La crise argentine, signe avant-coureur d’une crise des pays émergents liée à la hausse des taux américains

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Malgré une politique économique vantée par les institutions internationales, l’Argentine qui attirait un flux important d’investissements étrangers depuis l’arrivée du président Macri au pouvoir en 2015 se voit soudain contrainte de demander un prêt au FMI en dépit du coût politique que cela représente en Amérique latine. Avec une inflation d’environ 25 % et des taux d’intérêts portés à 40 % – ce qui n’empêche pas la chute du peso face au dollar –, les Argentins craignent d’avoir à revivre la grave crise financière de 2001. Pour Macri, c’est loin d’être le cas, mais le problème est que la crise argentine pourrait bien n’être qu’un des signes avant-coureurs d’une crise généralisée des pays émergents. L’Argentine paye en effet aujourd’hui le prix de sa dépendance aux capitaux étrangers libellés en dollars pour financer sa dette et le déficit de ses comptes courants. Avec le resserrement en cours de la politique monétaire de la Fed et la hausse des taux américains, l’assèchement des liquidités en dollars entraîne en effet une hausse rapide du coût de la dette pour une partie importante de l’économie mondiale.
 

Une situation plus dangereuse que lors de la crise des pays émergents en 2013

 
C’est en tout cas l’explication donnée par l’Association des grandes banques et institutions financières mondiales (IIF) à la crise argentine actuelle. Pour l’IIF, la hausse de la valeur du dollar et des taux de la Fed engendre une situation plus dangereuse que lors de la crise de 2013, du fait du montant record de l’endettement en dollars dans le monde. Selon l’agence de notation Moody’s citée par le Telegraph, la fuite des capitaux au cours du mois écoulé en Asie a déjà atteint la moitié des volumes observés pendant la crise de 2013. En ce qui concerne l’Afrique, l’agence a déjà abaissé la note de 20 pays d’Afrique subsaharienne contre uniquement deux notes à la hausse.
 
Pour Mauro Leos, le responsable de l’Amérique latine chez Moody’s, si l’Argentine s’est trouvée en première ligne, c’est à cause d’un déficit de la balance des comptes courants à 5 % du PIB et de trop faibles réserves de devises, ce qui rend ce pays très sensible à toute perte passagère de confiance. Une telle perte de confiance est survenue quand le président Macri a voulu obliger la banque centrale à baisser ses taux. Du coup, le peso a perdu 22 % de sa valeur face au dollar en mai et la banque centrale a dû relever ses taux à 40 %, et elle est en train de dilapider rapidement ses réserves pour défendre la monnaie. La crise de confiance semble persister même après la décision du président Macri de demander au FMI une ligne de crédit de 30 milliards de dollars, ce qui s’accompagnera forcément de mesures d’austérité.
 

L’Argentine n’est pas le seul pays très exposé au risque de hausse des taux américains !

 
Selon un expert de l’agence de conseil Capital Economics également cité par le Telegraph, la Turquie pourrait bien suivre l’Argentine dans la crise, notamment à cause des pressions de son président Recep Erdogan sur la banque centrale pour obliger cette dernière à abaisser ses taux. La lire turque a déjà perdu 18 % de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année et les contrats de couverture des défaillances (CDS) pour la dette turque ont vu leurs taux s’envoler ces derniers temps.
 
D’autres pays comme le Brésil, l’Afrique du Sud et bien d’autres encore pourraient avoir comme l’Argentine à relever leurs taux en réaction à la politique monétaire de la Fed. Cette nouvelle crise illustre une fois de plus à quel point le recours aux capitaux étrangers pour financer un endettement massif affaiblit la souveraineté des nations. Ceci vaut bien entendu aussi pour les pays européens les plus endettés, comme la France, qui sont très exposés au risque d’un relèvement à terme des taux de la BCE si celle-ci se voit contrainte de suivre le mouvement engagé par la Réserve fédérale américaine dont on rappelle qu’elle est indépendante du pouvoir politique et que ses décisions sont prises en pleine conscience de ce qu’elles impliquent sur le plan global.
 

Olivier Bault