217.000 milliards de dollars de dettes : la Fed peut faire exploser la bombe financière quand elle veut

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Où va le monde, en pleine bulle financière avec 217.000 milliards de dollars de dettes au niveau global ? La Réserve fédérale a la haute main sur cette bombe financière ; et donc, aussi, sur le destin des Etats-Unis, où l’économie marche pourtant plutôt bien sous Donald Trump.
 
Les bulles financières avancent masquées. Ou dissimulées derrière des œuvres d’art, comme en témoignent les enchères de la semaine dernière chez Christie’s à New York : 46 millions de dollars pour une spirale de Cy Twombly, expressionniste abstrait, peinte voici douze ans avec une brosse fixée à un bâton. Ou des sables relaxants Saffron, de Mark Rothko, pour 32 millions. Un Monet a explosé à 1,5 milliard de dollars. On peut aimer l’art. On risque de moins apprécier ce que ce traduit genre de records. « C’est le signe criant de la fin d’un cycle d’accumulation de liquidités, évoquant la fièvre qui a entouré les impressionnistes au Japon à la fin des années 1980, juste avant que le Nikkei ne s’effondre et que le sol ne se dérobe sous les pieds des marchands d’art », prévient l’analyste Ambrose Evans-Pritchard du Daily Telegraph. C’est en cela que la bulle financière qui constitue une arme – politique – pour la banque centrale américaine – cette Fed qui se sait la bête noire de Donald Trump – alors que la croissance accélère.
 

Le Bitcoin à 7.800 dollars ou cinq fois le prix de l’once d’or : une bulle de 180 milliards de dollars

 
D’autres éléments confirment ce diagnostic, comme la bulle du Bitcoin. Cette « monnaie » virtuelle a vu sa valeur s’envoler de 1.200 % en quelques années, atteignant 7.800 dollars US, cinq fois le prix de l’once d’or. « Vous ne pouvez pas acheter et vendre de façon sensée des objets avec une cryptomonnaie dont le volume atteint 180 milliards », dénonce l’analyste. Pour Jamie Dimon, de JP Morgan, le Bitcoin « est pire que les bulbes de tulipes », cette vieille histoire néerlandaise qui illustre la dérive spéculative : elle finira mal, par exemple quand le marché à terme du Chicago Mercantile Exchange, spécialisé dans les produits dérivés, lancera ses nouveaux contrats dans deux semaines, ou quand le cycle économique général se repliera.
 

Les banques centrales dépensent 2.000 milliards de dollars par an pour éponger les dettes

 
L’envolée de la valeur des actifs peut se poursuivre tant que les banques centrales maintiendront des taux d’intérêts inférieurs à 1,5 %, dépensant 2.000 milliards de dollars par an pour éponger les dettes et survalorisant d’autres actifs. Mais le sommet de ce « stimulus » financier est atteint. La Réserve fédérale américaine a commencé à réduire son assouplissement quantitatif en octobre et le rythme s’accélérera jusqu’à une baisse de 50 milliards par mois sur les cinq prochains trimestres. Déjà les fonds en obligations à hauts risques, bien rémunérées, ont connu la semaine dernière les plus forts désengagements depuis 2014. En Asie, 800 millions de dollars en obligations sur les secteurs de l’acier du solaire et de l’huile de palme ont été vendus.
 

Un retour de l’inflation aux Etats-Unis permettrait à la Fed de plomber le mandat Trump en amorçant la bombe financière

 
Mais il ne s’agit là que de détails par rapport à la principale menace que constitue le retour de l’inflation aux Etats-Unis. La bulle actuelle s’est construite sur l’idée que la Fed va continuer à inonder de liquidités le système global dollarisé. Or c’est précisément ce qui est remis en question actuellement comme le montre la courbe de Phillips qui est en train de se réveiller alors que le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint un plus bas de 4,1 %. L’inflation sous-jacente relevée par la Réserve fédérale de New York a bondi à un plus haut depuis 2008 de 2,96 % et fait froncer les sourcils des banquiers centraux. Goldman Sachs a haussé sa prévision de la croissance américaine à 2,5 % en 2018 (contre 2,4 %) et révisé le taux de chômage à la baisse à 3,7 %, voire 3,5 % en 2019, le plus bas depuis les années 1960. Il suffit que cette tendance se confirme pour que la Fed se sente autorisée à hausser ses taux, affolant les marchés obligataires et plombant le mandat de son ennemi Donald Trump.
 

Un cumul de dettes américaines à 25.000 milliards de dollars : une bombe planétaire

 
Des hausses répétées de taux par la Fed pourraient faire bondir le dollar, dévaluant une montagne de dettes étrangères en dollars estimée à quelque 10.700 milliards de dollars… Sans compter les 14.000 milliards de dette cachée dans des produits dérivés et des contrats swap, portant l’ensemble à quelque 25.000 milliards. Une bombe planétaire.
 
Le relèvement des taux d’intérêts américains entraînerait une hausse partout dans le monde. La Banque d’Angleterre a eu beau assurer en juillet que les banques sont beaucoup plus sûres qu’en 2008, quand 300 milliards de dollars de pertes sur les contrats subprime entraînèrent une perte bancaire sèche de 2.500 milliards. Mais « le risque a migré vers une finance non-bancaire, fonds d’investissements, fonds de pension et assurances, créant un nouveau cercle vicieux aussi dangereux », estime Ambrose Evans-Pritchard. Les fonds à durée illimitée investissent souvent dans des actifs peu liquides alors que leurs souscripteurs retirent leur argent à la première alerte, entraînant un défaut de liquidités. Les premiers qui retirent le font sans hâte – le « paradoxe de la prudence » -, mais créent une dynamique qui s’autoalimente, comme on l’a vu dans le secteur de l’immobilier d’entreprise britannique après le référendum sur le Brexit en 2016.
 

La dette globale sur le PIB mondial est de 327 %, à 217.000 milliards de dollars

 
Concluons en soulignant l’énormité des sommes en jeu. Les fonds à durée illimitée de la zone euro ont vu leurs montants passer de 4 milliards en 2009 à 11 milliards d’euros. La croissance mondiale que l’on vient de connaître aura été la plus longue depuis le milieu du XIXe siècle, même ralentie par la crise de la zone euro en 2011-2012 et la contraction fiscale chinoise de 2015-2016. Mais elle a été poussée par la création monétaire : le taux global d’endettement sur le PIB a atteint 327 %, à 217.000 milliards, 51 points de plus depuis 2008. Le retour à l’étalon-or, amorcé par certains Etats américains, s’explique.
 

Matthieu Lenoir