Choses vues : hôtels écoresponsables et gestes « durables »

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Le prêchi-prêcha « écologique », la moraline verte ont décidément envahi notre univers. J’avais l’habitude des hôtels où l’on vous suggère poliment de ne faire changer que les serviettes qui en ont besoin, histoire d’épargner de l’eau, des lessives et des frais inutiles. Pourquoi pas ? Mais cet état d’esprit est désormais largement dépassé : aujourd’hui c’est à chaque pas qu’on vous rappelle que vous êtes de trop sur cette planète et que le moindre de vos gestes se doit d’être « durable ». En plus, on ne vous fait pas confiance sur ce chapitre : l’infantilisation est à l’ordre du jour dans les hôtels « écoresponsables ».

Lors d’un passage récent dans un hôtel de prestige qui fait aussi centre de congrès dans une banlieue verdoyante de Rome, le souci environnemental, doublé d’un multiculturalisme assumé, était omniprésent. A vous donner de l’urticaire !

 

Dans les hôtels écoresponsables on vous pourrit la vie « pour la planète »

Cela commence avec les fameuses cartes remplaçant les clefs qu’il faut insérer dans une fente près de la porte d’entrée de votre chambre pour pouvoir disposer de l’électricité. On suppose en effet que nul ne vous a appris à éteindre en sortant. Si vous pensiez charger votre ordinateur portable et votre batterie externe pendant le déjeuner (afin de pouvoir travailler tranquillement lors des séances de travail au centre de congrès), c’est raté.

Dans la salle de bain, savon, shampooing et autres gels douches ne sont plus présentés en jolis flacons individuels – vous savez, ceux qu’on collectionne ou qu’on emporte dans sa trousse de toilette de voyage, ça sert toujours, ou pour les enfants qui jouent encore à la marchande. Non : comme dans les hôtels low-cost, les produits sont présentés en bidons. C’est pour la planète !

Papier essuie-mains et papier toilette affichent une vilaine couleur hésitant entre le beige et le marron, c’est du recyclé, ça sent positivement mauvais et c’est râpeux. Il faut souffrir pour la planète !

La bouteille d’eau qui vous est gracieusement offerte est en verre, et on peut la remplir à volonté dans le couloir, « frizzante » ou plate, selon sa préférence. Mais interdiction de l’emporter, elle est « recyclable ». En soi, pourquoi s’en plaindre ? Mais le côté odieux de l’affaire est cette espèce de pharisaïsme, cette « vertu » ostentatoire qui vous renvoie à chaque instant à votre devoir écologique.

 

Conseils de grand-mère et gestes « durables »

« Ne gaspillons pas la nourriture », proclame ainsi le set de table en papier sur lequel vous posez les aliments choisis au buffet du petit déjeuner : il faut « finir son assiette », c’est la consigne. Les environnementalistes se chargent en permanence de votre conscientisation. La simple bonne éducation est supposée ne plus exister.

Dans la salle de conférences, chaque place est munie d’une bouteille d’eau – en plastique mais avec un de ces bouchons non détachables quasi impossibles à refermer, et qui font verser à côté. A côté de quoi ? Des gobelets en carton, parce que le plastique, c’est mal. Le stylo à bille posé sur un petit carnet pour la prise de notes est lui aussi muni d’un corps en carton et d’embouts en plastique visiblement recyclé. Ça fait bon marché et c’est fait pour. Cela dit, comme tout ce matériel est remplacé à chaque séance, il n’est pas certain que l’objectif de sobriété soit tout à fait respecté…

Dans les toilettes réservées aux congressistes, on retrouve le même papier recyclé ; mais les distributeurs d’eau et de savon sont à pression – comme dans les écoles primaires et les stations-service – et ils ne lâchent qu’une demi-noix de mousse et un mince filet d’eau largement insuffisantes pour se laver et se rincer les mains. Là encore, la confiance ne règne pas car on vous suppose incapable de veiller vous-même à fermer le robinet après usage. C’est « pour la planète », sans doute !

Sans doute est-ce aussi l’environnementalisme et la spiritualité globale qui dicte le choix de l’unique livre placé dans un tiroir dans les chambres. Plus de bible Gédéon : c’est un recueil de pensées bouddhistes (en anglais) qui vous attend, tandis que l’espace de rangement est équipé d’un tapis de yoga. A Rome, je vous dis !

 

Souci de l’environnement et syncrétisme

Oubliez d’ailleurs l’excellente cuisine italienne et romaine lors de votre passage au restaurant, ce sont les « saveurs du monde » qui vous sont proposées en buffet au déjeuner et au dîner, sushis teppanyaki et cuisine chinoise y voisinent avec des salades bobo, pour l’enracinement, allez ailleurs. C’est bon mais c’est aussi politiquement correct.

De toute façon, l’hôtel assume sa volonté de rapprocher l’Orient et l’Occident. Vous n’y trouverez pas de crucifix comme dans une bonne vieille trattoria ou dans hôtel familial tel qu’il en existe encore, grâce à Dieu, en Italie. Enfin si : des crucifix renversés. Le hasard a voulu que je m’y trouve le 31 octobre, et que mes pas me mènent au fameux restaurant multi-ethnique qui accueillait une soirée Halloween où les familles branchées romaines amenaient leurs enfants déguisés en zombies, squelettes et sorcières. Décoration à l’avenant, malaise garanti… J’ai failli vomir en voyant la table à l’entrée « ornée » de têtes coupées, de bouts de membres sanglants, de pierres tombales et de croix à l’envers. Pauvres gamins. Le développement durable s’accommode de diableries, et ce n’est finalement pas si étonnant.

 

Jeanne Smits