précède tout juste sa conclusion : « Trump ( …) va aboutir à la fin du « leadership » américain et déclencher une course pan asiatique aux armements. Le conflit latent entre les superpuissances que sont les Etats-Unis et la Chine va devenir effectif ».
 
Voilà donc Trump décrit en agresseur et fauteur de guerre contre un Kim Jong-un qui ne songe qu’à se défendre légitimement. Dans cette optique, seule la concertation mondialiste peut éloigner la menace. Telle est vraisemblablement l’utilité de l’escalade verbale lancée par Kim Jong-un : et la réponse de Trump, qui tente de limiter le progrès de l’arme nucléaire en Corée, entre elle-même, volens nolens, dans cette dialectique mondialiste.
 

Pauline Mille