Une société de biotechnologie, Editas Medicine, vient d’annoncer qu’elle entamera bientôt des tests cliniques en vue de proposer des modifications génétiques permettant d’« éditer » l’ADN de personnes souffrant d’une anomalie qui les rend aveugles : l’amaurosis congénital de Leber qui entrave le fonctionnement normal de la rétine. Cette anomalie se manifeste dès la naissance ou au cours des premiers mois de la vie et peut entraîner la cécité totale. Editas Medicine estime que les premiers être humains pourraient être génétiquement modifiés dans moins de deux ans.
Il s’agira de modifier un gène défectueux qui ne produit pas une protéine essentielle à la vision, au moyen de la nouvelle technologie Crispr, utilisée pour la première fois sur des êtres humains.
Des êtres humains génétiquement modifiés selon la technique Crispr
Editas Medicine devra demander une autorisation spéciale aux autorités de régulation compétentes aux Etats-Unis, puisque la modification génétique de l’être humain y est actuellement interdite. La directrice de la société, Katrine Bosley, a déclaré lors d’une conférence que les premiers « essais de terrain » pourraient commencer sur des patients aveugles en 2017.
« Cela paraît rapide, mais nous allons à la vitesse que permet la science », a-t-elle expliqué lors de la conférence Em-Tech à Cambridge, Massachusetts.
La technologie Crispr (Clustered, Regularly Interspaced, Short Palindromic Repeat) repose sur un mécanisme de défense utilisé naturellement par des bactéries : elles portent dans leur ADN des morceaux de code génétiques appartenant à des virus qui leur permettent de les reconnaître quand ils approchent. Dès qu’elles repèrent un virus, elles dégagent un enzyme qui l’attaque en détruisant ces morceaux de code.
Editas Medecine veut commencer ses tests cliniques dans deux ans
Cette technique a été maîtrisée par des chercheurs qui s’en servent comme de « ciseaux moléculaires » capables d’enlever des zones d’ADN qui ont muté.
La technique pose des problèmes éthiques et humains puisqu’elle modifie fondamentalement l’ADN d’une personne et que ce nouveau code génétique sera transmis aux éventuels descendants. On ne sait pas non plus quelles peuvent être les répercussions de la technique sur le reste de l’ADN.
Par ailleurs, la technique peut ne pas se limiter à la réparation d’un défaut mais servir à la création de bébés « sur mesure ».
Dans l’essai programmé par Editas Medicine, les patients se verraient injecter une « soupe de virus » dans l’œil, chargés d’« effacer » environ 1.000 lettres d’ADN du gène CEP290 de leurs cellules photoréceptices.
Si les expériences sont concluantes, elles annonceraient un espoir pour le traitement de plusieurs milliers d’anomalies génétiques à l’origine d’affections telles la maladie de Huntington ou la fibrose cystique.
Les immenses espoirs que cela suscitera pourraient faire oublier les dangers inhérents à de telles interventions, mais aussi exposer les patients, au désespoir de trouver un remède à leur maladie, aux manœuvres de marchands de promesses.