L’Homme irrationnel possède un titre court et ambitieux, qui entend donner une définition philosophique de l’homme. Selon un retournement courant, et paradoxalement en effet fort soutenable, de la définition bien connue de l’homme en tant qu’être rationnel, ce serait plutôt son irrationalité, son comportement imprévisible, absurde, dangereux, voire autodestructeur, qui caractériserait l’homme. Ici, un professeur de philosophie-vedette médiatique, mais dépressif et alcoolique peu discret, présente dans son nouvel établissement universitaire de la côte est des Etats-Unis les « grands » philosophes canoniques et leurs pensées, tout en marquant une distance sceptique face à leurs propositions. Le public peut réviser son programme de Terminale – du moins si le bac était encore un enjeu – illustré de façon appropriée et humoristique, ce qui n’est pas désagréable du tout. Certaines réflexions sont très justes : ainsi le fameux désespoir de Kierkegaard n’est pas si absolu, car il reste chrétien. Et les impératifs catégoriques de Kant sont vidés de toute portée dans le monde réel, exemples à l’appui.
L’Homme irrationnel, un film réussi qui n’atteint pas cependant le sommet de Match Point
La bande-annonce pouvait faire croire à une énième comédie de Woody Allen, centrée sur les amours de ce professeur. Heureusement le film bascule sur un thème plus intéressant, avec un hommage explicite à Crime et Châtiment de Dostoïevski. Ses engagements humanitaires passés n’ayant pas servi de façon évidente ses semblables, le philosophe se décide à faire le Bien en tuant un homme mauvais, qui se trouve être dans le contexte américain un juge inique. Et ce de façon rapide, non douloureuse, et sans se faire prendre, ce qui n’est pas évident. La morale restera cependant sauve…
Le film est porté par de grands acteurs, qui croient en leurs personnages, dont le duo central Joaquin Phoenix – Emma Stone. Tout un milieu universitaire spécifique est bien décrit. Le film est donc réussi, même si de la part d’un réalisateur capable d’encore mieux, on attendait peut-être davantage, car L’Homme irrationnel ne retrouve pas le sommet atteint par Match Point (2005).