La sortie des politiques d’assouplissement quantitatif – cette gigantesque création monétaire destinée à masquer l’effondrement financier de 2008 – promet d’être ravageuse. Hong Kong vient d’être contrainte d’intervenir pour défendre sa monnaie, le dollar de Hong Kong maintenu après l’annexion de la colonie britannique par le Chine communiste, et pour endiguer la fuite de ses capitaux. La « région administrative spéciale » devient la première victime de la hausse du dollar américain sur le marché des taux interbancaires pratiqués à Londres, le Libor, référence du marché des devises, suite au resserrement monétaire américain que la Fed devrait accentuer dans les mois à venir. Hong Kong se prépare à vendre des obligations d’Etat pour évacuer des liquidités, augmentant la peur d’un resserrement du crédit et d’une correction des marchés « qui pourrait engendrer un effet dominos », avertit Ambrose Evans-Pritchard, analyste écouté du Daily Telegraph. Une véritable bombe financière et immobilière à l’échelle mondiale.
Hong Kong, bombe financière allumée suite au resserrement monétaire de la Fed par la hausse des taux
Pour Francis Chan, analyste chez Bloomberg, « le dollar de Hong Kong est à son niveau le plus bas depuis 33 ans, ce qui présente un risque élevé de fuite des capitaux ». La métropole asiatique est une bombe financière allumée par le resserrement monétaire qui se profile, car elle est surendettée et très liée aux décisions de la Fed américaine. Une hausse rapide des coûts d’emprunt pourrait assécher le boom immobilier spectaculaire de Hong Kong et révéler la fragilité de ses engagements auprès des compagnies chinoises surendettées. Le ratio cours-bénéfices du marché hongkongais immobilier affiche un record historique de 19. Le précédent plus-haut, à la veille de la crise asiatique de 1998, était de 14. La crise de 1998 avait vu un effondrement de 60 % des prix de l’immobilier à Hong Kong. L’acmé de la bulle hongkongaise actuelle pourrait être le mystérieux achat en décembre de deux appartements sur le Mont Nicholson, très prisé des milliardaires de Shanghaï, pour 200 millions de dollars US.
La Banque des règlements internationaux estime que le système financier de Hong Kong est le plus tendu au monde. Le différentiel entre le taux d’endettement actuel rapporté au PIB et sa moyenne de long terme, le « credit gap », est de 45 points. Cet indicateur avancé diagnostique les surchauffes et prochaines crises bancaires. La BRI estime que tout différentiel persistant supérieur à 10 points est un signal d’alarme. La banque japonaise Nomura estime que le risque financier à Hong Kong est signalé par 54 indicateurs, soit plus qu’en 1998. « L’économie est très vulnérable à une fuite de capitaux ou à une baisse de la valeur des actifs », a-t-elle prévenu.
Le différentiel de taux entre dollar de Hong Kong et dollar US est insoutenable
L’élément qui a sonné l’alarme est la toute récente augmentation des taux à trois mois du Libor sur le dollar US. Ils ont atteint un plus haut de dix ans à 2,29 %, en hausse de 50 points de base par rapport à février. De quoi rendre intenable, pour l’Autorité monétaire de Hong Kong (HKMA), le taux local (Hibor) à 1 %. La HKMA ne parvient plus à alimenter le système de crédit avec de l’argent bradé. De plus, les spéculateurs profitent du différentiel de taux pour réaliser des arbitrages à la marge, menaçant le dollar Hong Kong.
Francis Chan met donc les investisseurs en garde contre un atterrissage brutal, quand les taux hongkongais devront rejoindre les taux américains. « Seules les entreprises dotées d’une très bonne note de crédit pourront alors continuer de bénéficier de taux réduits », explique-t-il. Pour Norman Chan Tak-lam, directeur général de la HKMA, « On va mettre un terme à l’ère des taux d’intérêts très bas à Hong Kong, et pour longtemps ». Si Hong Kong est financièrement bien dotée avec des réserves de change estimées à 441 milliards de dollars US – elle a résisté à une attaque de George Soros en 1998 –, elle n’en est pas moins une victime désignée de la « Trinité impossible », explique Ambrose Evans-Pritchard : « Vous ne pouvez pas à la fois contrôler la monnaie, la politique monétaire et conserver une liberté totale pour les mouvements de capitaux. En cas de choc, l’un de ces éléments doit céder. »
90 % des emprunts pour le logement corrélés aux taux à trois mois : Hong Kong, bombe immobilière
La bombe immobilière est la plus menaçante à Hong Kong. Près de 90 % des emprunts immobiliers sont corrélés au Hibor à trois mois. Les experts de Capital Economics anticipent une chute d’un tiers des prix dans les années à venir. « Le marché immobilier vit sur l’emprunt », confie Mark Williams, chef de la stratégie du groupe. Or le système bancaire de Hong Kong pèse 8,3 fois le PIB local et sa masse brute est suffisamment importante pour entraîner des conséquences systémiques mondiales : la Bank of China et la HSBC détiennent à elles seules pour 700 milliards de dollars issus de Hong Kong. Le territoire est un centre bancaire spécialisé dans le crédit à la Chine continentale, largement sollicité par des sociétés désireuses de masquer leurs taux d’endettement dans la mère patrie. En quelque sorte, explique Evans-Pritchard, « Hong Kong est devenu un acteur du vaste système chinois de banque de l’ombre ».
Pour couronner le tout, le pourcentage du revenu affecté au service de la dette privée a bondi à 28 %, le plus élevé au monde. Un niveau dramatique quand on sait que les taux d’emprunts sont à ce jour à un minimum. Si la Fed augmente ses taux sept fois jusqu’à fin 2019 comme prévu et que le différentiel de taux Hong Kong-Etats-Unis se réduit, le résultat mathématique fait froid dans le dos. Avec ou sans accord de commerce trans-pacifique, l’orage risque d’être dévastateur.