Hôtellerie : vers un Accor chinois ?

Hôtellerie Accor chinois
 
L’hôtellerie française serait-elle menacée ? L’Etat s’inquiète en tout cas des menaces qui semblent peser sur l’un de ses fleurons, le groupe Accor, que le groupe chinois Jin Jiang, contrôlé par la mairie de Shanghaï, et l’un des poids lourds de l’hôtellerie mondiale, semble lorgner avec de plus en plus d’insistance…
 
Ce n’est peut-être pas tant le fait que le chinois viserait à monter à 29 % au capital d’AccorHotels alors qu’il n’en détient que 15 % aujourd’hui, qui alimente cette inquiétude d’une éventuelle prise de contrôle, démentie d’ailleurs par Jin Jiang. C’est surtout le fait d’une progression rapide dans l’hôtellerie française, et au sein même du groupe Accor.
 

Le groupe Accor va-t-il devenir chinois ?

 
En France, le groupe chinois est, en effet, déjà propriétaire de Louvre Hôtels, un groupe qui comprend Première Classe, Campanile, Kyriad, Tulip Inn, Golden Tulip et Royal Tulip. En ce qui concerne Accor, il vient de faire une offre de rachat des 11,08 % de parts détenus ensemble par le fonds Colony Capital et la société d’investissement Eurazeo, ce qui lui permettrait déjà de porter à 26,1 % sa participation.
 
En l’occurrence, cela ressemble à de la boulimie. Fin janvier, Jin Jiang franchissait le seuil de 5 % de participation dans Accor. Fin, février, c’était 10 %. Fin mai, 15 %…
 
De ce fait, Jin Jiang est déjà le premier actionnaire du groupe français. Ce qui tend à relativiser quelque peu les déclarations de ses représentants assurant qu’il ne cherche pas à prendre le contrôle d’Accor. D’autant plus qu’il se murmure de plus en plus nettement que les négociations pour les 11,08 % évoqués plus haut sont bien avancées.
 
Une autre considération vient renforcer cette inquiétude. Si Jin Jiang, actuel numéro cinq mondial de la gestion hôtelière, venait à atteindre les 29 %, comme envisagé, du capital du groupe français, il se retrouverait juste au-dessous du seuil des 30 % à partir duquel il serait obligé de lancer une offre publique d’achat.
 
Si ce n’est pas une volonté de contrôle, cela y ressemble cependant furieusement. La Bourse de Paris ne s’y est pas trompée qui, vendredi, a vu le titre Accor prendre jusqu’à 4 % en fin de matinée, alors que l’action avait connu de sérieux retraits ces derniers mois…
 

L’Etat s’inquiète pour l’un des fleurons de l’hôtellerie française

 
On comprend qu’assez logiquement l’Etat s’intéresse au sort du seul groupe hôtelier d’envergure d’origine française, qui est même le premier groupe hôtelier européen, en cherchant notamment à obtenir un « plafonnement de sa participation et/ou de ses droits de vote » sur le long terme. Pour autant, le ministre de l’Economie déclarait hier n’avoir aucun commentaire à faire sur ce sujet. Il est vrai que, actuellement, Emmanuel Macron a d’autres chats à fouetter…
 
En tout état de cause, le dossier pourrait échapper au pur cadre économique, et prendre des allures diplomatiques. A ce niveau, il n’est pas sûr que l’Etat soit très en mesure de protéger l’un des fleurons français de l’entreprise. Les socialistes ont montré ces dernières années de quoi ils étaient capables. Une économie en déshérence – contrairement à ce qu’ils affirment aux Français – peut sans doute justifier la recherche de solutions pratiques immédiates, mais bien des analystes estiment que celle qui consiste à se débarrasser d’un certain nombre d’entreprises considérées comme la vitrine de l’excellence française ne constitue qu’une opération à très courte vue…
 

Mais aussi le Qatar…

 
C’est peut-être aussi pour cette raison que les autorités françaises font mine, dans le dossier Accor, de vouloir défendre l’hôtelier français. D’autant plus que celui-ci ne se porte pas si mal. Début décembre, en effet, Sébastien Bazin, le PDG d’AccorHotels, annonçait le rachat du canadien FRHI, propriétaire des enseignes Fairmont, Raffles et Swissôtel, pour un montant de 2,6 milliards d’euros…
 
Un joli coup qui a permis à Accor de s’offrir quelques-unes des maisons les plus prestigieuses, comme le Savoy de Londres, ou le Raffles de Singapour. Une médaille qui a aussi son revers. L’opération canadienne permet dans le même temps, par le jeu des accords, au Qatar et au prince saoudien al-Waleed, d’entrer eux aussi au capital d’Accor, respectivement à hauteur de 10,5 % et 5,8 %.
 
Avec le chinois Jin Jiang en embuscade, on ne sait si et où Accor va trouver son équilibre.
 

François le Luc